Les extensions répétées de l’état d’urgence ont conduit à des violations importantes des droits humains à l’encontre de centaines de milliers de personnes, dit le bureau des droits humains des Nations Unies dans son rapport de 2017 sur la Turquie.
Le rapport constate que des milliers de personnes sont soumises à des violations de leurs droits qui vont de la privation arbitraire de leur emploi, de leur liberté de mouvement, à la torture et autres mauvais traitements, aux détentions arbitraires et aux atteintes à la liberté d’expression et d’association.
Le rapport, qui couvre la période du 1er janvier au 31 décembre 2017, signale que l’état d’urgence a facilité la détérioration de la situation des droits humains et l’érosion de l’Etat de droit en Turquie, ce qui peut « avoir des répercussions à long terme sur le tissu institutionnel et socio-économique de la Turquie. »
« Les chiffres sont tout simplement stupéfiants : presque 160 000 personnes arrêtées sur une période de 18 mois de l’état d’urgence ; 152000 fonctionnaires révoqués, dont beaucoup de façon totalement arbitraire ; des enseignants, des juges et des avocats révoqués ou poursuivis en justice : des journalistes arrêtés, des médias fermés et des sites web bloqués- il est clair que les états d’urgence successifs déclarés en Turquie ont servi à restreindre gravement et arbitrairement les droits d’un grand nombre de personnes, » a déclaré le Haut commissaire aux droits humains Zeid Ra’ad Al Hussein.
Le rapport constate aussi que 300 journalistes ont été arrêtés pour « apologie du terrorisme » dans leurs publications, ou autres « offenses verbales », et pour « appartenance à des organisations terroristes ». Plus de 100 000 sites web ont été bloqués en 2017, y compris un nombre élevé de sites web kurdes et de chaînes de TV par satellite.
Le rapport note aussi des allégations de violations des droits humains répétées, spécifiques à la région kurde, qui incluent des exécutions, des tortures, des violences contre les femmes, l’usage excessif de la force, la destruction d’habitations et de l’héritage culturel, l’obstruction à l’accès aux soins médicaux d’urgence, à l’eau potable et aux moyens de subsistance, et de sévères restrictions à la liberté d’expression.
Le rapport affirme que la Turquie n’a pas mené d’enquêtes judiciaires crédibles au sujet des morts de civils pendant les opérations de sécurité de 2015-2016 dans le sud-est. Selon le ministère de la Défense, entre juillet 2015 et juin 2017, 10 657 « terroristes ont été neutralisés. » Le manque de clarté autour de la signification du mot « neutralisés » est un grave sujet d’inquiétude, dit le Haut commissaire Zeid, qui en appelle aux autorités pour fournir des informations détaillées sur le sort de ces personnes.
« J’enjoins le gouvernement de la Turquie a s’assurer que ces allégations de graves violations des droits humains soient examinées et que les responsables soient présentés à la justice, » dit le Haut commissaire. « J’appelle encore une fois le gouvernement de la Turquie à donner à mon bureau un accès complet et sans entraves pour pouvoir évaluer directement, de façon indépendante et objective la situation des droits humains dans le sud est du pays. »