Dans une lettre au Ministre britannique des affaires étrangères, une ONG dénonce l’emprisonnement par la Turquie de l'ex-députée kurde Leyla Güven.
Condamnée à 22 ans et 3 mois de prison pour "terrorisme" par un tribunal turc, l'ex-députée kurde Leyla Güven a été emprisonnée le 21 décembre

Dans une lettre ouverte adressée au Ministre britannique des affaires étrangères, Dominic Raab, la Campagne Paix au Kurdistan dénonce l’emprisonnement de l’ex-députée kurde Leyla Güven par la Turquie. Soulignant la répression inouïe menée par le régime d’Erdogan contre les organisations kurdes, en particulier le DTK et le HDP, l’ONG demande au gouvernement britannique d’agir pour obtenir la libération immédiate de Mme Güven et de rappeler à la Turquie ses obligations au regard du droit international.

La lettre se lit comme suit :

« Cher ministre des affaires étrangères,

Nous vous écrivons pour vous faire part de notre vive inquiétude concernant l’emprisonnement de l’ancienne députée du Parti démocratique des Peuples (HDP), Leyla Güven, condamnée à 22 ans et trois mois de prison par un tribunal turc lundi 21 décembre.

Elle a été accusée d’un certain nombre d’infractions, notamment la gestion d’une organisation terroriste en rapport avec son rôle de coprésidente du Congrès pour une Société démocratique (DTK) – une coalition d’organisations kurdes soutenant l’autonomie et les droits des Kurdes.

Le DTK n’est pas une organisation terroriste. Le gouvernement turc a donné son accord à un moment donné, en invitant l’organisation à prendre part à des discussions visant à élaborer une nouvelle constitution actualisée pour le pays.

Lors d’une audience, mardi 22 décembre, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a déclaré que le DTK était une organisation légale et a statué que la participation aux activités organisées par le DTK ne pouvait être considérée comme une preuve d’appartenance à une organisation terroriste, demandant la libération immédiate de Mme Güven.

Ce n’est pas la première fois que la politicienne kurde est prise pour cible par l’État turc. Mme Güven a été révoquée de son statut parlementaire en juin et brièvement emprisonnée avant d’être libérée suite à une campagne couronnée de succès. En 2018, elle a été emprisonnée à la suite d’un discours contre l’invasion d’Afrin par la Turquie, dans le nord de la Syrie. Mme Güven a ensuite été élue députée de Hakkari depuis sa cellule de prison.

La peine de plus de 22 ans de prison prononcée contre elle est en fait une condamnation à vie. Si cette décision est maintenue, Mme Güven, qui a consacré sa vie à la cause de la liberté, de la paix et de la justice, passera plus de temps en prison que les violeurs, les meurtriers ou les terroristes islamistes.

Il n’existe plus de système judiciaire indépendant en Turquie. Suite à un référendum constitutionnel controversé en 2017, toutes les nominations sont désormais effectuées par le président Recep Tayyip Erdogan. Les tribunaux du pays sont accusés de mettre en œuvre des décisions politiques basées sur les exigences de M. Erdogan.

Le HDP, quatrième parti politique de Turquie, est soumis à une forte pression depuis sa création. Plus de 16 000 membres et sympathisants du HDP ont été arrêtés depuis 2015. Parmi eux, 6 000 sont emprisonnés, dont 200 élus et 7 parlementaires.

Plus de 50 maires démocratiquement élus du HDP ont été démis de leurs fonctions depuis les élections locales de l’année dernière et remplacés par des administrateurs nommés par le gouvernement. Ces derniers mois, des centaines de membres et de représentants du HDP ont été détenus lors d’opérations de police.

C’est la plus grande attaque contre un parti politique légal depuis la fin de la seconde guerre mondiale et le HDP la décrit comme un génocide politique.

Nous vous demandons instamment d’user de votre influence auprès de la Turquie, alliée de l’OTAN et membre du Conseil de l’Europe, pour obtenir la libération immédiate de Mme Güven et de faire part de vos profondes préoccupations concernant la répression actuelle de la démocratie.

Il faut rappeler à la Turquie ses obligations de respecter le droit international et les décisions des institutions, y compris la CEDH. La Grande-Bretagne doit veiller à ce que les droits fondamentaux soient respectés par la Turquie et envisager les mesures à prendre dans le cas contraire.

Nous espérons que vous réagirez rapidement à cette question urgente et que vous obtiendrez la libération immédiate de Mme Güven. »

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