En 2024, les prisons turques ont été le théâtre de graves violations des droits humains, selon un rapport publié par la Fédération des associations d’aide juridique et de solidarité pour les familles des prisonniers (MED TUHAD-FED) et l’Association des avocats pour la liberté (ÖHD).
Basé sur des témoignages recueillis dans 91 établissements pénitentiaires, le rapport révèle des pratiques illégales, inhumaines et arbitraires.
Conditions de vie dégradantes et abus répétés
Le rapport dresse un tableau sombre des conditions de détention en Turquie. Parmi les abus dénoncés figurent les violences physiques infligées par le personnel pénitentiaire, les fouilles corporelles invasives et l’interdiction de la langue kurde. Les conditions sanitaires y sont également alarmantes : les prisonniers doivent acheter des produits de nettoyage à des prix exorbitants dans les cantines, alors que l’eau potable est souvent contaminée.
Les restrictions à l’accès à l’information sont également signalées. L’obtention de journaux, notamment ceux favorables à la cause kurde comme Yeni Yaşam, est presque impossible. De plus, le nombre de livres autorisés par détenu a été drastiquement réduit.
Les activités culturelles, sportives et artistiques, suspendues depuis la pandémie de COVID-19, n’ont toujours pas repris, ce qui accentue l’isolement des prisonniers.
Accès limité aux soins médicaux
L’accès aux traitements médicaux est sévèrement entravé. Les transferts à l’hôpital sont souvent accompagnés de pratiques dégradantes : fouilles buccales obligatoires, menottage systématique et, dans certains cas, refus de transfert pour ceux qui refusent ces procédures. Les malades graves voient leur état de santé encore aggravé par ces restrictions et ces pratiques.
La langue kurde ciblée par la censure
La censure de la langue kurde est omniprésente. Le rapport cite des cas où des livres ou lettres écrits en kurde ont été confisqués, et où des prisonniers ont été sanctionnés pour avoir chanté dans leur langue maternelle. Saluer un codétenu en kurde peut également entraîner des représailles, une situation qui constitue une violation flagrante des droits linguistiques inscrits dans les conventions internationales.
Remises en liberté retardées ou refusées
Le rapport critique aussi les retards injustifiés et les refus de libération conditionnelle, souvent justifiés par un « manque de remords ». Les comités d’évaluation des prisons, composés de membres sans expertise juridique, posent régulièrement des questions biaisées telles que « Considérez-vous le PKK comme une organisation terroriste ? » ou « Que pensez-vous d’Abdullah Öcalan ? ». Des réponses jugées insatisfaisantes entraînent des prolongations de peine arbitraires.
Appels et recommandations des organisations
MED TUHAD-FED et ÖHD appellent les autorités nationales et internationales, notamment le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), à intervenir d’urgence pour mettre fin aux abus documentés.
Parmi leurs principales recommandations figurent :
• La fin des pratiques illégales : Les actes de torture, les traitements dégradants, les restrictions d’accès aux soins et à la communication doivent être immédiatement stoppés.
• La fermeture de certains types de prisons : Les établissements de type Y et S doivent être fermés, et les autres doivent être adaptés aux normes de dignité humaine.
• L’abandon des mesures humiliantes : Les fouilles corporelles, les appels militaires debout et l’usage des menottes lors des examens médicaux doivent cesser.
• Des réformes légales : Les lois turques doivent être alignées sur les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme et les règlements administratifs empêchant les libérations conditionnelles doivent être abolis.
• Une évaluation juste de la « bonne conduite » : Les critères doivent être objectifs et les conditions de détention respectueuses des droits humains.
• Des mécanismes de contrôle indépendants : Les violations graves, notamment à l’encontre des détenus malades, doivent être surveillées par des instances impartiales.
L’urgence d’une action internationale
Le rapport insiste sur la nécessité pour les ministères turcs de la Justice et de la Santé, ainsi que pour les institutions internationales, d’intervenir rapidement pour garantir le respect des droits humains dans les prisons turques.
En conclusion, ce rapport met en lumière une politique carcérale répressive et discriminatoire, où les prisonniers, en particulier kurdes, font face à des traitements incompatibles avec les standards internationaux des droits humains. Les organisations appellent à une mobilisation urgente pour enrayer ces abus systématiques.