A la veille de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, la KJK appelle les femmes du monde entier à unir leurs luttes contre toutes les formes de violence patriarcale et à construire un front de résistance commun.
Pour marquer le 25 novembre, journée internationale contre les violences faites aux femmes, la Coordination des communautés de femmes du Kurdistan (Komalên Jinên Kurdistanê, KJK) adresse ses « salutations révolutionnaires » à toutes les femmes qui résistent à la violence masculine et luttent contre le fascisme et l’occupation.
La KJK appelle les femmes du monde à unir leur lutte contre toutes les formes de violence patriarcale et à construire le front de résistance des femmes du monde.
La déclaration est la suivante :
« Nous vivons à l’ère des guerres sans nom. Une guerre sans nom est menée contre les femmes sans être déclarée. La violence patriarcale est pratiquée ouvertement partout. Des centaines de femmes sont assassinées par des hommes chaque jour. Des dizaines de femmes sont victimes de harcèlement sexuel et de viol à chaque minute. D’innombrables femmes sont victimes de violence à chaque seconde. À la racine de la violence contre les femmes, il y a un état d’esprit patriarcal d’exploitation qui revendique la possession de femmes. Cet état d’esprit est organisé sous la forme d’un système universel et reproduit en permanence la violence physique, sexuelle, psychologique, économique, numérique et structurelle globale contre les femmes dans tous les domaines de la vie. Pour cette raison, nous ne pouvons briser la violence contre les femmes que par une lutte radicale contre les attitudes patriarcales. Depuis cinq mille ans, les griffes de la violence nous étouffent et nous coupent le souffle. Nous ne pouvons plus et ne voulons plus vivre ainsi. Il est temps d’aller aux racines de la violence patriarcale et de la briser !
A l’occasion du 25 novembre de cette année, il faut se souvenir de la résistance des femmes, qui donne à cette journée son importance. Les sœurs Mirabal ont été brutalement tuées il y a 60 ans parce qu’elles se sont battues pour libérer leur pays, la République dominicaine, du fascisme. Elles ont été assassinées parce qu’elles participaient activement à la résistance contre la dictature de Trujillo. Pour cette raison, nous considérons la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes comme la journée de la résistance des femmes contre le fascisme. Parce que le meurtre des sœurs Mirabal montre clairement le lien inséparable entre le fascisme, la violence et la misogynie.
Le fascisme attaque les femmes
Aujourd’hui encore, des femmes du monde entier se battent contre le pouvoir fasciste-patriarcal. Du Nord-Kurdistan et de la Turquie aux Philippines, du Brésil à la Hongrie, les femmes jouent le rôle principal dans la lutte pour une vie libre. Et c’est précisément pourquoi elles sont confrontées à la répression et à la violence les plus sévères. L’une des raisons en est le caractère misogyne du fascisme. Une autre raison est que les luttes des femmes d’aujourd’hui représentent la principale dynamique de la lutte commune pour la démocratie et la liberté. Les régimes fascistes en sont bien conscients et attaquent d’abord les femmes afin de tuer les luttes sociales pour la démocratie. En ciblant les femmes dirigeantes, on vise les luttes sociales. Il en est ainsi de l’attaque contre Zehra Berkel, Hebun Mela Xelil et Emine Weysi, membres du mouvement des femmes kurdes à Kobanê, tuées par un drone turc, le meurtre de Leyla Wan, membre de notre conseil exécutif, par l’armée turque, l’enlèvement et le meurtre qui a suivi de la maire Florisel Rios au Mexique, l’assassinat systématique de femmes impliquées dans le « processus de paix » de la Colombie, celui de Breonna Taylor par des policiers aux États-Unis et d’innombrables autres fémicides de l’année écoulé.
La montée actuelle du fascisme est due à sa relation ontologique avec la modernité capitaliste. De même, la relation entre le fascisme et l’État-nation en tant que l’un des trois principaux piliers du capitalisme est de nature ontologique. Autrement dit, l’existence du fascisme est liée à la modernité capitaliste et à l’État-nation. La modernité capitaliste assure également son existence à travers l’outil du fascisme. C’est la raison pour laquelle les États-nations apparaissent avec leur caractère fasciste dans ce que nous avons appelé la troisième guerre centrée sur le Moyen-Orient.
Nous saluons les femmes combatives !
En tant que mouvement de libération des femmes du Kurdistan, nous adressons nos salutations révolutionnaires à toutes les femmes qui résistent aujourd’hui à la violence masculine, qui prennent leur place dans la lutte contre le fascisme et l’occupation. Nous saluons toutes les luttes des femmes qui font trembler et craindre le système patriarcal, qui font reculer le système et menacent son existence même. Nous saluons toutes les femmes du Kurdistan et les camarades de solidarité qui renforcent leur autodéfense au Kurdistan contre la violence masculine et étatique et qui participent à notre offensive «Il est temps de défendre les femmes libres et la société contre le féminicide».
Nous adressons nos salutations aux prisonniers politiques qui résistent à l’isolement, à la torture et à l’exécution dans les prisons du régime iranien et d’autres États. Des salutations à toutes les femmes qui défendent leur pays contre l’occupation, du Rojava à la Palestine. Salutations aux femmes combatives qui disent « Ni Una Menos » (« Pas une de moins ») contre le féminicide en période de pandémie et veillent à ce que les meurtriers et les criminels violents soient punis. Salutations à nos sœurs qui dirigent le mouvement Black Lives Matter aux USA. Votre combat est le nôtre, notre combat est le vôtre ! Nous sommes une ! Alors réunissons-nous.
Le féminicide n’est pas seulement pratiqué par les États, les forces paramilitaires ou les mercenaires. La mentalité patriarcale s’est établie dans presque tous les groupes sociaux et, par conséquent, la violence masculine menace la volonté et l’existence des femmes dans tous les domaines de la vie. La violence contre les femmes, qui a fortement augmenté avec la pandémie du Covid-19, est la véritable épidémie de notre temps. La seule augmentation de la violence masculine cette année montre clairement que l’attitude patriarcale n’a pas décliné, au contraire, elle se reproduit encore plus vite et plus violemment. Parallèlement à la lutte mondiale des femmes pour la liberté et l’égalité, nous voyons la mentalité patriarcale et son système ainsi que les féminicides.
L’AKP mène une guerre spéciale contre les femmes
En tant qu’auteurs de ce génocide des femmes, les hommes de notre environnement se complètent comme une sous-structure, avec l’État comme une superstructure. Les hommes commettent des assassinats, des violences et des viols contre les femmes sont protégés, voire encouragés par l’État d’une manière ou d’une autre, partout dans le monde ! Leurs actions sont justifiées au motif qu’elles seraient « provoquées » par les femmes. Nous voyons que derrière tout cela, il y a un système, une coopération entre l’auteur et l’État en matière de violences contre les femmes. Telle est la réalité à laquelle sont confrontées les victimes de violence masculine partout dans le monde.
Nous voyons donc que la mentalité patriarcale et son système sont organisés pour contrer la prise de conscience croissante et la lutte pour la liberté des femmes ainsi que leur lutte croissante. La guerre systématique menée dans notre pays, le Kurdistan, et en Turquie par le régime fasciste de l’AKP et du MHP contre la volonté des femmes en est un exemple.
Ce régime cherche à détruire notre mouvement révolutionnaire de libération des femmes. Dans ce but, il mène une politique de guerre spéciale contre les femmes, à la fois à l’intérieur des frontières de l’Etat turc et au-delà. Les femmes politiques et militantes sont arbitrairement arrêtées et envoyées en prison, les femmes sont violées et assassinées. Au Rojava, les femmes des villes kurdes sous occupation turque sont réduites à l’esclavage et vendues, et les femmes dirigeantes du mouvement sont assassinées. Au cours de la pandémie, l’État turc a intensifié massivement sa chasse au mouvement de libération kurde et procède désormais quotidiennement à des raids et des arrestations massives. Au même moment, il utilise la pandémie du Covid-19 comme prétexte pour libérer les meurtriers de femmes et les criminels violents. En conséquence, au moins une femme est assassinée par des hommes chaque jour en Turquie et au Nord-Kurdistan. Dans cet esprit, il n’est pas surprenant que le gouvernement turc envisage de se retirer de la Convention d’Istanbul contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (qu’il n’applique pas de toute façon). Ce n’est qu’en raison de la résistance commune et de la mobilisation des femmes en Turquie et au Nord-Kurdistan qu’il n’a pas été en mesure de mettre en œuvre son plan jusqu’à présent.
Les femmes résistent !
Et c’est notre autre réalité, qui s’appelle: résistance et lutte organisée! Nous résistons à toutes les formes de violence et d’attaques féminicides des systèmes patriarcaux, misogynes, fascistes et racistes. Avec notre résistance, nous obtenons des résultats. En Argentine, la lutte des femmes sous la devise «Mon corps, mon choix» a conduit le Parlement à approuver le projet de loi pour la légalisation de l’avortement. Aux États-Unis, les femmes ont veillé à ce que le machiste Trump n’obtienne pas un second mandat présidentiel. En Biélorussie, le dictateur Loukachenko a perdu toute légitimité en raison du mouvement de protestation dirigé par des femmes. Le lien entre le racisme, le fascisme et la misogynie ressort clairement de ces quelques exemples. Nous constatons que partout où des régimes racistes-fascistes se développent, les attaques parallèles contre la volonté, la liberté et la vie des femmes se multiplient. Ni la montée des régimes racistes-fascistes à notre époque, ni les féminicides en augmentation sous ces régimes, ne sont dus au hasard.
Cela nous montre que la nécessité – en reconnaissant la relation organique entre le racisme, le fascisme et le fémicide – d’organiser la résistance unie est plus forte et plus urgente que jamais. Nous sommes confrontées aux expressions locales d’un phénomène universel. Pour cette raison, il est d’une importance stratégique que nous unissions nos luttes locales.
En tant que mouvement de libération des femmes kurdes, nous avons lancé une nouvelle offensive partout où nous sommes organisées. Avec cela, nous complétons l’offensive que l’organisation faîtière du mouvement de libération kurde, la KCK, a lancée sous la devise « Mettre fin à l’isolement, au fascisme et à l’occupation – C’est le moment pour la liberté ».
A l’occasion du 25 novembre, les femmes kurdes, où qu’elles vivent, descendront dans la rue contre les féminicides et feront un pas en avant dans notre offensive.
Nous appelons toutes les femmes kurdes au Kurdistan et à l’étranger à défier le patriarcat par des actions fortes et efficaces. De plus, à l’occasion du 25 novembre, nous, le KJK, aimerions appeler toutes les femmes qui luttent contre le fascisme et l’occupation partout dans le monde pour défendre la vie libre à rejoindre notre résistance.
Ce n’est qu’avec une lutte unie que nous pourrons affaiblir et vaincre les systèmes de gouvernement fascistes-patriarcaux. Ces systèmes de gouvernement se défendent les uns les autres. Par conséquent, les femmes doivent organiser un front uni pour la défense de la vie libre contre le front des ennemis des femmes, de la nature, de la société et de la vie, et élever ainsi la lutte commune. Telle est l’importance que nous attachons au 25 novembre de cette année. Si la violence contre les femmes et les féminicides augmentent parallèlement à la montée des régimes masculins fascistes, racistes et populistes, nous devons également unir notre lutte contre le fascisme, l’occupation et la violence contre les femmes. Le moment est venu !
Il est temps de défendre la femme libre et la société contre le féminicide !
Nous avons lancé notre offensive sous le slogan « Il est temps de défendre les femmes libres et la société contre le féminicide ». L’une des raisons de ce slogan est que nous considérons la violence à l’égard des femmes comme un problème social. Tout comme la libération des femmes détermine la liberté de la société, la violence à l’égard des femmes bat, écrase, démantèle et vide simultanément la société elle-même. Afin de mettre fin à la violence, les femmes doivent amener toute la société du côté de notre lutte et transformer la lutte contre la violence en une lutte sociale.
Dans cette optique, nous aimerions lancer un appel aux hommes : ne soyez pas partenaires et collaborateurs du fascisme ! Débarrassez-vous du poison de la mentalité patriarcale ! Suivez l’exemple de notre leader Abdullah Öcalan, qui a approfondi l’idéologie de la masculinité et de la mentalité patriarcale.
Abdullah Öcalan a mis en œuvre la philosophie et la pratique de «tuer l’homme» dans sa propre personne. «Tuer l’homme (dominant)» signifie surmonter le pouvoir, la domination, l’exploitation et l’inégalité dans sa propre personne.
Notre leader Abdullah Öcalan a confronté les hommes révolutionnaires, à commencer par lui-même, à la question et à la tâche de la transformation. Le fait qu’il ait été enlevé par l’OTAN, la plus grande organisation criminelle d’État, et remis à la Turquie il y a près de 22 ans, et qu’il soit depuis retenu en otage dans des conditions d’isolement extrême, est également lié à son approche sans précédent de la question du genre.
La KJK voudrait saisir cette occasion pour condamner une fois de plus les États qui ont organisé et mené à bien cette conspiration internationale contre Abdullah Öcalan.
Nous appelons les femmes du monde à nous soutenir dans notre lutte pour obtenir la libération d’Abdullah Öcalan.
Il n’y a pas de liberté sans organisation et sans légitime défense !
Le seul moyen de lutter contre la violence masculine à l’égard des femmes est de développer des organisations de femmes et de se défendre. Nous vivons à une époque où la violence et les agressions masculines envahissent tous les domaines de la vie. C’est pourquoi la légitime défense est un impératif. Pas une seule femme ne devrait être sans défense. En d’autres termes, pas une seule femme ne doit être désorganisée. Ce n’est qu’en s’organisant et en faisant partie d’une force organisée que nous pourrons nous défendre et lutter contre toutes les formes de violence. Nous devons être conscientes qu’il n’existe pas de libération individuelle. Nous pouvons nous débarrasser des attaques patriarcales en construisant notre unité contre le système patriarcal. L’organisation est nécessaire pour parvenir à la liberté. En nous organisant, nous pouvons nous libérer.
Notre appel en tant que mouvement de libération des femmes du Kurdistan le 25 novembre à nos sœurs et camarades dans le monde est le suivant: Joignons nos luttes contre toutes les formes de violence patriarcale – surtout le fascisme – et construisons le front de résistance des femmes du monde. Nous appelons cela le confédéralisme démocratique mondial des femmes. Contrairement à la violence masculine qui entoure chaque parcelle de terre et s’installe dans l’air que nous respirons, nous devons créer nos espaces de vie libre. Et c’est la forme la plus forte d’autodéfense des femmes ; la création d’espaces de vie libre. En ce sens, nous ne devons pas seulement utiliser le 25 novembre comme une journée de lutte, mais aussi pour : défendre les femmes libres et la société libre contre le féminicide et créer la vie libre!
Élevons la voix et disons du Kurdistan au Mexique, de la Palestine à la Pologne, de l’Amérique à l’Inde et au-delà: Jin, Jiyan, Azadî! Les femmes, la vie, la liberté!