Des organisations internationales de juristes demandent au CPT d’organiser une visite de suivi à la prison d’Imrali et d’examiner en particulier le refus du gouvernement turc de permettre aux avocats de rendre visite à leurs clients détenus en isolement sur l’île-prison.
Des organisations internationales de juristes exhortent le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) à effectuer une visite de suivi à la prison insulaire turque d’Imrali. Elles demandent notamment que l’interdiction faite au leader kurde Abdullah Öcalan et à ses trois codétenus de contacter leurs avocats fasse l’objet d’une enquête.
La pétition signée par l’Association européenne des juristes pour la démocratie et les droits de l’homme dans le monde (EJDH), Lawyers For Lawyers et Avocats européens démocrates (AED) indique ce qui suit :
« Cette communication est adressée au Comité européen pour la prévention de la torture (CPT). Nous demandons respectueusement au CPT, à l’occasion de la Journée des avocats en Turquie, d’organiser une visite de suivi à la prison d’Imrali et d’examiner en particulier le refus du gouvernement d’autoriser les avocats à rendre visite à leurs clients placés à l’isolement à la prison d’Imrali.
Le 26 mai 2021, une pétition a été publiée, signée par 768 avocats, dont les membres et les cadres de plusieurs barreaux, organisations juridiques et organisations de défense des droits humains, soulignant cette situation.
À l’heure actuelle, le droit d’Abdullah Öcalan, Ömer Hayri Konar, Hamili Yıldırım et Veysi Aktaş, qui sont actuellement détenus dans la prison de haute sécurité de type F de Imrali, de voir leurs avocats est illégalement restreint. Les demandes de visites d’avocats n’ont pas été accordées depuis le 7 août 2019 pour Abdullah Öcalan, Veysi Aktaş, Hamili Yıldırım et Ömer Hayri Konar. Ils n’ont pas été autorisés à voir leurs avocats ne serait-ce qu’une fois depuis leur transfert sur l’île d’Imrali en 2015.
Une forme spéciale et discriminatoire d’isolement est appliquée dans la prison d’Imrali depuis le 15 février 1999. L’interdiction des visites d’avocats a été maintenue pendant 8 ans sans interruption du 27 juillet 2011 au 2 mai 2019. En 2019, 5 visites d’avocats ont eu lieu. Après la dernière visite d’avocats le 7 août 2019, l’interdiction continue a repris.
Depuis 1999, le CPT a effectué 10 visites distinctes à la prison d’Imrali. Cet état d’isolement sévère dans la prison d’Imrali a été relevé dans le rapport du CPT sur sa visite en Turquie entre le 6 et le 17 mai 2019, qui a été publié le 5 août 2020. Tout en soulignant plusieurs violations, le rapport a également déclaré ce qui suit en ce qui concerne les visites des avocats et des familles :
« Le CPT exhorte les autorités turques à prendre les mesures nécessaires pour que tous les détenus de la prison d’Imrali puissent effectivement, s’ils le souhaitent, recevoir la visite de leurs proches et de leurs avocats. A cette fin, il convient de mettre un terme à la pratique consistant à imposer une interdiction des visites familiales pour des raisons » disciplinaires « . En outre, le Comité demande aux autorités turques de fournir – sur une base mensuelle – un compte rendu des visites que tous les prisonniers détenus à la prison d’Imrali ont reçu de la part des membres de leur famille et de leurs avocats.«
La situation indiquée dans le rapport du CPT se poursuit à ce jour, de manière aggravée. Alors que l’on s’attendait à ce que des améliorations soient apportées à la prison d’Imrali conformément aux recommandations énoncées dans le rapport du CPT, les avocats des prisonniers signalent que de nouvelles sanctions disciplinaires et interdictions – ces dernières ont été prononcées par le Juge de l’exécution – ont été imposées aux prisonniers.
Des allégations et des rumeurs concernant l’état de santé d’Abdullah Öcalan, largement publiées sur les médias sociaux le 14 mars 2021, ont suscité de vives inquiétudes au sein de la population. Bien que les prisonniers aient eu la possibilité de communiquer avec leurs familles par téléphone le 25 mars 2021 suite à ces inquiétudes, la conversation entre Abdullah Öcalan et son frère a été interrompue au bout de 4-5 minutes, tandis qu’Ömer Hayri Konar et Veysi Aktaş n’ont pas pu parler avec leurs familles. Avant que la connexion ne soit complètement interrompue, Abdullah Öcalan a clairement exprimé son souhait de voir ses avocats.
L’interdiction des visites d’avocats à la prison d’Imrali viole ouvertement l’Ensemble des règles minima des Nations unies (ONU) pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), mises à jour en 2015, les recommandations du CPT et la loi turque sur l’exécution des peines (loi n° 5275). Les États ont l’obligation de garantir aux détenus et aux condamnés l’exercice de leurs droits sans tenir compte de leur identité ou de la nature de leur peine.
Il s’agit également d’une violation des droits et privilèges des avocats, tels que spécifiés dans les Principes de base des Nations Unies sur le rôle des avocats. Cela concerne en particulier les principes de base 8 et 16.
Le Principe fondamental 8 exige que « les personnes emprisonnées doivent avoir la possibilité, le temps et les moyens de recevoir la visite d’un avocat, de communiquer avec lui et de le consulter, sans retard, interception ou censure et en toute confidentialité ». Le Principe fondamental 16 stipule que les gouvernements doivent veiller à ce que les avocats « soient en mesure d’exercer toutes leurs fonctions professionnelles sans intimidation, entrave ou ingérence indue ». Les droits et privilèges spécifiques dont jouissent les avocats dans le cadre de leurs fonctions professionnelles doivent être garantis non seulement à la lumière des droits de l’avocat, mais aussi en protégeant les droits de leurs clients.
En tant qu’organisations juridiques signataires de cette pétition, nous demandons au CPT de donner suite à son rapport du 5 août 2020. Nous demandons instamment au CPT de recommander que les mesures nécessaires soient prises par les autorités ; et que des mesures urgentes soient prises pour la levée de l’interdiction des visites des avocats, qui fait partie de l’isolement imposé aux détenus de la prison d’Imrali ; et, compte tenu de l’aggravation des conditions depuis la dernière visite du CPT il y a plus de deux ans, de visiter la prison d’Imrali et de préparer un rapport sur cette visite. »