Le Tribunal Permanent des Peuples appelle à défendre les Kurdes

Le Tribunal Permanent des Peuples (TPP) a publié une déclaration appelant à briser l’impunité et défendre le peuple kurde et les droits des peuples. 

L’appel signé par le Président du TPP Philippe Texier et par ses vice-présidents, Luiza Erundina, Helen Jarvis, Javier Geraldo Moreno et Nello Rossi, est rédigé comme suit : 

« Les événements tragiques en cours en Syrie, où la violente attaque d’Erdogan contre le peuple kurde de Syrie s’est traduite par des massacres directs, des expulsions et des migrations massives de populations civiles, coïncide dramatiquement avec la carence – qui ne peut être considérée autrement que comme une complicité – de la communauté des Etats et de ses organisations représentatives suprêmes. 

Comparées à l’évidence et à l’extrême gravité des événement en cours – qui correspondent aux crimes les plus graves reconnus par le droit international (crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide) – les mesures qui ont été adoptées et recommandées ne sont rien d’autre que des déclarations d’impuissance de la soi-disant « communauté internationale ». La responsabilité de ce qui se déroule doit donc être portée non seulement par les acteurs directs eux-mêmes, mais aussi par tout le système des pouvoirs politico-militaires qui sont des protagonistes à long terme de stratégies basées uniquement sur le chantage réciproque. 

En continuité avec sa 46ème session [session du TPP sur la Turquie et les Kurdes, les 15 et 16 mars 2018] qui s’est tenue à Paris en 2018, et en parfaite cohérence avec ses statuts, dont les termes de référence sont la reconnaissance concrète et la défense des droits des peuples, spécifiquement et principalement dans les cas de violations systématiques, le TPP partage complètement et soutient toutes les initiatives visant à dénoncer, résister et combattre contre la logique brutale du pouvoir et de la violence qui domine actuellement au Moyen-Orient.

Il est, cependant, au moins aussi important, du point de vue du TPP, de souligner que la tragédie en cours apparaît comme une démonstration en laboratoire véritable et complète d’un système mondial qui a décidé d’éliminer les droits humains et les droits des peuples de son agenda de valeurs et de pratiques. Les Kurdes, comme des dizaines de millions de personnes déplacées à travers le monde, sont ignorés comme sujets de droit, ils ne sont considérés que comme des objets expulsables et interchangeables, pour ne pas dire éradicables. Le Moyen-Orient, dont les frontières sont le résultat irresponsable et désastreux des politiques coloniales européennes, est de plus en plus clairement le lieu d’une expérimentation dans laquelle les pouvoirs économiques et stratégiques et leurs intérêts nient l’identité et donc la vie elle-même des peuples, des enfants, des femmes, des hommes, qui sont censés être les sujets du nouveau droit international proclamé par les Nations Unies. 

C’est bien trop facile de dire qu’il n’y a rien de nouveau dans le drame actuel de la Syrie, qui vise les Kurdes en particulier. La liste grandissante des peuples qui ont été réduits à l’état d’objets d’échange est longue: Palestiniens, Rohingyas, Yéménites… Il est encore plus clair que cette absence de nouveauté coïncide avec une aggravation de l’inertie complice de la « communauté internationale » et de chaque Etat protagoniste, dans la logique du marché de la guerre. 

Le TPP est bien conscient des difficultés à qualifier des responsabilités systémiques selon le cadre, les termes de référence et la durée nécessaire pour parvenir à un jugement criminel comme prévu par le droit internationale et en application des statuts de la Cour pénale internationale et de la Cour internationale de justice. 

Mais cela ne nous empêche pas de qualifier en termes justes ce qui se passe devant nos yeux. Ne pas le faire signifierait commettre le « crime de silence » fondamental, d’autant plus inacceptable et intolérable au vu de la destruction des structures sociales que les Kurdes étaient en train de développer à Afrin, Kobane, au Rojava…, avec la participation décisive et innovante des femmes. 

C’était l’expression concrète de la possibilité d’une société où la reconnaissance et la pratique de tous les droits humains indivisibles sont considérés comme les seules barrières efficaces contre leur refus, et contre la violence des intérêts militaires et économiques, qui transforme des êtres humains en ennemis à éliminer. 

Parlant également au nom de tous les peuples dont les luttes pour une vie digne et pour l’autodétermination ont été portées devant lui durant ses 40 années d’audience, le TPP est convaincu que sa déclaration contribuera au renforcement de la plateforme mondiale de tous ceux qui ne sont pas prêts à accepter l’impuissance du droit contre le pouvoir. Les peuples doivent regagner leur visibilité, leur voix, leur rôle comme juges des violeurs de leurs droits, et protagonistes d’une histoire de l’humanité qui ait un avenir. »