Sans nouvelles des leurs proches depuis plus de deux ans, les familles des prisonniers d'Imrali ont déposé une nouvelle demande de visite
Le leader kurde Abdullah Öcalan, détenu en isolement depuis 1999 dans la prison insulaire d'Imrali, est privé de tout contact avec l'extérieur depuis plus de deux ans

Sans nouvelles des leurs proches depuis plus de deux ans, les familles du leader kurde Abdullah Öcalan et des trois autres prisonniers d’Imrali ont déposé une énième demande de visite.

Soumis à un isolement carcéral total, Abdullah Öcalan et les trois autres prisonniers d’Imrali n’ont eu aucune communication avec l’extérieur depuis 29 mois. Comme chaque semaine depuis des années, les membres des familles d’Abdullah Öcalan, d’Ömer Hayri Konar et de Veysi Aktaş ont déposé une demande auprès du bureau du procureur général de Bursa afin de rendre visite à leurs proches dans la prison insulaire d’Imrali.

Les inquiétudes concernant la situation d’Öcalan se sont accrues après que Sabri Ok, membre du conseil exécutif de l’Union des Communautés du Kurdistan (KCK) ait fait état, dans une interview accordée à la chaîne de télévision kurde Stêrk TV le 8 juillet, de lettres de menace anonymes envoyées au leader kurde par l’intermédiaire de l’administration de la prison d’Imrali.

Les avocats et les familles demandent chaque semaine à rencontrer les prisonniers d’Imrali, des demandes qui restent systématiquement sans réponse. Dans certains cas, les avocats sont informés, des mois plus tard, que des mesures disciplinaires ont été prises à l’encontre du dirigeant kurde, justifiant les privations de visites.

Un faux débat est survenu récemment en Turquie, spéculant sur des pourparlers avec Abdullah Öcalan à l’approche des élections présidentielles et législatives du 14 mai. Le cabinet d’avocats Asrin, qui représente Öcalan et ses trois compagnons de détention sur l’île-prison, a qualifié ces rumeurs de manipulation : « Nous devons souligner à nouveau que nous n’avons eu aucune nouvelle d’Öcalan depuis le 25 mars 2021. Malgré toutes les demandes et les efforts de ses avocats et de ses proches, nous n’avons aucune information sur les conditions de vie et l’état de santé d’Öcalan et de nos trois autres clients à Imrali. Cette situation nous inquiète, ainsi que l’ensemble de la société. »

Inquiétudes accrues après la visite du CPT à Imrali

Les inquiétudes concernant la situation du leader kurde se sont accrues après la visite en Turquie du Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe (CPT) entre le 20 et le 29 septembre 2022. Dans une déclaration du 3 octobre suivant, le CPT a annoncé que la prison de haute sécurité de type F d’Imralı figurait parmi les établissements visités. Par la suite cependant, le cabinet Asrin a indiqué que le CPT n’avait pas rencontré Abdullah Öcalan, ce qui a renforcé les inquiétudes.

Öcalan détenu en isolement depuis 1999

Selon un rapport publié par Asrin le 15 février 2023, Abdullah Öcalan est détenu en isolement dans la prison insulaire depuis le 15 février 1999. Pendant les dix premières années, il était le seul prisonnier de l’île. En novembre 2009, le centre pénitentiaire a accueilli cinq autres prisonniers politiques kurdes. Néanmoins, Öcalan a continué à être maintenu à l’isolement 23 heures par jour en semaine et 24 heures sur 24 le week-end.

Jusqu’en 2011, Öcalan avait en principe le droit de voir ses avocats pendant une heure une fois par semaine. Mais, de fait, il était privé de visite la plupart du temps, les autorités prétextant des « conditions météorologiques défavorables » ou la panne du bateau devant emmener les visiteurs sur l’île. Au cours des douze dernières années, le leader kurde n’a pu voir ses avocats qu’à cinq reprises, entre mai et août 2019. La dernière rencontre remonte au 7 août 2019.

Depuis 2014, le fondateur du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) a reçu uniquement cinq visites des membres de sa famille. La visite de son frère le 3 mars 2020 marque le dernier contact physique d’Öcalan avec sa famille. En l’espace de 24 ans, il n’a eu que deux communications téléphoniques avec le monde extérieur (le 27 avril 2020 et le 25 mars 2021), en l’occurence avec son frère. La dernière conversation téléphonique a été interrompue après quelques minutes, sans que l’administration pénitentiaire ne fournisse de justification. Depuis cette date, on est sans nouvelles d’Öcalan et des ses codétenus.

Détention au secret

Ces conditions carcérales ont été qualifiées par le CPT de détention  » au secret  » dans son rapport du 5 août 2020 (paragraphes 48 et 49). Le Comité anti-torture a souligné qu’un tel état de fait était inacceptable, exhortant les autorités turques à y mettre fin dès que possible. La détention  » au secret  » signifie que le détenu ou le condamné est complètement privé de tout contact avec le monde extérieur et ne peut donc communiquer avec personne, y compris ses proches et ses avocats.

Du 25 mars 2021, date du dernier contact avec Imrali, à la fin de l’année 2022, 238 demandes de visites d’avocats et 79 demandes de visites de familles ou de tuteurs ont été adressées aux autorités. Aucune n’a reçu de réponse.

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