Un rassemblement des Mères du Samedi a été entravé par la police à Istanbul, le 30 août, journée mondiale contre les disparitions forcées
Le rassemblement des Mères du Samedi encerclé par la police turque dans le cimetière des "Sans Nom" à Istanbul

Un rassemblement organisé par les Mères du Samedi dans le cimetière des Sans-Nom d’Istanbul, à l’occasion de la journée internationale contre les disparitions forcées, le 30 août, a été réprimé par la police turque. 13 personnes ont été interpellées.

La Commission contre les disparitions en garde à vue des Mères du Samedi et de l’Association des Droits de l’Homme (IHD) s’est réunie à Istanbul pour faire une déclaration à l’occasion de la Journée internationale contre les disparitions forcées.

Les défenseurs des droits humains et les proches de personnes disparues se sont réunis au cimetière Altınşehir d’Istanbul, où se trouvent les tombes de Hasan Ocak et Rıdvan Karakoç, victimes de disparitions forcées.

Encerclés par la police, les manifestants ont réagi en brandissant les photos des disparus et en scandant le slogan « la dignité humaine l’emportera sur la torture ».

La police a empêché Musa Piroğlu, député du Parti démocratique des Peuples (HDP), de rejoindre les autres manifestants, avant de l’éloigner de la zone. « Ce que vous faites est contre la dignité humaine et l’humanité. Vous empêchez un membre du parlement de s’exprimer », a déclaré Piroğlu en réaction à l’obstruction de la police. 

Après avoir maintenu le groupe en état de siège pendant un long moment, la police a placé 13 personnes en garde à vue en faisant usage de la force.

Parmi les personnes placées en garde à vue, figurent la présidente de la branche de l’IHD d’Istanbul, Gülseren Yoleri, et des proches des disparus : Maside Ocak, Hüseyin Ocak, Ali Ocak, Besna Tosun, Hanım Tosun, Hüseyin Aygül, Hasan Karakoç, Hanife Yıldız, Ferit Barut.

LES MÈRES DU SAMEDI

Depuis 1995, les Mères du Samedi tiennent, à l’instar des « Mères de la Place de Mai » en Argentine, des sit-in hebdomadaires à Istanbul, où elles brandissent les photos de leurs proches disparus en garde à vue et exigent des autorités turques des informations sur leur sort. Entre 1999 et 2009, les Mères du Samedi ont dû suspendre leurs sit-in hebdomadaires en raison de la répression policière. Le 25 août 2018, le mouvement a organisé un 700e rassemblement devant le lycée Galatasaray, sur l’avenue Istiklal à Istanbul, lieu historique du sit-in. Cependant, sur ordre du ministre turc de l’Intérieur Süleyman Soylu, la police a déployé des canons à eau et attaqué la foule avec des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc. Le gouvernement turc avait alors justifié cette action violente en accusant les proches des disparus de se faire instrumentaliser par des organisations terroristes. La place Galatasaray est devenue alors une zone interdite pour les Mères du Samedi.

À l’occasion du 900e rassemblement, le 25 juin 2022, le rassemblement des proches des disparus a de nouveau été attaqué par la police et plusieurs personnes ont été arrêtées, dont les coprésidents de l’IHD.

17 000 DISPARUS EN TURQUIE

Depuis les années 1980, près de 17 000 personnes – principalement des Kurdes – ont été victimes de disparitions forcées. Le pays s’est familiarisé avec cette pratique après le coup d’État militaire de septembre 1980. Au milieu des années 1990, lorsque la Turquie s’est lancée dans sa « sale guerre » contre le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), cette méthode a atteint son apogée, touchant à peu près toutes les catégories de la société – militants politiques, journalistes, hommes d’affaires, juristes, agriculteurs, …

Les personnes enlevées étaient exécutées et enterrées dans des fosses communes, des grottes ou des installations industrielles désaffectées, jetées dans des décharges, dans des puits, dans des fosses d’acide ou, comme en Argentine, jetées depuis des hélicoptères militaires en vol. Souvent, les victimes disparaissaient après une arrestation à domicile par la police ou l’armée, ou après s’est rendues au poste de police local suite à une convocation, ou encore après avoir été arrêtées à un point de contrôle militaire sur la route. La plupart des meurtres dits « d’auteurs inconnus » sont l’œuvre de l’organisation islamiste Hezbollah ou du JITEM (Service de Renseignement et d’Antiterrorisme de la Gendarmerie turque), une organisation paramilitaire responsable d’au moins quatre cinquièmes des disparitions forcées et des exécutions extrajudiciaires survenues au Kurdistan du Nord dans les années 1990.

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