Le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, et son homologue russe, Vladimir Poutine se sont entretenus en tête à tête pendant près de quatre heures, vendredi 5 août, à Sotchi (sud de la Russie).

Toute la presse en parle, Erdoğan étant présenté comme le médiateur incontournable entre Moscou et Kiev concernant l’acheminement des céréales ukrainiennes bloquées dans les ports ukrainiens de la mer Noire. »Aujourd’hui, bien sûr, les yeux du monde entier sont tournés vers Sotchi« , s’est réjoui le dirigeant turc, auréolé de son statut.

L’objectif est aussi, et sans doute d’abord, d’assurer la mise en oeuvre de l’accord sur la reprise des exportations de céréales russes, comme le souligne l’agence TASS citant le communiqué du Kremlin : « l’objectif est d’abord de renforcer les échanges commerciaux entre les deux pays et d’aller à la rencontre des attentes mutuelles dans le domaine de l’économie et de l’énergie« . Et de rappeler « l’importance cruciale des relations sincères, franches et de confiance entre la Russie et la Turquie pour assurer la stabilité régionale et internationale ». 

Côté russe, il s’agit d’imposer le rouble dans les règlements internationaux face à l’euro et au dollar, pour contourner les sanctions économiques occidentales qui pèsent sur l’économie russe.

Le président Erdoğan a aussi besoin, pour sauver son économie mal en point, des touristes russes, du gaz russe, des céréales russes et de l’aboutissement du projet de construction de la centrale nucléaire d’Akkuyu par le géant nucléaire russe Rosatom. Il a estimé, à l’issue de ces discussions politiques et économiques, qu’une « page très différente « s’ouvrait dans les relations bilatérales entre les deux pays. Il espère surtout avoir le feu vert de Moscou pour envahir la Syrie et anéantir Rojava. Déjà, il avait obtenu de l’Iran, et la Russie, lors de la rencontre de Téhéran, le 19 juillet dernier, un soutien implicite dans sa lutte contre les Kurdes, indiquant « rejeter toutes les initiatives d’auto-détermination illégitimes » selon un communiqué de l’AFP :

« L’Iran, la Turquie et la Russie ont dans leur communiqué conjoint soutenu implicitement Ankara dans sa lutte contre les Kurdes, indiquant rejeter toutes les initiatives d’auto-détermination illégitimes. Ils ont affiché leur volonté de s’opposer à des ambitions séparatistes qui pourraient saper la souveraineté et l’intégrité de la Syrie et menacer la sécurité des pays voisins avec des attaques transfrontalières et des infiltrations« .

Erdoğan, cheval de Troie de Poutine

Pour écraser les Kurdes, le président Erdoğan est prêt à tout. Après avoir fait le chantage aux migrants, paralysant les européens devant la menace de devoir accueillir des milliers de réfugiés fuyant Daech, il continue sa basse politique en conditionnant l’entrée dans l’OTAN de la Finlande et à la Suède à la livraison de ses opposants kurdes qui ont trouvé asile dans ces pays. Sa démarche n’a rien d’anodin note Luc de Barochez, éditorialiste au Point, le 24 mai dernier, qui qualifie Erdoğan de « meilleur agent d’influence de Vladimir Poutine au sein de l’Otan » :

« Le cynisme du président turc ne le cède en rien à celui de son homologue russe. En bloquant, sous des motifs fallacieux, l’élargissement de l’organisation militaire transatlantique à la Finlande et à la Suède, le satrape d’Ankara pulvérise l’unité manifestée par les Occidentaux face à l’agression dont l’Ukraine est victime « . 

La question kurde n’est donc pas anecdotique : elle devient centrale  

Le coup de gueule de Franz-Olivier Giesbert Erdoğan, notre ennemi de l’intérieur 

FOG (Franz-Olivier Giesbert), journaliste, éditorialiste, biographe, écrivain, au parler tranchant et volontiers polémiste, laisse éclater sa colère :

« Nostalgique de l’Empire ottoman, le guerrier Erdoğan rêve d’en découdre avec les Arméniens, les Kurdes et même les Grecs. Le pire est à craindre. Vous avez aimé le spectacle donné depuis des mois par Poutine, criminel de guerre et prévaricateur professionnel, qui rêve de reconstituer l’URSS ? Vous allez adorer la séquence à venir avec Erdoğan qui, comme son homologue russe, entend aller au bout de ses fantasmes en essayant de recréer l’Empire ottoman. Poutine et Erdoğan obéissent à la logique pavlovienne de ces tyransdont l’hubris mène les pas et qui flattent les instincts les plus bas de leur peuple pour faire oublier leurs échecs économiques : rien ne va plus, le pays s’effondre, le peuple gronde, une seule solution, j’attaque. Les conquêtes territoriales ne calmeront-elles pas la colère de leurs sujets ?«  

La question kurde n’est donc pas anecdotique : elle devient centrale.

Il est urgent que les européens imposent au « guerrier Erdoğan » les termes d’une négociation pour une paix juste et durable. Le dialogue est certes nécessaire mais, avec les dictateurs, il faut employer le seul langage qu’ils comprennent vraiment : la fermeté.

Par André Métayer

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