"Je n'ai pas commis de faute mais le tribunal a néanmoins sifflé un penalty contre moi". C''est avec un humour grinçant que Me Mehmet Emin Aktar, ancien président du barreau de Diyarbakır, a accueilli, le 14 janvier dernier, sa condamnation à 6 ans et 3 mois de prison au motif "d'appartenance à une organisation" et de "propagande pour une organisation terroriste". Il lui est reproché d'avoir participé aux activités du Congrès de la société démocratique (DTK) en 2018. Il a été laissé en liberté mais son procès continue. Le tribunal l'a condamné aux mêmes peines qu'il prononce lors des procès intentés ces dernières années aux hommes politiques, aux représentants d'ONG et aux journalistes.

« Je n’ai pas commis de faute mais le tribunal a néanmoins sifflé un penalty contre moi ». C »est avec un humour grinçant que Me Mehmet Emin Aktar, ancien président du barreau de Diyarbakır, a accueilli, le 14 janvier dernier, sa condamnation à 6 ans et 3 mois de prison au motif « d’appartenance à une organisation » et de « propagande pour une organisation terroriste« . Il lui est reproché d’avoir participé aux activités du Congrès de la société démocratique (DTK) en 2018. Il a été laissé en liberté mais son procès continue. Le tribunal l’a condamné aux mêmes peines qu’il prononce lors des procès intentés ces dernières années aux hommes politiques, aux représentants d’ONG et aux journalistes. 

Congrès pour une société démocratique (DTK)

Les autorités turques accusent le DTK d’être la vitrine légale du PKK et, à ce titre, considèrent que tous les membres, tous les invités, sont suspects et peuvent d’être poursuivis pour appartenance à une organisation terroriste. Leyla Güven, coprésidente du DTK précise le 17 novembre 2020 dans une lettre adressée à Madame la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe :

 « J’ai coprésidé le Congrès pour la société démocratique (DTK) jusqu’il y a quatre jours (26 juin). Ce jour-là, notre siège a été fermé et nos biens ont été confisqués sans décision judiciaire. Créé en 2007, DTK est le plus vaste réseau d’organisations de la région kurde. Il a servi de plateforme démocratique pluraliste réunissant des représentants de partis politiques, d’ONG, de conseils locaux, de syndicats, de mouvements de défense des droits des femmes ou écologistes et de nombreux autres acteurs. Le DTK a mené des activités diverses, dans des domaines tels que l’éducation, l’agriculture, l’écologie, la santé publique, l’égalité entre les femmes et les hommes et, surtout, la consolidation de la paix. De nombreux dirigeants du DTK ont déjà été arrêtés depuis 2015. Tout dernièrement, le 4 juin, Musa Farisoğulları, membre du Conseil présidentiel du DTK, et moi-même avons été privés de nos mandats parlementaires et arrêtés (j’ai été libérée quelques jours plus tard). Bien que les représentants du gouvernement nous traitent aujourd’hui comme des dirigeants d’une organisation illégale, ces mêmes personnes considéraient avant 2015 que le DTK était un interlocuteur légitime avec lequel on pouvait débattre de questions politiques diverses. En 2012, par exemple, M. Cemil Çiçek, alors Président du Parlement turc, avait invité officiellement les dirigeants du DTK à soumettre leurs idées et propositions pour une constitution démocratique ». 

Emin Aktar est connu à Rennes : Il a été l’invité du barreau et de la ville de Rennes

La commission des relations internationales du Barreau de Rennes avait, en 2012, invité à son colloque des barreaux des villes européennes jumelées avec Rennes, Me Mehmet Emin Aktar, alors bâtonnier de Diyarbakir, et sa consœur Me Nuşîn Uysal, qui avaient stupéfait l’auditoire en révélant la situation dramatique des avocats en Turquie. Daniel Delaveau, Maire de Rennes et Roselyne Lefrançois, adjointe aux relations internationales, n’avaient pas manqué, lors d’une réception solennelle donnée en leur honneur dans les salons de l’hôtel de ville, de rappeler la position intransigeante de la ville de Rennes sur le respect des Droits de l’Homme, des droits démocratiques et les droits des peuples. 

Cette visite avait été rappelé le 3 décembre 2015, lors de l’hommage solennel rendu à Rennes à la mémoire de son successeur comme bâtonnier de Diyarbakir, Me Tahir Erçi, ,  assassiné en pleine conférence de presse, en présence Gültan Kışanak, maire métropolitaine destituée de Diyarbakir, incarcérée depuis 2016, Eyyup Doru, représentant le HDP en Europe, des avocats venus en robe, mais aussi Roselyne Lefrançois, Lena Louarn, vice-présidente du Conseil régional de Bretagne, Jocelyne Bougeard, adjointe à la maire de Rennes.

Les premiers contacts entre Emin Aktar et les Amitiés kurdes de Bretagne sont antérieurs à sa venue à Rennes. C’est en 2010, le 23 mars, qu’il recevait à Diyarbakir, en tant que Président du barreau, une délégation AKB venue réclamer « au Gouvernement de M. Erdoğan la libération de nos amis Gulcihan Simsek, Abdullah Dermirbas, Emrullah Cin, Kazim Kurt« , respectivement maire de Bostanici, Sur, Viranşehir et Hakkari. Emin Aktar avait souligné la politique en trompe l’œil d’Erdoğan : 

« La Turquie fait croire à l’Europe que l’Etat met en place un Etat démocratique en accordant des droits aux Kurdes Mais dans les faits, il y a eu intensification de la répression. L’Etat cherche à présenter les Kurdes comme des criminels. Même une manifestation d’avocats est considérée comme une manifestation de terroristes« . 

En Avril 2019, une délégation des AKB était de nouveau reçue longuement par ce même Emin Aktar, en tant qu’avocat principal de Gültan Kışanak. Cette délégation était porteuse d’une lettre de Nathalie Appéré, maire de Rennes, à sa collègue incarcérée, l’informant des nombreuses interventions de la ville de Rennes et l’assurant de son soutien. Emin Aktar avait rappelé à cette occasion sa venue à Rennes en 2012 dont il garde, avait-il précisé, un souvenir ému.

Par André Métayer

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