Elle s’appelle Eylem Balta. Elle est née à Dersim au Kurdistan. Elle a 33 ans et est technicienne en topographie. Réfugiée en France depuis 2019, Rennaise depuis peu, elle a bien voulu nous confier son histoire et nous autoriser à la publier, une histoire tristement ordinaire quand il s’agit de celle d’une militante kurde sous le régime d’un président autocrate, une histoire qui force le respect.

Elle s’appelle Eylem Balta. Elle est née à Dersim au Kurdistan. Elle a 33 ans et est technicienne en topographie. Réfugiée en France depuis 2019, Rennaise depuis peu, elle a bien voulu nous confier son histoire et nous autoriser à la publier, une histoire tristement ordinaire quand il s’agit de celle d’une militante kurde sous le régime d’un président autocrate, une histoire qui force le respect.

André Métayer 

« Je connais le mouvement de libération kurde depuis mon enfance et j’en fais partie. Durant mes années de lycée et d’université, j’ai milité dans les organisations de jeunesse et féministes. Elles ont été interdites en Turquie mais j’ai continué. La police était toujours après nous et nous importunait. Nous étions constamment menacées par la police et les services secrets. 

La police interroge toujours en imposant une supériorité psychologique. Quand elle torture les détenus dans certaines prisons de Turquie, elle impose aussi une torture psychologique. Dans la cellule de la prison d’Elazig où j’ai été enfermée, on entendait les cris des torturés. Parfois les policiers brandissaient devant nous des armes lourdes, parfois ils nous montraient des photos de cadavres de guérilleros dont les membres avaient été brisés. 

Entre 2014 et 2016, quand la Turquie a lancé sa vague de répression sur les villes kurdes, de nombreux militants kurdes ont été arrêtés, nos élus municipaux ont été enlevés. A ce moment-là, l’armée turque et la guérilla s’opposaient violemment dans le Dersim et, après les combats, une lettre de moi a été retrouvée dans la poche de la veste d’une guérilla tombée martyre. Ce fut le motif de mon arrestation, en juin 2017, puis de ma mise en détention. J’étais enceinte quand je suis allée en prison et j’ai été libérée au bout de 4 mois pour raison de santé.  Après mon procès et ma condamnation à 7 ans d’emprisonnement, j’ai dû quitter le Kurdistan afin de ne pas retourner en prison. Je suis réfugiée en France depuis 2019.

La vie en prison 

La vie en prison est extrêmement difficile. Vous êtes constamment en guerre avec les gardiens et avec le directeur de la prison. La nourriture est toujours très mauvaise. L’eau chaude est fournie une fois par semaine et, parfois, nous pouvons prendre un bain. Nous pouvons passer commande à la cantine. Nous obtenons en fait ce dont nous avons besoin, mais pas obligatoirement ce que nous voulons. Nous pouvons acheter des timbres, à la prison, pour envoyer des lettres, mais les timbres coûtent cher et envoyer des lettres devient un sérieux problème. Nous pouvons voir nos familles depuis les cabines vitrées un jour par semaine… Sauf dans le cas de sanctions disciplinaires et, en général, les prisonniers sont toujours punis. Parfois nous sommes privés de parloir, parfois c’est notre correspondance qui reste bloquée. 

Néanmoins, Nous continuons la guerre contre le système. Après tout, les prisons sont comme nos maisons, on y partage le quotidien et c’est aussi un lieu de vie où on apprend beaucoup. Il y a une vie intellectuelle très profonde, des heures de lecture, des discussions sur la sociologie de l’art, la psychologie et la politique aussi. C’est un lieu de formation continue. La solidarité entre détenus est très réelle et très importante. C’est un bien précieux. »