La députée du HDP Leyla Zana a été démise de ses fonction par le Parlement turc jeudi 11 janvier. Sur les 550 sièges que compte l’institution législative, toute acquise à la cause d’Erdogan et de l’AKP, 324 étaient occupés lors du vote. Sans surprise, 302 voix se sont prononcées pour la destitution de la députée d’Agri et 22 contre.
Il est reproché à Leyla Zana de s’être exprimer en kurde un court instant lors de son serment devant le Parlement turc en 2015. Après avoir évoqué en kurde son « espoir d’une paix durable et honorable », elle avait poursuivi son serment en langue turque en modifiant le sacro-saint « peuple turc » d’usage lors de l’investiture législative pour « peuple de Turquie ». Une défiance aux yeux des autorités législatives turques qui n’avaient alors pas validé son serment et donc son mandat d’élue.
Dans l’impossibilité d’occuper son siège et de remplir ses fonctions au sein du Parlement turc, Leyla Zana a fait l’objet d’une procédure de destitution suite à son absentéisme répété et forcé lors des sessions parlementaires. Elle en aurait ainsi manquées 212 entre le 1er octobre 2016 et le 30 octobre 2017. Le HDP et son député Filiz Kerestecioglu ont qualifié ce vote de « honte pour ce Parlement », déplorant que « l’histoire se répète » en référence à l’arrestation de Leyla Zana en 1994, alors députée de Diyarbakir.
Première femme kurde élue à l’Assemblée nationale turque en 1991, Leyla Zana est condamnée trois ans plus tard à 15 ans de prisons pour trahison et appartenance à une organisation terroriste, le PKK. Cette incarcération vaudra à cette figure historique du mouvement politique kurde de recevoir le prix Sakharov en 1995. Décerné par le Parlement européen, ce prix honorifique symbolise la lutte pour les droits fondamentaux et la liberté d’esprit. Mise sous pression par la communauté internationale qui condamne l’arrestation et l’incarcération de Leyla Zana, la Turquie réduira sa peine et libérera la députée en 2004. Elle se représentera par la suite aux élections législatives de 2011 puis à celles de 2015 et sera à chaque fois élue.
Avec cette nouvelle destitution, le groupe parlementaire du HDP fond comme neige au soleil. Sur les 59 député.es HDP élu.es en novembre 2015, dix ne peuvent plus remplir leurs fonctions. Neuf représentants du peuple ont été mis en prison et parmi eux cinq ont déjà été déchus de leur statut de député.e. Leyla Zana est devenue la sixième à être déchue de son mandat et l’on espère pour elle qu’elle ne suivra pas le même chemin que ses collègues législateurs emprisonné.es. Dans un contexte où la répression politique ne faiblit pas, il est légitime d’en douter.
En effet, ce même jeudi 11 janvier, le tribunal de Gaziantep a condamné le député HDP Abdüllah Zeydan, élu de la province de Hakkari, à plus de huit ans de prison pour propagande terroriste et liens supposés avec une organisation terroriste. Le package habituel en Turquie pour qui gêne le pouvoir.
Quant au co-président du HDP, Selahattin Dermitas, il s’est présenté ce vendredi 12 janvier devant le tribunal d’Istanbul. S’il s’est réjoui de « faire face à un juge pour la première fois en quatorze mois » lors de cette troisième audience, il a vu son procès reporté au 17 mai. Selahattin Demirtas a par ailleurs annoncé son intention de ne pas se présenter aux élections législatives prévues en 2019.