Le district d’Afrin est une petite province du nord de la Syrie, frontalière avec la Turquie.
Sa population est en majorité kurde mais bien sûr comme dans le Moyen-Orient, de nombreuses autres ethnies, Turkmènes , Tcherkesses, Syriaques y cohabitent pacifiquement. Dés le début de la mise en place de la Fédération autonome du nord de la Syrie, la population d ‘Afrin a choisi de la rejoindre, devenant le 3e canton, avec celui de Cizre et celui de Kobané.
Cette région est restée à l’écart des conflits violents qui se déroulaient à quelques dizaines de kilomètres, autour d’Idleb et à Alep en particulier, ce qui a provoqué un énorme afflux de réfugiés, au point de doubler pratiquement sa population. Tous ces réfugiés ont été accueillis et aidés, au mieux de leurs moyens, par le gouvernement autonome et les habitants, sans aucun soutien de la « communauté internationale ».
Une offensive annoncée
Le 20 janvier2018, le président turc Erdogan lance son armée contre la province d’Afrin, avec l’aide des brigades djihadistes de l’ASL, en affirmant que 3 heures ou 3 jours plus tard , il serait dans sa capitale éponyme, Afrin. Il annonçait dans ses discours, jouant à fond la carte du nationalisme turc pour redorer une image bien abîmée par l’étouffement de toute forme de contestation, les milliers d’emprisonnement et de licenciements qui ont suivi le coup d’état manqué de 2016. Il doit faire face aussi à une situation économique qui se détériore à vue d’œil.
Mais le combat était trop inégal : d’un côté la deuxième armée de l’OTAN, armée des dernières technologies, des tanks dernier modèle vendus par l’Allemagne, forte de ses F16 qui pilonnent les villes et les villages tous les jours, épaulée par des brigades djihadistes qui ont recyclé les combattants de Daesh. De l’autre des milices populaires, équipées d’armes légères.
La signature de gros contrats avec la Russie, en particulier celui d’un gazoduc pour acheminer le gaz russe, a acheté la passivité des Russes face à l’intervention massive des F16 turcs sur le sol syrien.
Quant aux Étasuniens, qui utilisent les YPG/YPJ et FDS sur le terrain pour venir à bout de l’État islamique, ils hésitent à condamner la Turquie, leur seul allié et membre de l’OTAN de la région.
L’autre volet, le contrôle total des médias
Journaux et télévisions fermés, des centaines de journalistes emprisonnés, certains venant même d’être condamnés à la prison à perpétuité sur la base d’un débat télévisé, garantissent à Erdogan une couverture de son attaque sans la moindre critique.
Les médias étrangers ne sont pas mieux lotis. Ils ne peuvent commenter les événements que strictement supervisés par des interprètes de l’armée, sans autre information que celle fournie par l’armée turque. Le résultat par exemple est un reportage sidérant de la correspondante turque de France 24, qui entrant dans un village conquis par l’armée et des brigades djihadistes , où les rares habitants qui ne se sont pas enfuis sont très âgés, explique que les YPJ (unités de défense des femmes) ont proposé à une petite fille de 12 ans de l’emmener avec elles. Bref, une tentative d’enlèvement. Quand on connaît le sort réservé aux adolescentes dans les zones contrôlées par les brigades djihadistes, il est facile de comprendre l’inquiétude des femmes des YPJ , dont beaucoup sont des Yezidies, qui ont vu leurs sœurs et leurs cousines vendues comme esclaves sexuelles par l’État islamique.
L’enjeu d’Afrin
La hantise du gouvernement de Racep Ayyip Erdogan, c’est la constitution d’une continuité territoriale entre les 3 cantons de la Fédération autonome du nord de la Syrie, qu’on appelle aussi le Rojava. Le mur de 500 kilomètres de long qu’il a fait construire à sa frontière ne lui suffit pas. La perspective à plus long terme, c’est l’annexion d’ une partie du territoire syrien. Elle a déjà commencé à Jarablous et Al bab, villes syriennes qui ont maintenant des postes turques, des écoles enseignant le programme turc. Mais il ne cache pas son projet d’annexer une grande partie du nord de la Syrie, la région d’Idleb où ont été regroupées les milices djihadistes qu’il finance, mais surtout Alep, une ancienne capitale de l’empire ottoman..
Le silence d’Assad et de la communauté internationale
C’est le territoire syrien qui est envahi, mais Assad ne dit rien. Certes, il est très occupé à écraser la Ghouta. Ce n’est sans doute pas la seule raison, le Rojava c’est une Syrie sans la dictature d’une ethnie ou d’une caste, où tout le monde, homme , femme, jeune, vieux, quelle que soit sa religion bénéficie des mêmes droits, un projet très dérangeant pour son régime. Alors Assad se tait.
Quant à la « communauté internationale », ses intérêts, divers, qui vont des négociations de l’Europe avec Erdogan pour qu’il retienne les réfugiés, au soutien à Assad pour les Russes, la politique imprévisible des USA pour les autres, le résultat est un lâchage honteux de la population d’Afrin.
L’armée turque est entrée dans la ville dont le gouvernement autonome a décidé d’ évacuer les civils, pour éviter les viols et les décapitations de masse, les milices djihadistes ont dû se contenter des pillages. Erdogan ne s’arrêtera pas là, la population du Rojava ne pourra compter que sur sa détermination et la solidarité des peuples pour empêcher le massacre annoncé.