Le président chinois fait une déclaration lors de l'ouverture du sommet des Brics, le 3 septembre 2017 à Xiamen, en Chine-POOL/AFP / FRED DUFOUR

Le dernier essai nucléaire nord-coréen, présenté comme un défi aux Etats-Unis, peut aussi être perçu comme une façon de faire pression sur la Chine pour qu’elle convainque Washington d’ouvrir le dialogue avec Pyongyang.

Le sixième essai atomique de Pyongyang, de loin le plus puissant, a coïncidé dimanche avec l’ouverture en Chine d’un sommet annuel des « Brics », les cinq grandes puissances émergentes (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).

Ce faisant, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un a volé la vedette au président chinois Xi Jinping, alors que Pékin reste théoriquement le principal allié du régime de Pyongyang.

Signe de la gêne du régime chinois face à cet affront, l’essai nucléaire nord-coréen est à peine mentionné lundi dans la presse officielle du pays. Le Pentagone a pourtant évoqué « une réponse militaire massive », agitant le spectre d’une guerre aux portes de la Chine.

Par ce dernier essai, Kim Jong-Un cherche à faire pression sur les dirigeants chinois, observe David Kelly, du cabinet de recherche China Policy, basé à Pékin.

« Son message est: on ne se joue pas de moi », estime ce spécialiste des questions géopolitiques. Or, Kim Jong-Un a l’impression qu’il est « la victime du jeu engagé entre Washington et Pékin ».

La Chine a suspendu en début d’année ses achats de charbon à la Corée du Nord, une source de revenus cruciale pour la dynastie des Kim, et a approuvé les sept trains de sanctions adoptés ces dernières années par la communauté internationale.

Mais le géant asiatique, destinataire de 90% des exportations nord-coréennes, reste dans le collimateur du président américain Donald Trump, qui lui enjoint de faire davantage pression sur son turbulent voisin. M. Trump a menacé de suspendre les relations commerciales avec les pays qui font des affaires avec la Corée du Nord

Or Pyongyang cherche à démontrer que « de nouvelles sanctions ne feront que produire le même effet », à savoir davantage d’essais nucléaires et de missiles, explique M. Kelly.

– Entre le marteau et l’enclume –

De l’avis de certains analystes, la Chine se retrouve dans une position inconfortable: sous pression de Washington qui veut l’obliger à convaincre à coups de sanctions son allié de renoncer au nucléaire, et sous pression de Pyongyang qui veut obtenir par son intermédiaire l’ouverture de pourparlers avec les Américains.

Maintenant qu’il a démontré la puissance de son arsenal, « je pense que Kim Jong-Un pourrait se lancer dans une opération de séduction pour tenter d’ouvrir les négociations avec les Etats-Unis. C’est un jeu de billard », observe le sinologue Jean-Pierre Cabestan, de l’Université baptiste de Hong Kong.

Ce faisant, le leader nord-coréen a cependant pris le risque de susciter le courroux du président chinois, au moment où ce dernier s’approche d’une échéance politique cruciale: le Congrès du parti communiste chinois qui s’ouvrira le 18 octobre.

« Xi Jinping, qui s’est forgé une image d’homme fort, est au pied du mur, il est forcé de réagir de façon vive », observe M. Cabestan, qui s’attend toutefois à ce qu’une éventuelle réaction, comme un embargo pétrolier, soit repoussée au-delà du Congrès.

S’il exige la fin du programme nucléaire engagé par Kim Jong-Un, Pékin renvoie cependant volontiers Wahsington et Pyongyang dos-à-dos, plaidant pour un « double moratoire » : la suspension simultanée des essais nord-coréens et celle des manoeuvres militaires communes des Etats-Unis et de la Corée du Sud.

Le ministère chinois des Affaires étrangères a fermement condamné le dernier essai de Pyongyang, mais sans évoquer de nouvelles sanctions.

La presse chinoise, qui avait par le passé envisagé une suspension des exportations de pétrole à destination du petit voisin, se montrait également mesurée lundi dans sa réaction.

« Si les activités nucléaires de la Corée du Nord ne contaminent pas les régions (frontalières) du nord-est de la Chine, la Chine doit s’abstenir d’imposer des sanctions trop agressives à la Corée du Nord », plaide ainsi dans un éditorial le quotidien nationaliste Global Times.

« Des sanctions, y compris la suspension des exportations d’essence, ne résoudraient pas fondamentalement le problème », observe Wang Dong, spécialiste des questions internationales à l’Université de Pékin.

« Croire que des sanctions peuvent tout faire est faux. Dans l’histoire, leur taux de réussite ne dépasse pas le tiers », assure-t-il.

La secousse sismique provoquée par l’explosion de dimanche a été ressentie dans le nord-est de la Chine. Les autorités chinoises, qui avaient immédiatement engagé un contrôle des radiations à la frontière, ont assuré lundi qu' »aucun impact » sur l’environnement ou la population n’avait été détecté.

Source : AFP

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