La Turquie est "responsable de grave exactions et de possibles crimes de guerre" déclare HRW dans un rapport sur le nord de la Syrie
Des mercenaires pro-turcs brandissent les drapeaux turcs et syriens sur le balcon de la mairie d'Afrin après l'occupation de la ville par la Turquie en mars 2018

La Turquie « porte la responsabilité des graves exactions et des possibles crimes de guerre commis par ses propres forces armées et les groupes armés locaux qu’elle soutient », déclare HRW dans un rapport sur la situation dans le nord de la Syrie.

L’ONG Human Rights Watch (HRW) confirme ce que dénoncent depuis des années les organisations de défense des droits humains. Dans un rapport publié jeudi, HRW évoque « de graves abus et des crimes de guerre potentiels » dans les zones du nord de la Syrie occupées par la Turquie. Les civils kurdes et toutes les personnes soupçonnées d’avoir des liens avec les forces dominées par les Kurdes sont les cibles les plus fréquentes des violations, indique l’ONG qui souligne l’implication des services secrets turcs et des mercenaires de l’Armée nationale syrienne (ANS), une milice créée et financée par Ankara.

Victimes, proches et témoins interrogés

La Turquie « porte la responsabilité des graves exactions et des possibles crimes de guerre commis par les membres de ses propres forces armées et des groupes armés locaux qu’elle soutient », pointe le rapport de l’organisation de défense des droits humains. Des mauvais traitements ainsi que des pillages et des confiscations de biens ont notamment été constatés. HRW explique s’appuyer sur 58 entretiens menés entre novembre 2022 et septembre 2023 auprès de victimes, de proches et de témoins, dont d’anciens habitants d’Afrin qui ont dû fuir leurs terres après l’invasion turque en 2018. Ces derniers ont indiqué qu’ils ne pouvaient retourner à Afrin par peur de représailles. Plusieurs d’entre eux ont également raconté que des milices pro-turques avaient confisqué leurs maisons et leurs oliveraies.

Arrestations arbitraires, torture, disparitions forcées

HRW indique également que les milices de l’ANS et la formation paramilitaire dite « police militaire » sont responsable de nombreuses arrestations et détentions arbitraires, de disparitions forcées et de mauvais traitements. D’anciens détenus auraient ainsi déclaré avoir été battus dans les prisons par des mercenaires fidèles à Ankara, notamment avec des tuyaux métalliques et des câbles. D’autres formes de torture documentées ont consisté en l’arrachage de dents et d’ongles, écrit HRW.

Viols de femmes kurdes à Afrîn

HRW a également documenté des viols en détention. Des femmes kurdes originaires d’Afrin ont témoigné des violences sexuelles dont elles avaient été victimes dans les prisons des forces d’occupation turques. Une femme a décrit comment le directeur d’une prison gérée par la « police militaire » et les services secrets de l’armée turque l’avait violée à plusieurs reprises. Le directeur aurait également violé une jeune fille de 19 ans sous ses yeux. Selon le rapport, des bébés ont été détenus avec leur mère.

Des fonctionnaires turcs impliqués dans des « crimes de guerre présumés »

« Les fonctionnaires turcs ne sont pas seulement spectateurs des mauvais traitements, ils en portent la responsabilité en tant que force d’occupation et, dans certains cas, ils ont été directement impliqués dans des crimes de guerre présumés », a déclaré Adam Coogle, directeur adjoint pour le Moyen-Orient à HRW. « Les abus persistants, y compris la torture et les disparitions forcées » se poursuivront dans le nord de la Syrie si la Turquie ne prend pas ses responsabilités et n’y met pas un terme.

La fable de la « zone de sécurité »

En 2018 et 2019, la Turquie a envahi et occupé plusieurs zones à population majoritairement kurde du nord de la Syrie, prétextant de la mise en place d’une « zone de sécurité » de 30 km de profondeur le long de sa frontière avec la Syrie.

Dans les trois zones occupées par la Turquie (Afrin, Serêkaniyê et Girê Spî), on assiste depuis des années déjà à un changement démographique qui consiste à chasser la population kurde de la région et à la remplacer par des populations arabes favorables à la Turquie. Sous l’égide d’Ankara, des milices islamistes et leurs proches ainsi que des réfugiés d’autres régions de Syrie ont été installés dans les zones occupées. HRW dénonce un climat « climat d’abus et d’impunité » dans ces territoires occupés par la Turquie.

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