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Ibrahim Bilmez, avocat du leader kurde Abdullah Ocalan.

Lors d’une conférence intitulée « Ocalan et le confédéralisme démocratique: vers la création d’une société juste, pluraliste et écologique » , organisée à Palerme, avec le soutien du Maire de la ville Leoluca Orlando, Ibrahim Bilmez, un des avocats du leader kurde Abdullah Ocalan, a accordé une interview à l’agence de presse Firat News. Il y aborde le régime d’isolement imposé sur l’île-prison d’Imrali, la situation critique des grévistes de la faim qui luttent pour rompre cet isolement et l’attitude des institutions européennes auxquelles il lance un appel urgent.

LA SITUATION À IMRALI

Nous n’avons aucun contact avec Imralı. Nous ne recevons aucune nouvelle.

La demande des grévistes de la faim, c’est-à-dire la levée de l’isolement imposé à Ocalan et le respect par le gouvernement turc de ses propres lois, correspond essentiellement à une demande de résolution pacifique de la question kurde. Car si l’isolement prend fin, cela voudra dire que l’Etat turc met fin à ses politiques de sécurité. Cela pourrait signifier un retour au processus de résolution. À cet égard, les grévistes de la faim mettent leur corps et leur vie en péril et paient un prix pour que la question kurde soit résolue par des moyens pacifiques et que toute la Turquie soit démocratisée.

LA SITUATION DES AUTRES PRISONNIERS D’IMRALI

Outre Ocalan, nous avons trois autres clients à Imralı. Ils sont soumis au même régime. Depuis le jour où ils ont été transférés à Imralı, ils n’ont été autorisés à aucune visite de leur famille ou de leurs avocats. Ils ont été soumis au même isolement que M. Ocalan. Ils ne peuvent ni communiquer par téléphone, ni envoyer ou recevoir des lettres. Pour cette raison, nous n’avons pas de nouvelles d’eux. Quant à M. Ocalan, il n’a pas été autorisé, ne serait-ce qu’une seule fois, à communiquer par téléphone, depuis sont emprisonnement à Imralı le 15 février 1999, soit depuis plus de 20 ans déjà.

Pourtant, nous essayons d’atteindre Imralı. Nous essayons avec tous les moyens possibles. Par exemple, nous envoyons toujours des lettres recommandées avec accusé de réception. Nous essayons également d’envoyer des fax et même des télégraphes. Cependant, nous ne savons pas si M. Ocalan les reçoit, car nous ne recevons jamais de réponse. Dans les circonstances actuelles, nous n’avons aucun contact avec Imralı, nous ne savons donc pas ce qui se passe là-bas.

COMPARAISON AVEC LA SITUATION D’AUTRES PRISONNIERS 

Il y a d’autres prisons dites de type F, comme la prison d’Imralı. Cependant, les pratiques y sont très différentes. Par exemple à Tekirdağ ou Kandıra, les prisonniers sont autorisés à rencontrer leurs avocats quand ils le demandent. Ils peuvent également rencontrer leur famille, envoyer et recevoir des lettres, acheter des journaux et des livres. Cependant, ce n’est pas le cas dans la prison d’Imralı qui est soumise à un isolement strict. Imralı est officiellement une prison de type F, mais elle est régie par une loi spéciale. On peut même dire qu’il n’y a pas de loi à Imralı.

Les avocats d’Ocalan ne sont plus autorisés à se rendre à Imralı depuis le 27 juillet 2011. Les demandes de visite que nous déposons chaque semaine sont systématiquement rejetées pour des motifs improbables tels que la « panne du bateau » et le « mauvais temps ». Suite à la « tentative de coup d’État » du 15 juillet 2016, le droit de visite a été interdit par une décision judiciaire prise dans le cadre de l’état d’urgence (OHAL) et, depuis lors, toutes nos demandes sont rejetées sur la base de cette décision.

L’ATTITUDE DU COMITE POUR L A PREVENTION DE LA TORTURE

Nous envoyons régulièrement au CPT (Comité européen pour la Prévention de la torture) des rapports sur la situation de nos clients emprisonnés à Imrali. Tous les trois mois, nous leur envoyons un compte-rendu des évolutions. De temps en temps, nous les rencontrons en face à face. Cette semaine encore, un de nos collègues devrait rencontrer le CPT. Malheureusement, à travers l’attitude qu’il a manifestée jusqu’à présent, le CPT a indirectement approuvé l’isolement imposé à Imralı. Pourtant le CPT a beaucoup de moyens. Il a publié dans le passé plusieurs rapports déclarant que les conditions à Imralı devaient être améliorées. À ce stade cependant, la situation est bien pire. Il y a un isolement strict à Imralı et le CPT ne prend aucune mesure. Nous attendons du CPT qu’il joue son rôle et prenne ses responsabilités.

APPEL À L’EUROPE

Nous lançons un appel urgent aux institutions européennes et aux organisations de la société civile. Des personnes sont en grève de la faim pour exiger de la Turquie qu’elle se conforme à sa propre loi, c’est-à-dire qu’elle mette fin à l’isolement. Suite à la résistance initiée par la Députée Leyla Güven, des milliers de prisonniers sont entrée en grève de la faim.

De la même façon, des militants kurdes ont rejoint le mouvement de grève de la faim à Strasbourg. A l’instar d’Imam Sis au Pays de Galles et d’autres militants au Sud-Kurdistan, de nombreuses personnes ont rejoint cette action. L’état de santé de certaines de ces personnes est déjà au-delà de la phase critique. Des centaines de personnes ont déjà jeûné pendant plus de 70 jours et leur état de santé se dégrade davantage chaque jour. Ces personnes souffrent tous les jours. Elles ne peuvent pas manger et leur corps fond littéralement.

Je l’ai déjà dit et je le répète maintenant: l’unique revendication des grévistes de la faim est que l’État turc respecte ses propres lois et mette fin à l’isolement.

Nous demandons instamment aux institutions européennes d’exhorter la Turquie à respecter ses propres lois.

Notre appel s’adresse principalement au CPT et au Conseil de l’Europe, car la Turquie est membre du Conseil de l’Europe et liée par des conventions contraignantes, telles que la Convention européenne des droits de l’Homme. Seule la fin de l’isolement pourra mettre un terme à l’action des grévistes de la faim qui se trouvent tous dans un état critique.

1 COMMENTAIRE

  1. Si tant est qu’on ait à l’esprit que n’importe quel peuple aurait fait comme les Kurdes en Turquie, sans pour autant passer pour des terroristes, parce qu’ils ne défendent que des territoires sauvagement agressés, en voyant les leurs se faire déporter, assassiner, arrêter et emprisonner par les juntes militaires des coups d’État ou dans les élections ; nous comprendrions l’urgence qu’il y a à mettre fin à ce conflit qui oppose la culture turque islamique nationaliste religieuse de l’AKP d’Erdogan, aux Kurdes d’Öcalan de la coexistence pacifique des peuples par le dialogue, le cessez-le-feu et la reconnaissance politique d’une opposition, ainsi que le droit à une existence culturelle et sociale, autrement que sous la forme de l’ajournement systématique par l’autocratie despotique d’Erdogan de leurs % électoraux, pourtant acquis légitimement par les urnes et leurs partis, formations et associations politiques…

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