Les médias pro-AKP ont activement traité le sujet des maisons en brique d’Idlib, maintes vidéos à l’appui. Les constructeurs de ces maisons se vantent sur la place publique de leur œuvre et du service rendu. Cependant, le maître d’œuvre de cette cité de briquettes est, à n’en pas douter, la chancelière allemande Angela Merkel. 

Dans la région syrienne de Mashhad Ruhin, à 5 kilomètres de la frontière turque, on assiste à la fondation d’une véritable ville. Le projet de construction à Idlib de 50 000 logements destinés au réfugiés syriens est désormais achevé. Ces bâtiments sont cependant loin d’être des maisons. 

Les médias turcs pro-AKP (Parti de la Justice et du Développement du Président turc Erdogan) ont largement couvert le sujet des maisons en briquettes construites à Idlib, donnant aux constructeurs moult occasions de se vanter de leur œuvre et du service rendu. 

La plupart de ces maisons en briquettes sont composées d’une pièce unique de 4 mètres sur 4. Recouvertes d’une bâche tendue en guise de toit, elles n’ont ni cuisine, ni toilettes, ni salle de bain. Une personne se présentant comme le responsable d’une organisation caritative explique qu’il y aura des toilettes et salle de bains collectives pour hommes et femmes, en précisant que ce lieu est destiné à « accueillir les veuves qui ont perdu leur conjoint dans la guerre ». Il n’y a pas de réseau d’électricité, ni d’égout ou d’évacuation d’eau dans ces quartiers de « maisons en briquettes », car il n’y a ni cuisine, ni sanitaire à l’intérieur des « maisons ».

Il est évident que la construction de ces maisons tient compte d’une certaine « hiérarchie ». Des maisons plus « luxueuses » ont été construites Pour les chefs de gangs et leurs proches. Quoi qu’il en soit, l’équité et l’égalité sont assurées par les briquettes qui ont servi à la construction de toutes les maisons. 

Ces maisons « luxueuses » de 32 mètres carrés sont destinées à accueillir les « émirs » ou « bras droit des émirs », qui ont fait preuve d’un « héroïsme exceptionnel » et réussi à survivre à Kobanê, Raqqa, en Libye et au Karabagh. Les toits de ces maisons ne sont pas faits d’une bâche tendue, mais d’une plate-forme en béton. À la différence des autres, les maisons de ces quartiers particuliers disposent de cuisines, de toilettes et de salles de bain. Tayyip Erdoğan et son épouse Emine Erdoğan se sont « engagés » à financer respectivement 50 et 57 de ces maisons. Les gouverneurs des 81 provinces de Turquie ont fait par ailleurs don de 5 000 maisons en briquettes. Comment et d’où Erdoğan, sa femme et tous ces gouverneurs prennent cet argent est une autre question profonde à creuser.

Non seulement, les Nations unies (ONU), l’Union européenne et l’Allemagne n’ont pas réagi sérieusement à l’invasion turque et à l’occupation des terres de la Syrie/Rojava qui a entraîné le déplacement de centaines de milliers de personnes, mais ces puissances ont soutenu ouvertement la Turquie dans son projet de « construction de quartiers résidentiels sûrs », contribuant ainsi à pérenniser son occupation sur ces terres.

En observant les évolutions des deux dernières années, on peut facilement voir que cette cité de maisons en briquettes a été construite étape par étape dans le cadre d’un plan international, qu’Angela Merkel, la chancelière allemande, en a assuré la coordination et que la Turquie et Tayyip Erdoğan en ont été tout au plus les sous-traitants.

Lors d’une réunion le 5 septembre 2019 avec les gouverneurs de provinces, le chef de l’AKP Recep Tayyip Erdoğan déclare que l’Europe n’a pas tenu parole concernant les aides promises. « S’il n’y a pas de zone de sécurité en Syrie, nous devrons peut-être ouvrir les portes », menace-t-il. 

Le 23 septembre 2019, lors de la 74e session de l’Assemblée générale des Nations unies, Tayyip Erdoğan explique, tenant une carte de la Syrie dans les mains, que la bande frontalière colorée (en bleu) sera transformée en « zone de sécurité ».

Carte de la Syrie présentée par le président turc Erdogan à la 74e session de l’assemblée générale des Nations-Unie. La bande frontalière en bleu est la « zone de sécurité » revendiquée par Ankara.

Dans le livre de John Bolton intitulé « La pièce où ça s’est passé », l’on apprend que cette carte a été préparée en novembre 2018 par James Jeffrey, représentant spécial des États-Unis pour la Syrie, et approuvée par le président américain Donald Trump. 

Dans un entretien le 24 septembre 2019, à New York, avec la chancelière allemande Angela Merkel, Tayyip Erdoğan lui présente les zones dans lesquelles seront relocalisés les réfugiés qui doivent retourner en Syrie. Mme Merkel déclare à cette occasion : « Nous soutenons les efforts visant à créer une zone de sécurité. Nous devrions faire un effort pour réduire le fardeau de la Turquie et accélérer le fonds pour les réfugiés. »

Le 24 septembre 2019, l’État turc a envahi les terres du Rojava, sur une largeur de 120 kilomètres et une profondeur de 35 kilomètres à partir de la frontière, avec l’aval et le soutien de l’ONU, des États-Unis, de l’Union européenne et de la Russie. 

L’Allemagne a fait des calculs sur le coût social, politique et culturel des réfugiés. Lorsqu’il s’agit de commerce et d’avantages financiers, la souveraineté nationale, le droit international et la morale s’effacent.

La République fédérale d’Allemagne et la chancelière Angela Merkel se sont toujours opposées aux propositions de l’UE visant à stopper les aides vers la Turquie et continué à soutenir Ankara politiquement et financièrement.

L’UE a versé à la Turquie 6 milliards d’euros dans le cadre de l’accord sur les réfugiés. La dernière tranche de 780 millions d’euros a été versée le 17 décembre 2020.

Avec ce fonds, l’UE a aidé la Turquie pendant une période où ses relations avec le régime turc étaient plus mauvaises que jamais en raison des tensions en Libye, en mer Égée et en Méditerranée orientale, y compris à Chypre. En outre, l’UE a versé à la Turquie un fonds supplémentaire de 485 millions d’euros destiné aux réfugiés syriens.

Du fait des tensions, Angela Merkel a eu du mal à convaincre les États membres de l’UE concernant l’aide financière à accorder à la Turquie. Mais une solution a été trouvée pour remédier à ce désagrément. Elle consistait à ne pas remettre directement les ressources financières au gouvernement turc, mais à les distribuer aux organisations non gouvernementales qui réalisent les projets. L’État turc avait déjà préparé le terrain depuis longtemps en vue de cette éventualité.

L’aide financière de l’UE destinée aux réfugiés syriens devait être distribuée à diverses ONG telles que le Croissant rouge turc, la Fondation d’aide humanitaire (IHH), l’Association Deniz Feneri, la Fondation religieuse turque (TDV), la Fondation Aziz Mahmut Hüdayi, la Communauté de la conquête d’Istanbul (Fetih Cemiyeti). En contrepartie, ces fondations devaient mener à bien la construction de la ville en briquettes de 50 000 maisons à Idlib, sous la coordination de la présidence de l’Agence turque de gestion des catastrophes et des situations d’urgence (AFAD).

Le dénominateur commun de ces fondations est leur proximité avec les partis de la coalition gouvernementale turque, l’AKP et le MHP (Parti d’action nationaliste) et leur soutien aux groupes djihadistes tels qu’Al-Qaida, Al-Nusra et Daesh. Un autre point commun entre ces fondations est qu’elles ont toutes rejoint la campagne lancée pour soutenir la Fondation Ensar, une organisation fréquemment impliquée dans des scandales d’abus et de viols d’enfants.

La question se pose de savoir quelle part de ces fonds a été consacrée à la construction des 50 000 maisons en briquettes.

Nulle besoin d’être un expert pour comprendre que les matériaux utilisés dans la construction de ces bâtisses sont les moins chers du marché et qu’en raison de leur mauvaise qualité, ils ne sont pas adaptés aux normes de base nécessaires à une vie décente. À cet égard, les images sont plus que parlantes.

Comment croire que le gouvernement de l’AKP – qui alimente son budget avec de fausses loteries nationales, qui va même jusqu’à voler les matériaux utilisés dans la construction de ses propres bâtiments – ne détourne pas l’aide humanitaire destinée aux réfugiés syriens ?

« Que l’Union européenne vienne voir les maisons à Idlib », a titré un site d’information turc concernant les 50 000 maisons en briquettes. Ce titre est tout à fait justifié, car le véritable financeur des maisons à Idlib est l’Union européenne. Et l’architecte en chef de la « ville de briquettes » est la chancelière allemande Angela Merkel.

Si l’on devait trouver un nom pour cette « ville », le meilleur serait « La cité de Merkel ».

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