Après la défaite et la désintégration de l’Empire Ottoman des suites de la Première guerre mondiale, lors des visites des villes de l’Anatolie avant le traité de Sèvres, Mustafa Kemal promet aux Kurdes une autonomie.
Lors de sa visite a Amasya en 1919, d’où il a publié conjointement la « circulaire d’Amasya », Mustafa Kemal a souligné que les Kurdes et les Turcs luttaient ensemble et que l’État qui sera créé, sera l’État des deux peuples. La Constitution de 1921, comprenait des dispositions acceptant l’autonomie des autres peuples et en particulier des Kurdes. Cependant ça n’a pas été le cas très longtemps.
Avec le traité de Lausanne signé le 24 Juillet 1923, par les représentants de la Turquie, de l’Empire Britannique, de la France, du Royaume d’Italie, de l’Empire japonais, du Royaume de Grèce, du Royaume de Roumanie, du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (Yougoslavie), les territoires où vivaient les Kurdes ont été divisés par des frontières artificielles. Les territoires des Kurdes laissés sans statut ont été partagé entre l’Iran, l’Irak, la Turquie et la Syrie.
Les rêves néo-ottomans
Après l’accord que la Turquie de l’époque a présenté comme étant « une victoire et un succès », les politiques d’extermination et de déni envers les Kurdes ont été mises en œuvre. Durant ces 99 années, l’oppression, l’assimilation, la destruction et le déni n’ont jamais cessé. Face à cela, la résistance des Kurdes s’est poursuivi sans interruption. Les Kurdes qui ont une structure fédérale en Irak, avec la révolution qu’ils ont menées en Syrie, ont commencé à s’auto-gouverner. Les luttes pour la liberté des Kurdes dans les autres parties se poursuivent toujours. Alors que le 100e anniversaire du traité de Lausanne approche, les attaques de la Turquie et des autres pays contre les gains des kurdes se poursuivent. Agissant avec des rêves néo-ottomans, la Turquie, attaque d’une part massivement certaines parties de la région fédéral du Kurdistan, d’autre part continue de menacer la structure formée dans le nord et l’est de la Syrie.
La vision d’Ocalan concernant le traité de Lausanne
Le leader kurde Abdullah Ocalan, qui a été à l’origine de la dernière résistance kurde face aux politiques répressives de l’État turc, a fait de nombreuses évaluations concernant le traité de Lausanne qui laisse 99 années derrière lui. M. Ocalan qui est détenu dans la prison de haute sécurité d’Imrali de type F depuis 23 ans dans des conditions d’isolement carcéral très sévères, décrit dans ses manifestes, le traité comme étant l’un des évènements les plus tragiques du 20e siècle en disant : « Avec Lausanne, non seulement le pétrole de Mossoul – Kirkouk, mais aussi les Kurdes ont disparu, la fraternité historique Kurde-Turc a disparu ».
Parallèlement, lors des rencontres avec ses avocats entre 2008 et 2009, Ocalan a fait de nombreuses évaluations et propositions à propos du traité de Lausanne.
« Il faut mettre en œuvre le second Lausanne »
Lors de son entretien avec ses avocats le 10 décembre 2008, Ocalan a souligné la nécessité de renouveler le traité de Lausanne et a déclaré : « Les Kurdes doivent dire ‘nous n’acceptons pas [le traité] de Sèvres, nous voulons faire et mettre à jour notre propre [traité] Lausanne’. En actualisant Lausanne nous devons mettre en œuvre le second Lausanne. Ainsi le Misak-i Milli [Pacte National] sera élargi. Les Kurdes de Syrie, d’Irak et d’Iran y seront également inclus. Ce que je veux dire n’est pas entièrement appréhender. Les justes mots prononcés aujourd’hui, seront visible dans la pratique dans 10 ans. Même si, aujourd’hui, je dis, les frontières doivent se lever, ceci ne se fera pas aujourd’hui. Ce que je veux dire avec le Pacte National, c’est l’établissement d’un lieu d’affection et d’amitié entre les Kurdes de différentes parties. Ma conception du Misak-i Milli n’est pas celle d’Idris-i Bitlisi. Je fais référence, au lien d’amour et d’amitié avec la Syrie, l’Iran et l’Irak. Je le dis pour créer des espaces où ils peuvent vivre ensemble tout en préservant leur particularité. C’est ce que j’appelle le système confédéral démocratique. Il est possible, sur cette base de cohabiter avec tous les peuples, Arabes, Azeris, Perses, Turcs, les parties peuvent se rassembler tout en préservant leurs particularités. Regardez, faites attention, je ne dis pas séparatisme, je parle de lien d’amour, où est le mal là-dedans, où est le séparatisme là-dedans ? Donnons une chance à la politique démocratique et non à la guerre ».
Lausanne est tronqué pour les Kurdes
Lors de sa rencontre avec les avocats le 14 janvier 2009, Ocalan a de nouveau souligné le fait que le traité de Lausanne devrait être mis à jour. Ocalan a déclaré : « Quand je dis que le Misak-i Milli peut être mis à jour, je ne fais pas référence à l’annexion des territoires de l’Irak ou d’ailleurs à la Turquie. Avec le Misak-i Milli, je n’entends pas ça. A l’époque le Misak-i Milli couvrait une partie de ce qui est aujourd’hui l’Irak jusqu’à Sulaymaniyah. En 1926, Mossoul-Kirkouk est reliée à l’Irak avec l’intervention des Britanniques. La Grande Bretagne qui est un pays insulaire de la taille d’un doigt, fait jouer le monde entier sur ses doigts. Aujourd’hui la Grande Bretagne domine la politique mondiale. Les accords Sykes-Picot doivent également être mis à l’ordre du jour. Le traité de Qasr-i Sirin doit aussi être mis à l’ordre du jour. Le traité de Qasr-i Sirin a aussi été conclu avec les féodaux de l’époque. Des députés Kurdes ont également signé le traité de Lausanne. Lausanne est tronqué pour les Kurdes. Le Misak-i Milli est tronqué pour les Kurdes. Aujourd’hui ceux-ci doivent être complétées par des solutions et méthodes démocratique, et les droits des Kurdes doivent être reconnus. Un système ‘confédéral démocratique’ doit être construit entre les peuples du Moyen-Orient. Je ne suis pas contre la République, les Républiques existantes doivent être démocratisées ».
66 députés Kurdes ont signé
Lors de sa rencontre avec les avocats, le 21 janvier 2009, Ocalan a déclaré que les politiques britanniques ont engendré des divisions. Soulignant que les droits des Kurdes devaient être établis en ajustant le traité, Ocalan a déclaré : « 66 députés Kurdes ont signé à Lausanne. Ils ont également revendiqué les droits des Kurdes. Cela a un sens. Les accords Sykes-Picot doit également être ajusté. Plusieurs plans concernant les Kurdes ont commencé avec Sykes-Picot. Ils ont prévu des plans pour briser les Kurdes. Le projet du ‘Grand Kurdistan’ a été préparé avec les accords Sykes-Picot. Ils jouent à toutes sorte de jeux. C’est pour cela que j’ai dit : ‘ le Misak-i Milli’ doit être ajusté. Alors ceci est du séparatisme ? Non, dans notre conception de la solution, il n’y a pas de séparatisme. Au sein de la République, nous ne sommes contre les frontières. Mon objectif est de rendre visible l’esprit et les principes des premières années de la République lors du Misak-i Milli. Mon objectif est de faire appel à l’essence fondatrice et à la philosophie fondatrice de la République.
Toutes les parties peuvent résoudre les problèmes entres elles
Lors de sa rencontre avec ses avocats le 28 janvier de la même année, Ocalan a réitéré son point de vue, déclarant que le nationalisme n’est pas une solution et qu’il suscite « un conflit ».
« Toutes les parties en cohabitation, peuvent résoudre leurs problèmes entre elles. Tous les composants, les Arabes, les Kurdes, les Turcs, les Sunnites, les Alévis, Yézidis, en bref toutes les cultures et croyances religieuses se représentent au sein de cet appareil et trouvent l’opportunité d’être représenté. L’essentiel est la démocratie. La démocratie est une richesse. Une vraie démocratie apporte avec elle la richesse, apporte la paix et un environnement sain. Il en est de même pour les femmes. Les peuples Turcs et Kurdes peuvent vivre ensemble, c’est ce qui est correcte, historique et juste. Ça c’est la démocratie. C’est la force de sa démocratie qui rend la Grande Bretagne si riche et si puissante.
Ils devraient compléter le pilier kurde inachevé
Lors de la visite du 4 février 2009, Ocalan a proposé aux Kurdes de tenir leur propre « congrès de Misak-i Milli » et de discuter de leur « Lausanne ».
« Enfaite je veux également payer ma dette historique envers les Kurdes de l’époque. Lors du processus de Lausanne, les Kurdes ont agi avec la République. Aujourd’hui, ils devraient reconstruire Lausanne et achever le pilier kurde inachevée. Ceci peut être réalisé par la reconnaissance des libertés et des droits démocratiques des Kurdes et de leur garanties constitutionnelles et juridiques. Les Kurdes doivent œuvrer dans ce sens », a déclaré Ocalan.
Si réalisé, ce processus aura un rôle pionnier au Moyen-Orient
Pendant une nouvelle visite des avocats datant du 27 Mars 2009, lors de laquelle il a rappelé que la République s’est fondée avec le traité de Lausanne, M. Ocalan a souligné que la ‘République démocratique’ pouvait se fondée avec le ‘Lausanne des Kurdes’. Soulignant que la République démocratique est un consensus démocratique, Ocalan a déclaré : « Le consensus des deux peuples apportera la démocratie. Aussi important que soit l’établissement de la République, la démocratisation de la République est aussi importante et significative que celle-ci. C’est la coexistence, voir même la fraternité. Réalisé, ce processus aura un rôle pionnier au Moyen-Orient. Si les Kurdes établissent la démocratie, alors celle-ci se répandra dans tout le Moyen-Orient ».
La guerre se poursuit depuis 50 ans
Déclarant que les problèmes et les guerres actuels au Moyen-Orient sont la forme concrète de la guerre qui a incarné les politiques des 200 dernières années de la Grande Bretagne, Ocalan poursuit : « Les Etats nations d’aujourd’hui sont les outils d’une politique de confrontation des Britanniques, ce sont les mécanismes de guerres les plus avancés. C’est ainsi qu’il faut concevoir les Etats-nations. Les Arabes ont 22 Etats, mais leurs problèmes ne sont pas résolus. Ils ont de sérieux problèmes. Un Etat a été crée en Palestine, la guerre dure depuis 50 ans. Ils ont établi une petite Arménie, le problème perdure. Cette mentalité veut appliquer la même chose aux Kurdes. Ils veulent créer un petit Etat et le laisser tel quel et le problème persistera encore 50 ans. Les Kurdes ne pourront pas l’endosser. »
Les Kurdes doivent bien se préparer pour le Lausanne sociétal
M. Ocalan qui propose le ‘Lausanne Sociétale’ pour la solution aux problèmes rencontrés, a déclaré lors de l’entretien avec ses avocats le 1er juillet 2009 : « Lausanne des année 1920 est le Lausanne nationale. C’est avec ce Lausanne que la République a été établie. Jusqu’à présent cette République n’a pas été démocratisée, maintenant elle a besoin de démocratisation. C’est pour cette raison que je parle de Lausanne sociétale. Avec ce Lausanne sociétale, toutes les composantes de la société seront démocratisées. Aujourd’hui, il y’a une base pour cette réalisation, cependant il nécessite beaucoup de travail. Cela doit être bien assimilé. Les Kurdes doivent être bien préparés pour le Lausanne sociétal, avec lequel ils vont être les pionniers de la démocratisation. Les Kurdes, de façon collective, doivent se préparer pour le Lausanne sociétale comme si qu’ils se préparaient à la guerre. »
« L’ajustement de Lausanne, les Kurdes comme les Turcs seront gagnants. L’ajustement/ l’actualisation de Lausanne signifie une nation démocratique, une république démocratique, une patrie démocratique. C’est sur cette base que d’ici, je lutte pour une solution démocratique, pour la paix », déclarait M. Ocalan lors de sa rencontre avec ses avocats, le 17 Mars 2010.