Un hommage sera rendu à Ahmet Kaya au cimetière du Père Lachaise le 16 novembre prochain, jour anniversaire de sa mort. Ahmet Kaya, chanteur, écrivain et compositeur originaire d’Adiyaman, décédé à Paris d’une crise cardiaque à l’âge de 43 ans, a été inhumé le 19 novembre 2000 dans ce célèbre cimetière parisien, loin de sa terre natale et de son peuple qu’il chérissait tant.
Sa voix rebelle et bouleversante qui faisait trembler les puissants et dans laquelle se reconnaissaient des millions de Kurdes et de Turcs déshérités, broyés, marginalisés par un système implacable s’est tue en un matin pluvieux. En France, la disparition de ce grand artiste dissident est passée inaperçue. Tout comme ses obsèques rassemblant au Père-Lachaise près de 15 000 Kurdes et Turcs accourus d’une dizaine de pays d’Europe, partagés entre l’émotion et la douleur d’enterrer encore en terre étrangère l’un de leurs plus illustres combattants de la liberté écrit Kendal Nezan, président de l’Institut kurde de Paris. Sa dépouille repose à quelques pas de celle de son ami Yilmaz Güney, le grand cinéaste kurde, auteur de Yol, lui aussi mort en exil.
Ahmet Kaya, chanteur, écrivain et compositeur
Né en 1957, dans la région de Malatya, d’un père ouvrier kurde et d’une mère turque originaires d’Adiyaman, Ahmet est le 5ème enfant de la famille. Il fait connaissance avec la musique à l’âge de 6 ans, lorsque que son père lui offre un saz. En 1972, sa famille migre à Istanbul dans l’espoir d’y trouver une meilleure situation économique. Obligé de quitter l’école, Ahmet Kaya travaille alors comme tâcheron dans différents métiers. Il s’engage dès l’adolescence dans des mouvements de gauche. A l’âge de 16 ans, il est détenu pour affichage illégal.
Ahmet Kaya, a commencé à jouer du saz et chanter dans des concerts et autres événements militants. Son premier album, Ağlama Bebeğim (Ne pleure pas mon bébé) publié en 1984, censuré en Turquie, va susciter de la curiosité. En 1986, il sort son deuxième album, Şafak Türküsü, qui connaît un vrai succès. Il fait encore parler de lui dans les années 1990 avec la sortie de Şarkılarım Dağlara, écoulé à 2 800 000 exemplaires.
Le coup d’éclat du 10 février 1999
Le 10 février 1999, Ahmet Kaya reçoit le trophée du meilleur chanteur de l’année, quelques jours seulement après l’arrestation d’Abdullah Öcalan. Il monte sur scène sous les applaudissements de la salle pour prononcer un discours qui va stupéfier l’assemblée, au premier rang de laquelle se trouvent les officiels du régime turc : ce prix n’est pas qu’à moi. Je le dédie à l’association des Droits de l’homme (IHD), aux mères du samedi (association qui milite pour les 17 000 disparus en Turquie) et à toutes les personnes qui travaillent dans la presse magazine. J’accepte ce prix au nom de toute la Turquie. Par ailleurs, je souhaite ajouter une chose. Que personne vienne me dire « mais qui t’a confié cette mission » ! C’est l’Histoire qui me l’a confiée. Dans mon prochain album, du fait que je sois d’origine kurde, je vais inclure un titre en kurde et réaliser un clip. Je sais très bien qu’il y aura des gens qui auront le courage de diffuser ce clip. S’ils ne le diffusent pas alors je sais comment ils s’entretiendront avec le peuple.
C’est un tollé dans la salle : on l’insulte, il échappe au lynchage et est évacué en urgence par les agents de sécurité. Ahmet Kaya sera poursuivi devant la Cour de Sûreté de l’Etat pour soutien au PKK, des accusations fondées sur des photos truquées d’un concert donné à Berlin en 1993.
Le 16 juin 1999, il quitte la Turquie pour échapper à la prison. Il sera condamné par contumace à 3 ans et 9 mois de prison ferme.
Avec plus de 20 albums, il est l’un des chanteurs les plus réputés du 20ème siècle en Turquie. Plusieurs de ses albums, dont les chansons sont profondément empruntes de thèmes politiques et sociaux, ont atteint des records de vente en Turquie.
Le centre kurde rue d’Enghien porte son nom
Le centre kurde, ouvert à Paris en 2001 au 16 rue d’Enghien, porte le nom d’Ahmet Kaya. Il expose dans son hall quelques objets personnels du grand homme, don de son épouse Gülten Hayaloglu, qui dira de lui : « son seul crime était de revendiquer l’égalité des droits entre Turcs et Kurdes, le respect de l’identité kurde, le respect de la dignité humaine et de la liberté d’expression. Il en est mort. Par respect pour ses idées et pour sa conception de la dignité, j’ai décidé de l’enterrer à Paris. Il y reposera jusqu’à ce que la Turquie devienne une démocratie digne de ce nom et jusqu’au jour où les chaînes de télévision publiques de Turquie diffuseront de la musique kurde. »