Le génocide arménien est toujours présent dans les mémoires
Erevan Musée-Institut du Génocide des Arméniens (Photo: Jacques Berset)

Le souvenir des circonstances du massacre perpétré par les Ottomans à l’encontre des Arménien.nes est toujours vif dans les mémoires des descendant.es d’Arménien.nes déplacé.es de force dans le nord de la Syrie.

À 81 ans, Ferida Sumi est la petite-fille d’un survivant du génocide arménien commis par l’Empire ottoman au cours duquel une cinquantaine de membres de sa famille ont été assassiné.es. Elle vit aujourd’hui dans le village de Mashouq qui dépend du district de Tirbê Spî, à l’ouest de Qamishlo. 

Le génocide arménien est le premier crime de masse de l’histoire contemporaine. A partir du printemps 1915, environ 1,5 millions d’Arménien.nes seront massacré.es alors que des centaines de milliers d’autres seront déplacé.es de force par le gouvernement du Comité Union et Progrès, qui a pris les rênes du pouvoir depuis peu dans l’Empire ottoman. Alors que le gouvernement actuel d’Ankara, de même que les précédents, ont toujours nié le génocide arménien, celui-ci est reconnu par l’ensemble de l’Union européenne.

L’exil, la déportation ou la mort 

Le pouvoir ottoman s’est montré coupable de plusieurs massacres contre des peuples devenus opprimés. Outre les Arménien.nes, les Ottomans prendront pour cible les populations chrétiennes assyriennes au cours de ce que l’on appellera les massacres de Sayfo. Dans ce génocide assyrien (à ne pas confondre avec le génocide arménien qui se déroule simultanément), près d’un demi-million de personnes seront assassiné.es selon plusieurs estimations, soit environ 70% de la population assyrienne de l’époque présente dans l’Empire ottoman. Comme pour les Arménien.nes, celles et ceux qui ont échappé aux massacres seront déporté.es ou forcé.es à l’exil dans le désert syrien. 

Mère de 16 enfants, Ferida Sumi a une histoire familiale singulière. Sa famille a fui les massacres de Kar Buran près de Mardin (actuelle Turquie) où elle vivait et les survivant.es se sont dirigé.es vers le nord-est syrien, que les Kurdes appellent Rojava. Quelques temps plus tard, sa famille s’est installée dans le village de’Ala Resh où cohabitaient des communautés yézidies, musulmanes, arméniennes, assyriennes et juives. A 13 ans, Ferida Sumi fut mariée dans le village. Après six mois passés à Mossoul, elle revint en Syrie, dans le village de Mashouq, voisin d’Ala Resh où elle vit toujours.

« Les femmes se jetaient du toit de l’église pour leur échapper »

Le manque de témoins de ces évènements sanglants a conduit les descendant.es de rescapé.es à raconter la réalité des génocides à travers l’expérience de leurs parents et grands-parents. Ferida raconte les souffrances et la tragédie qui ont frappé sa famille à l’époque ottomane : « Ma mère nous a raconté ce que faisaient les soldats ottomans contre les Arménien.nes. Sa famille s’est enfuie vers une église dont elle ne se souvenait pas le nom. Ils y sont restés un long moment, de peur d’être tués. Les Ottomans ont assassiné une cinquantaine de membres de ma famille, après quoi ils ont kidnappé les femmes, dont ma tante. »

A cause de son âge avancé, la mémoire de Ferida Sumi lui joue des tours. C’est sa fille de 41 ans, Hazniyeh, qui reprend le fil rouge de l’histoire familiale. « Ma grand-mère Marie nous a raconté ce qu’ils ont enduré durant le génocide. Comment ils se sont réfugiés dans cette église où ils sont restés cachés pendant 60 jours, sans nourriture. Le matin du soixante-et-unième jour, les soldats ottomans les ont découvert.es… Ils ont violé les femmes pendant que d’autres se jetaient du toit de l’église pour leur échapper » évoque Hazniyeh.

Tous les membres de sa famille qui n’étaient pas parvenu.es à s’échapper ont été massacré.es. La mère de Ferida a vu sa jeune fille être tuée devant ces yeux. Vendue à une famille de la région, elle parviendra finalement à s’enfuir en Syrie.

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