Le meurtre de la petite Narin à Diyarbakir suscite des soupçons grandissants quant à l’implication de groupes paramilitaires et de partis politiques couverts pas l’État turc.
Le meurtre non résolu de Narin Güran, fillette de huit ans dont le corps à été retrouvé à Diyarbakir le 8 septembre, soit 19 jours après sa disparition, n’est pas sans rappeler le scandale de Susurluk. Nombre d’opposants politiques fustigent le manque de transparence et le retard de l’enquête, y voyant une tentative délibérée de dissimuler les liens entre le gouvernement, des entités criminelles et des groupes politiques tels que Hüda-Par.
S’exprimant sur la chaîne de télévision turque Télé1 lundi, Sezgin Tanrıkulu, député kurde du Parti républicain du peuple (CHP), principal parti d’opposition en Turquie, a vivement critiqué le gouvernement turc pour sa gestion de l’affaire, qui n’a toujours pas été élucidée 27 jours après la découverte du corps de Narin. Pointant l’absence de résultat des investigations malgré les multiples arrestations, M. Tanrikulu a accusé les autorités de vouloir manipuler l’enquête et dissimuler des preuves, suggérant un « niveau incroyable d’organisation » en coulisses pour faire obstruction à la justice.
« Pendant les 19 jours qui ont précédé la découverte du corps de Narin, il y a eu un effort coordonné pour tromper les enquêteurs et masquer la vérité, y compris la création de fausses pistes pour détourner les équipes de recherche », a souligné Tanrikulu. « Qui a pu avoir une telle idée ? », s’est-il interrogé, évoquant la possibilité d’une implication de l’État ou d’une influence d’entités politiques. La famille au centre de l’affaire serait liée à Hüda-Par, un parti affilié au Hezbollah turc, groupe paramilitaire créé par l’État turc dans les années 1990 pour lutter contre les insurgés kurdes.
Dans un article publié lundi dans le quotidien Yeni Yaşam, le chroniqueur Ali Sinemilli affirme que le gouvernement dirigé par le Parti de la justice et du développement (AKP) et le Parti nationaliste (MHP) retarde délibérément l’enquête pour protéger ses alliés politiques. L’auteur note le silence de l’ensemble des habitants du village où Narin a été assassinée, suggérant qu’une « alliance obscure » empêche les témoins de se manifester. « Il est clair que l’État cherche à utiliser Hüda-Par comme une alternative aux mouvements politiques kurdes traditionnels », écrit M. Sinemilli, attirant l’attention sur les implications plus larges de cette affaire pour la population kurde en Turquie.
Des parallèles sont établis d’emblée entre l’affaire Narin Güran et le scandale de Susurluk, qui a mis en lumière les liens étroits entre l’État turc, le crime organisé et les forces paramilitaires dans les années 1990. Alors que les figures de l’opposition continuent de demander des comptes, les appels à une enquête transparente sur le meurtre de Narin se font de plus en plus pressants.