Arrêtée mercredi dernier, la journaliste kurde Eylem Babayiğit a été placée en détention ce vendredi, ce qui porte à 14 le nombre de professionnels des médias incarcérés en Turquie en l’espace d’un mois.
Photos des journalistes incarcérés en Turquie depuis le 22 décembre 2024

Arrêtée mercredi dernier à Istanbul, la journaliste kurde Eylem Babayiğit a été placée en détention ce vendredi, ce qui porte à 14 le nombre de professionnels des médias incarcérés en Turquie en l’espace d’un mois. Les syndicats de journalistes dénoncent un « climat de peur ».

La journaliste Eylem Babayiğit, présentatrice de l’émission Mercek sur Medya Haber, a été placée en détention ce vendredi, accusée « d’appartenance à une organisation illégale ». Elle avait été arrêtée lors d’une descente de police dans son appartement à Istanbul le 22 janvier, dans le cadre d’une enquête ouverte par le parquet général d’Istanbul. Cette même enquête avait conduit à l’arrestation le 17 janvier de six autres journalistes kurdes. Ces derniers avaient été incarcérés trois jours plus tard.

Cette vague de répression survient après l’assassinat le mois dernier de deux journalistes kurdes dans le nord de la Syrie. Nazım Daştan et Cihan Bilgin ont été tués par une frappe de drone turque le 19 décembre, alors qu’ils couvraient les combats entre les Forces démocratiques syriennes (FDS) et les milices pro-turques sur le front de l’Euphrate. Ces exécutions ont suscité une vague de protestations dans toute la Turquie. Des manifestations sévèrement réprimées par les autorités turques. Le 22 décembre, sept journalistes ont été placés en détention pour avoir participé à une conférence de presse à Istanbul en hommage à leurs collègues assassinés. 

Ces incidents remettent à l’ordre du jour la répression subie par les journalistes en Turquie. Felat Bozarslan, président de l’association des journalistes du sud-est (GGC), a déclaré que de graves pressions s’exerçaient sur les journalistes en Turquie. Soulignant que plus de 95 % des médias en Turquie sont sous le contrôle de groupes dépendant du gouvernement turc, M. Bozarslan a déploré la quasi-inexistence de la presse libre en Turquie. « Le fait de cibler et de tuer des journalistes dans des zones de guerre et de les considérer comme faisant partie de la guerre est contraire aux valeurs éthiques et morales », a-t-il ajouté, évoquant l’assassinat des deux journalistes kurdes dans le nord de la Syrie.

La liberté de la presse enfermée dans un puits aveugle

Et le représentant syndical de poursuivre: « Si l’on obstrue la caméra du journaliste, on ferme les yeux du monde. Si l’on coupe le microphone du journaliste, on ferme les oreilles du monde. Les partis et les groupes qui ne souhaitent pas que le public entende la vérité assassinent des journalistes ou les jettent en prison. La liberté de la presse en Turquie est enfermée dans un puits aveugle. C’est un climat de peur qui montre qu’il n’y a pas de démocratie en Turquie »

Appel à la solidarité contre la répression

Selman Çiçek, co-président de l’Association des journalistes Dicle Fırat (DFG), a dénoncé de son côté les violations quotidiennes des droits des journalistes et des médias. Le responsable associatif a appelé les organisations professionnelles de journalistes à renforcer la solidarité pour empêcher les attaques de l’État. Rappelant que de nombreux journalistes ont été arrêtés ou assassinés depuis « Apê Musa » (Musa Anter), Çiçek a déclaré : « Plus de 40 de nos amis sont toujours en prison, mais nous n’avons pas abandonné, nous n’avons pas fait un pas en arrière, nous sommes revenus encore plus forts. »

Hakkı Boltan, représentant du syndicat DISK de la presse à Diyarbakir, a déclaré que le gouvernement agissait dans le but de bâillonner la presse libre. Et d’ajouter: « Ce que font nos collègues n’est pas un crime, mais ceux qui les arrêtent commettent un crime. »

Laisser un commentaire