Selon le journaliste Hasan Djoudi, la politique turque de changement démographique est un facteur de l'émigration kurde.
Hasan Djoudi, journaliste et analyste politique kurde

Dans un entretien accordé à l’agence de presse Firat News (ANF), le journaliste et analyste politique Hasan Djoudi fait le lien entre la situation des réfugiés kurdes à la frontière biélorusse et les efforts de la Turquie visant à changer la structure démographique du Kurdistan.

Selon Hasan Djoudi, le Sud-Kurdistan (nord de l’Irak) est confronté à un chaos économique, social et politique d’une ampleur sans précédent, qui dépasse la crise du pouvoir. « Les autorités locales ne sont pas seulement impuissantes face à la catastrophe, il semblerait aussi qu’elles ferment les yeux. C’est pourquoi, la population s’oriente vers l’émigration, une sorte de réaction au système politique. Au cours des trois dernières années, le gouvernement a ruiné le système administratif et économique, provoqué la corruption des relations sociales et détruit la spécificité kurde. Pendant 45 ans, ce gouvernement a autorisé l’installation de bases militaires turques sur le territoire du Sud-Kurdistan et emprisonné des centaines de militants et de journalistes innocents. Il ne fait aucun doute que la société réagit également à cette répression. Le taux de participation aux dernières élections n’a pas dépassé les 18%, et le parti au pouvoir a obtenu moins de la moitié des voix. Ceci traduit clairement une réaction de la société face à ce système. »

L’émigration et le changement démographique au Kurdistan

D’après l’analyste politique, la Turquie mène une politique visant à changer la structure démographique de la région. « Forcer les jeunes à migrer et changer la structure démographique sont des méthodes mises en œuvre de manière systématique. Avec le soutien de plusieurs puissances régionales, la Turquie tente de pousser les jeunes à partir et d’installer des Arabes sunnites dans la région. Ainsi, elle favorise la mise en place de réseaux d’agents et de passeurs, afin d’envoyer les jeunes par vagues en Europe. »

Hasan Djoudi bat en brèche l’idée selon laquelle le « sentiment patriotique » serait plus faible chez les  migrants : « Il est très insensé de dire que ceux qui émigrent ne sont ‘pas patriotes’. La réalité est que 95 % de la société du Sud-Kurdistan est mal à l’aise avec le gouvernement [Gouvernement régional du Kurdistan, KRG]. Le pouvoir actuel est répressif, réactionnaire et injuste; il est détenu par une clique asservie aux occupants. Il ne fait aucun doute qu’une des causes de l’émigration est le refus de vivre sous l’occupation. Cependant, il aurait été préférable que ces personnes restent dans leur pays pour lutter contre le gouvernement. »

« Il y a une tragédie généralisée au Kurdistan du Sud, poursuit M. Djoudi. Le KRG est occupé à monter des scénarios pour convaincre la population qu’il va trouver une solution à la crise, mais les discours des autorités ne valent pas un sou. Personne ne les croit. »

L’UE et les Etats-Unis responsables de l’immigration kurde

Attirant l’attention sur le rôle des puissances occidentales dans la migration kurde, Djoudi a déclaré : « Les États européens, qui soutiennent le KRG depuis 30 ans et qui sont restés silencieux face à l’oppression contre le peuple, sont également responsables de ce phénomène de migration. L’Union européenne est coupable, elle doit maintenant se remettre en question. Tant que les États-Unis et l’Europe soutiendront le pouvoir en place au Sud-Kurdistan, le problème de l’immigration continuera. Car la population ne veut pas vivre sous un gouvernement tyrannique. Les puissances occidentales ne devraient pas ignorer les violations commises par le KRG. »

Le Biélorussie utilise la « carte kurde » contre l’UE

Et d’ajouter: « la Biélorussie utilise la situation contraignante des Kurdes contre les pays de l’Union européenne pour son propre bénéfice. Comme l’État turc envahisseur, la Biélorussie utilise elle aussi la ‘carte kurde’ pour faire chanter l’Union européenne. »

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