Selon le rapport 2024 de l’Association des Journalistes Dicle Fırat (DFG), 118 journalistes ont été arrêtés, 26 ont été placés en détention, et des dizaines d’autres ont été condamnés à des peines de prison. Par ailleurs, l’accès à des milliers de contenus journalistiques a été bloqué.
Un bilan alarmant pour la liberté de la presse
Lors d’une conférence de presse organisée à Amed (Diyarbakır) à l’occasion de son 5e anniversaire, le DFG a présenté son rapport annuel sur les violations des droits des journalistes en Turquie. Cet événement a réuni l’Association des Femmes Journalistes de Mésopotamie (MKG), le syndicat DİSK Basın-İş, ainsi que de nombreux journalistes.
Selman Çiçek, co-président du DFG, a souligné le soutien juridique apporté aux journalistes victimes de répression et a rendu hommage aux professionnels tués dans l’exercice de leur métier. Le rapport a été lu en kurde par Bilal Güldem, membre du DFG, et en turc par Medine Mamedoğlu, membre du conseil exécutif.
118 journalistes arrêtés et 26 placés en détention
Medine Mamedoğlu a dénoncé une année marquée par une intensification des pressions exercées sur les journalistes et les médias en Turquie :
« Dès les premiers mois de 2024, des rafles ont ciblé nos collègues à Izmir et Istanbul, confirmant la volonté du gouvernement de maintenir une emprise autoritaire sur le journalisme. »
Elle a rappelé plusieurs épisodes marquants :
• En février, 8 journalistes arrêtés à Izmir.
• En avril, 9 journalistes interpellés à Istanbul après la Journée des Journalistes Kurdes.
• En novembre, 14 journalistes, principalement indépendants, arrêtés pour avoir simplement exercé leur métier.
• En décembre,41 journalistes interpellés à Van et Istanbul lors de manifestations contre le meurtre de leurs collègues en Syrie.
En tout, 118 journalistes ont été arrêtés en 2024, dont 26 placés en détention.
Violence, procès, emprisonnement : un climat de répression
La répression s’est également traduite par des violences physiques et des restrictions judiciaires. Selon le rapport :
• 91 journalistes ont été empêchés de couvrir des événements,
• 62 ont subi des mauvais traitements,
• 47 ont été attaqués et 79 menacés.
En 2024, 442 procès ont visé des journalistes, conduisant à 67 condamnations totalisant 149 ans et 9 mois de prison. En décembre, 7 journalistes ont été emprisonnés pour avoir diffusé les photos de deux collègues tués, portant à 43 le nombre de journalistes actuellement derrière les barreaux en Turquie.
Censure et lois répressives
Outre la violence et les arrestations, la censure s’est accentuée via des interdictions d’accès et des lois controversées. L’Agence de Publicité de Presse (BİK) et le Conseil Suprême de la Radio et Télévision (RTÜK) ont multiplié les interdictions :
• 501 sites web ont été fermés,
• 5 260 articles bloqués,
• 50 publications retirées des rayons.
Les médias numériques ont également été visés. En août, Instagram a été temporairement bloqué, tandis que des sites comme l’Agence Mésopotamie ou le journal Yeni Yaşam ont subi des interdictions répétées. Au total, 1 092 contenus numériques ont été censurés.
Une répression au-delà des frontières
Medine Mamedoğlu a aussi dénoncé les attaques transfrontalières contre des journalistes kurdes opérant dans d’autres pays. Elle a cité plusieurs incidents, notamment :
• Le bombardement d’un véhicule de presse à Shengal en juillet, tuant un journaliste et blessant deux autres.
• Les arrestations arbitraires de journalistes par les forces du Parti Démocratique du Kurdistan (KDP).
• Le meurtre de deux journalistes kurdes en décembre, victimes d’un drone turc dans le nord-est de la Syrie.
Un engagement pour la vérité
Malgré les attaques, Mamedoğlu a salué la résistance des journalistes :
« Les tentatives de museler la presse libre se heurtent à une solidarité et une lutte unies. Comme nous le disons depuis nos débuts : une presse libre est le fondement d’une société libre. Nous continuerons à défendre la vérité. »