Massacre de Suruç : des témoins pointent la responsabilité des autorités turques

Mehmet Koşti, ancien dirigeant local du DBP, qui se trouvait dans le Centre culturel Amara, à Suruç, au moment de l’attentat qui a tué 33 jeunes venus soutenir les enfants de Kobanê, s’est confié à l’agence de presse kurde Mezopotamya. « Si la police n’était pas intervenue, il n’y aurait probablement pas eu autant de morts », a-t-il déclaré.

En juillet 2015, un groupe d’étudiants de la Fédération des associations de jeunesse socialistes (SGDF) s’est rendu à Suruç, dans la province kurde d’Urfa, dans l’objectif de passer la frontière turco-syrienne, pour emmener des jouets aux enfants de Kobanê. Alors que le groupe était rassemblé le 20 juillet, dans la cour du Centre culturel Amara pour y donner une conférence de presse, il a été visé par un attentat suicide commis par un membre d’une cellule turque de Daesh. L’attentat a fait 33 morts et 104 blessés.  

Bien que 5 ans se soient écoulés, le procès n’a abouti à aucune condamnation. L’unique suspect du massacre, Yakup Sahin, n’a comparu à aucune des 14 audiences du procès. Le parquet n’a jamais mis en cause la responsabilité de la police qui a laissé faire le massacre. Des témoins de l’attentat ont partagé avec l’Agence de presse Mezopotamya (MA) ce qu’ils ont vécu ce jour-là.

ILS AVAIENT DES JOUETS DANS LES MAINS

 Mehmet Koşti, qui était à l’époque Coprésident du Parti démocratique des Régions (DBP, composante régionale du HDP) pour le district de Suruç, a déclaré qu’avant l’arrivée des jeunes socialistes du SGDF, la police n’avait cessé d’appeler le local du DBP, pour demander combien ils étaient et d’où ils venaient. Cependant, selon Mehmet Kosti, la police turque connaissait tous les détails concernant l’arrivée groupe : « Les forces de l’ordre étaient au courant. Ces personnes sont finalement arrivées avec des jouets à la main. Elles ont été hébergées dans le Centre culturel Amara. Nous sommes allés rencontrer les autorités avec Suphi Koçyiğit, Coprésident de la section de district du HDP. Nous avons rencontré le sous-préfet pour lui demander de laisser passer ces jeunes à Kobanê. Il s’agissait d’environ 300 personnes. Le sous-préfet a dit qu’elles ne pouvaient pas toutes passer la frontière. Il a ensuite déclaré que 10 personnes pouvaient passer. Les jeunes ont alors constitué un groupe de 10 personnes. »

 « CEUX QUI ONT TENTÉ DE SECOURIR LES BLESSÉS ONT ÉTÉ ASPERGÉS DE GAZ POIVRE

Rappelant qu’au moment de l’attentat, le groupe était sur le point de donner une conférence de presse dans le Centre culturel Amara, M. Kosti a déclaré : « Soudain, il y a eu une explosion. Ça brûlait de partout. Puis les lieux ont été couverts de fumée. Ce jour-là, il a plu de la chair humaine. Quand la fumée s’est dissipée, nous avons vu que tout était en sang. Les blessés étaient nombreux. Les ambulances ont été empêchées d’entrer dans la zone. Nous avons transporté les blessés avec nos propres véhicules. Après l’explosion, la foule a afflué sur les lieux. Pendant tout ce temps, nous n’avons pu joindre ni le chef de la police, ni le sous-préfet. Lorsqu’on a commencé à transporter les blessés avec nos véhicules, la police a tiré en l’air. Les ambulances ne sont arrivées sur les lieux qu’au bout de deux heures environ. Pendant ce temps, ceux qui ont tenté de secourir les blessés ont été aspergés de gaz poivre. Les blessés ont dû attendre longtemps. Ils ont perdu beaucoup de sang. Autrement dit, si la police n’était pas intervenue, il n’y aurait probablement pas eu autant de morts. » 

« BEAUCOUP DE VIES AURAIENT ÉTÉ SAUVÉS »

Autre témoin de l’explosion, Suphi Koçyiğit, qui était à l’époque Coprésident de district du Parti démocratique des Peuples (HDP), a déclaré ce qui suit : « Ces jeunes gens voulaient emmener des jouets aux enfants de Kobanê. Ils nous ont contactés pour nous dire qu’ils voulaient se rendre à Kobanê. Nous avons alors rencontré le sous-préfet ainsi que le chef de la police. Ils nous ont demandé si nous allions accueillir ces jeunes, si nous allions assurer leur sécurité. J’ai répondu que nous allions les accueillir, mais que c’était à la police d’assurer leur sécurité. Le jour de l’attentat, les jeunes sont arrivés et ont voulu lire un communiqué de presse. Puis il y a eu une voix suivie d’une violente explosion. À ce moment-là, je ne voyais rien. Tout était couvert de sang. Les ambulances sont arrivées très tard et les personnes qui tentaient de secourir les blessés ont été aspergées de gaz poivre. Si les secours n’avaient pas été entravés, beaucoup de vies auraient été sauvées ».

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