Le Tribunal permanent des peuples a rendu aujourd’hui son verdict sur la Turquie. Il déclare le chef de l'État Recep Tayyip Erdoğan ainsi que ses chefs militaires et les services secrets turcs coupables de crimes de guerre au Rojava. 
Le Tribunal permanent des peuples (TPP) réuni au Parlement européen à Bruxelles, le 26 mars 2025, pour rendre son verdict sur les crimes de guerre commis par la Turquie au Rojava

Le Tribunal permanent des peuples a rendu aujourd’hui son verdict sur la Turquie. Il déclare le chef de l’État Recep Tayyip Erdoğan ainsi que ses chefs militaires et les services secrets turcs coupables de crimes de guerre au Rojava. 

Le Tribunal permanent des peuples (TPP), une instance internationale de la société civile chargée de juger les violations graves des droits humains, a rendu son verdict sur la Turquie : dans une décision finale présentée mercredi lors d’une conférence de presse au Parlement européen à Bruxelles, il déclare l’État turc coupable d’une série de crimes graves, notamment de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et d’autres actes contraires au droit international au Rojava.

Le TPP a tenu début février, à la Vrije Universiteit Brussel (VUB), une session de deux jours sur le Rojava. Cette instance avait été convoquée pour juger les crimes commis par la Turquie et ses alliés depuis l’occupation de la région kurde d’Afrin en 2018. Le TPP s’inscrit dans la tradition des «tribunaux Russell», qui se prononce sur les crimes dont les juridictions internationales conventionnelles ne peuvent être saisies. 

Outre les membres du jury, les procureurs et les avocats, des politiciens kurdes et des militants des droits humains ont participé à l’annonce du verdict. Parmi les personnalités politiques présentes, figurait Ilham Ehmed, co-représentante des affaires étrangères de l’Administration autonome démocratique du nord et de l’est de la Syrie (DAANES).

Preuves et qualifications

Le verdict de 80 pages s’appuie sur de nombreuses preuves, qui documentent entre autres des attaques ciblées contre des infrastructures civiles, des cas de torture, des enlèvements, des détentions arbitraires et des expulsions. La destruction culturelle et historique de sites appartenant aux communautés kurde et yézidie est également mentionnée.

Le rapport classe les opérations militaires turques – dont «Bouclier de l’Euphrate» (2016), «Rameau d’olivier» (2018) et «Source de paix» (2019) – comme des actes d’agression contraires au droit international, conformément à la résolution 3314 de l’ONU. Selon le tribunal, ces opérations, qui ont conduit à l’occupation par la Turquie de plusieurs régions du Rojava, à savoir Afrin, Gire Spî (Tall Abyad) et Serêkaniyê (Ras al-Aïn), ont violé la souveraineté territoriale de la Syrie.

Chefs de culpabilité : crimes de guerre et crimes contre l’humanité

Le tribunal considère que les forces armées turques ainsi que les milices djihadistes soutenues, équipées et financées par la Turquie ont commis des crimes de guerre tels que définis dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Les actes documentés comprennent :

– Les bombardements d’hôpitaux, d’écoles et d’infrastructures hydrauliques

– L’utilisation de phosphore blanc en octobre 2019 à Girê Spî et Serêkaniyê

– Les exécutions arbitraires de civils par des groupes alliés

Des crimes contre l’humanité ont également été constatés, notamment dans le cadre de ce que l’on appelle les restructurations démographiques : après l’occupation d’Afrin, plus de 200 000 Kurdes ont été déplacés. En outre, des expropriations ont eu lieu ainsi que la destruction de sites culturels et religieux.

Impunité et inaction internationale

Le tribunal critique vivement le fait que la Turquie n’ait jusqu’à présent pas eu à craindre de conséquences au niveau international pour ces actes. Selon le rapport, la justice turque protège systématiquement les responsables contre toute poursuite pénale. La communauté internationale a également omis jusqu’à présent de prendre des mesures efficaces contre les violations persistantes des droits humains.

Demandes et recommandations

Au vu des crimes documentés, le tribunal demande:

  • la fin de l’occupation turque au Rojava et une pression internationale pour un retrait
  • des poursuites devant la Cour pénale internationale contre des décideurs turcs de haut rang, dont le président Recep Tayyip Erdoğan, son ancien ministre de la Défense Hulusi Akar, l’ancien chef des services secrets MIT et actuel ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan, l’ancien chef d’état-major Yaşar Güler et l’ancien commandant en chef des forces terrestres Ümit Dündar
  • des sanctions économiques et politiques contre la Turquie
  • la mise en place d’une commission indépendante de l’ONU ou de l’UE pour enquêter sur la situation des droits humains au Rojava

Un appel à la communauté international

Le tribunal considère son verdict comme un appel moral et juridique à la communauté internationale pour qu’elle défende sérieusement les principes du droit international et les droits des peuples opprimés. «Les actions de la Turquie mettent en danger la paix mondiale et la sécurité internationale», conclut l’instance collégiale.

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