Incendies au Rojava

Depuis plus d’un mois de nombreux incendies ont éclatés dans le Rojava (Administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie – AANES). Si, indéniablement, ils ont plusieurs origines, il est clair qu’une bonne partie d’entre eux sont le résultat d’actes criminels. 

En me rendant dans les régions de Kobané, de l’Euphrate, de Giré Spî et de Qamishlo – une zone qui s’étend sur plus de 500 kilomètres -, j’ai pu recueillir des témoignages à ce sujet. De nombreux habitants se plaignent des fumeurs qui, sans précaution, jettent leurs mégots sur un sol que la sécheresse a rendu inflammable. Un habitant de Qamishlo m’a déclaré : « Les gens ne font pas attentions. Ils jettent leurs mégots en plein champs, c’est irresponsable ! ». À l’évidence, la conscience écologique de la population n’est pas encore au niveau des attentes de l’auto-administration – et, au Rojava, les fumeurs ne manquent pas. Par ailleurs, il n’y a pas de tri sélectif et, d’une façon générale, les gens sont encore très négligents.

Ceci étant, l’essentiel des incendies n’est pas d’origine accidentelle.  Vidéos à l’appui, l’Organisation de l’État islamique (OEI) a revendiqué nombre d’entre eux. Des paysans kurdes ont vu des soldats turcs mettant le feu à des champs le long de la frontière. Des agents favorables au régime d’al-Assad agiraient de même. On constate que les incendies sont concentrés autour des régions peuplées de Kurdes. Dans des lieux fortement peuplés d’Arabes comme Mabrouka et Giré Spî, on déplore peu d’incendies. Par contre, ils prolifèrent dans la région de Qamishlo et de Kobané. Ces menées criminelles visent à accentuer les fractures ethniques entre Kurde et Arabes et à mettre en difficulté les populations kurdes, principaux soutiens de l’auto-administration. 

Les récoltes souffrent particulièrement. L’auto-administration évoque plus de 30 millions d’euros de dégâts dans un pays qui connaît de grandes difficultés à la suite de huit années de guerre civile.

Cette « guerre économique » est couplée avec des vagues d’attentats comme il s’en est produit à Qamishlo le 17 Juin mais, aussi, avec des assassinats comme celui du chef arabe de Giré Spî,Ubaid Khalaf al-Hassan, connu pour son soutien au Forces démocratiques syriennes (FDS). 

Daech s’emploie par tous les moyens à déstabiliser les régions que contrôle l’auto-administration. La situation est particulièrement alarmante dans les régions de Raqqa et de Deir Ezzor où l’idéologie djihadiste est restée très présente. L’auto-administration n’a que de faibles moyens pour lutter contre ces actions d’autant qu’elles reçoivent le soutien de certains chefs arabes tribaux ou d’états étrangers comme la Turquie. Le régime de Bachar El-Assad n’est pas en reste dans l’aide qu’il apporte à ses propres factions suprémacistes.

Polat Can, commandant des FDS, déplore le manque d’aide de la coalition internationale dans la lutte contre Daech et dans celle à la reconstruction. « Il n’y a pas que les États-Unis qui sont en cause mais aussi certains états européens ou ceux du Golfe d’Arabie. Une nouvelle guerre coûterait plus chère que de reconstruire et que de nous soutenir dans la stabilisation de ces zones sous influence djihadiste.» (1) 

(1) Interview par téléphone avec l’auteur, le 11 juin 2019

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