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Suite à la mobilisation internationale autour de Leyla Güven et des autres grévistes de la faim qui demandent la levée du régime d’isolement imposé à Öcalan, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), réunie en session plénière à Strasbourg, a tenu jeudi 24 janvier un débat d’urgence sur la Turquie. A l’issue de ce débat, a été adopté une résolution intitulée « aggravation de la situation des membres de l’opposition politique en Turquie : que faire pour protéger leurs droits fondamentaux dans un Etat membre du Conseil de l’Europe ? »

A la veille de la libération de la Députée Leyla Güven qui a entamé le 7 novembre une grève de la faim dans la prison de Diyarbakir pour rompre le régime d’isolement imposé au leader kurde Abdullah Öcalan sur l’île-prison d’Imrali, l’APCE a voté une résolution très critique à l’égard de la Turquie. Le texte voté selon les conclusions des co-rapporteurs Marianne Miko (Estonie) et Nigel Evans (Royaume-Uni) aborde différents aspects de la répression exercée en Turquie à l’encontre de l’opposition, en particulier l’opposition kurde. Après des observations tenant en 10 points, l’APCE émet un ensemble de recommandations à l’adresse de la Turquie.

Après avoir souligné que l’opposition politique est « indispensable au bon fonctionnement de la démocratie, la résolution rappelle « les vives inquiétudes » suscitées par « l’évolution récente de la situation démocratique en Turquie et la détérioration de la situation de l’Etat de droit, de la démocratie et des droits de l’homme ». 

A cet égard, l’APCE pointe du doigt « la levée de l’immunité de 154 parlementaires en mai 2016 qui, précise le texte, a affecté de manière disproportionnée le Parti démocratique des Peuples (HDP) ». Elle se dit également préoccupée par les « décret-lois votés dans le cadre de l’état d’urgence entre juillet 2016 et juillet 2018, les réformes constitutionnelles de 2017, l’organisation hâtive d’élections présidentielles et législatives anticipées en juin 2018 ». Elle souligne par ailleurs « les préoccupations que soulèvent de longue date les obstacles à la liberté d’expression, au rang desquels figurent la loi antiterroriste et son interprétation large ».

Le texte fait ensuite état des préoccupations de l’Assemblée concernant la détention de parlementaires et d’anciens parlementaires, évoquant en particulier les cas de l’ancien Député et Coprésident du HDP Selahattin Demirtas, détenu depuis novembre 2016 et de Leyla Güven qui, incarcérée le 31 janvier 2018, a été maintenue en détention malgré son élection en tant que Députée du HDP en juin 2018. « En particulier, l’Assemblée est très préoccupée par le fait que la parlementaire en détention Leyla Güven ait entamé une grève de la faim indéfinie le 8 novembre 2018 et regrette vivement que les politiciens soient contraints de recourir à ces moyens ultimes pour attirer l’attention sur leur sort en l’absence de véritable débat politique et de dialogue », souligne la résolution.

Concernant la détention de Selahattin Démirtas, l’APCE exprime sa déception et son inquiétude suite aux propos du Président turc Erdogan qui a déclaré que la Turquie n’était pas liée par l’arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Celle-ci avait ordonné la libération de l’ancien Coprésident du HDP. 

L’APCE évoque également la destitution de plus de 90 Maires du HDP ou de son parti affilié, le BDP (Parti démocratique des Régions), et leur remplacement par des administrateurs désignés par le gouvernement. « Cela a gravement sapé le fonctionnement de la démocratie locale, en particulier dans le sud-est de la Turquie », précise a cet égard la résolution qui relève que la répression à l’encontre des membres de l’opposition s’inscrit « dans un contexte caractérisé par des mesures restrictives continues introduites par les autorités en vue de réduire au silence notamment les journalistes, les juges, les procureurs, les avocats, les académiciens et d’autres voix dissidentes.    

En conséquence, l’APCE adresse un ensemble de demandes à la Turquie, l’appelant notamment à libérer Leyla Güven du fait de son immunité parlementaire, ainsi que les parlementaires et anciens parlementaires privés de leur immunité en 2016, en particulier Selahattin Demirtas en application de l’arrêt de la CEDH. 

L’Assemblée demande par ailleurs à la Turquie de suivre les recommandations du Comité pour la Prévention de la Torture (CPT) concernant Abdullah Öcalan et ses codétenus. Dans un rapport publié en 2018 suite à une visite sur l’île-prison d’Imrali, le CPT avait relevé qu’Öcalan et les quelques autres personnes détenues dans la même étaient privés des moyens de communication avec l’extérieur. Il avait par conséquent demandé à la Turquie de réparer cette atteinte aux droits des personnes privées de liberté.     

Le lendemain de cette résolution, la Cour pénale de Diyarbakir a décidé de libérer Mme Güven sous contrôle judiciaire. A la sortie de la prison jeudi 25 janvier, la Députée kurde a fait savoir qu’elle continuerait sa grève de la faim à l’extérieur jusqu’à ce que sa revendication soit satisfaite.

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