La Turquie n’a aucun plan de solution ni de paix en Syrie, estime la porte-parole du HDP Ebru Günay qui exhorte Ankara à se retirer du territoire syrien.
Ebru Günay, porte-parole du Parti démocratique des Peuples (HDP), a tenu jeudi une conférence de presse à Diyarbakir, où elle a notamment abordé la poursuite des attaques de la Turquie contre le nord de la Syrie et les spéculations sur un rapprochement entre le président turc Tayyip Erdogan et son homologue syrien, Bachar al-Assad. Nous partageons ici des extraits de son discours.
« Les attaques de la Turquie contre le nord de la Syrie se poursuivent; et nous suivons de très près les évolutions en Syrie. Pour la première fois depuis 2011, le gouvernement turc, qui n’a cessé de soutenir et même d’alimenter la guerre en Syrie, parle de pourparlers et de dialogue avec Assad.
Notre parti est bien sûr favorable à la résolution de tous les problèmes par le dialogue et la négociation. Cependant, nous savons pertinemment que l’objectif du gouvernement n’est pas vraiment la négociation et le dialogue. Sans parler des motifs de cette proposition de dialogue, le recours à Assad en tant qu’interlocuteur à ce stade signifie que le palais [la présidence turque] et ses mercenaires ont perdu la guerre en Syrie.
En d’autres termes, le film d’horreur/d’aventure tourné depuis le palais, intitulé «Le renversement d’Assad », s’achève en une comédie absurde. Dans le processus qui a commencé par la promesse [d’Erdogan] d’aller « bientôt prier dans la mosquée des Omeyyades de Damas », et qui s’est poursuivi par des opérations militaires médiatisées et soutenues par l’opposition intrinsèque au système, destinées à renforcer le gouvernement, en particulier avant chaque échéance électorale, la Turquie se retrouve aujourd’hui avec des millions de réfugiés.
Des millions de personnes ont payé, et continuent de payer, un lourd tribut pour cet aventurisme et cette tentative d’amener le mouvement Ihvan [Frères musulmans] au pouvoir en Syrie. Cependant, le régime du palais semble n’avoir tiré aucune leçon de cette dévastation qui a touché une grande partie du Moyen-Orient. Il persiste dans sa politique de l’impasse, car un dialogue avec Assad ne peut se faire en ignorant les Kurdes. Le régime du palais cherche des moyens de mener à bien l’opération de liquidation des Kurdes. Après avoir essayé d’y parvenir par le biais de l’Etat islamique, puis en envahissant le territoire syrien, il prétexte aujourd’hui un dialogue ou des négociations pour s’associer au régime d’Assad, voire pour confier l’opération à celui-ci.
POLITIQUE DE MARCHANDAGE ET DE CHANTAGE
La Turquie n’a aucune perspective de solution en Syrie. Son seul but est de faire la guerre aux Kurdes et de les priver de tout statut. La principale condition à laquelle elle pourrait subordonner son retrait des territoires qu’elle occupe et où elle a installé des forces alliées est que les Kurdes soient dépossédés de tous leurs droits. Il ne s’agit pas d’une politique de solution, mais d’une politique de marchandage et de chantage. Cependant, du point de vue du régime syrien, la Turquie est un pays qui dispose de forces d’occupation dans nombre de régions en Syrie. Pire encore, le régime considère comme terroristes tous les groupes armés soutenus par la Turquie. Mais cela n’empêche pas le ministre des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu de parler de réconciliation entre le gouvernement de Damas et ces groupes qu’il qualifie d’opposition, quand bien même ces derniers sont responsables de crimes contre l’humanité dans les territoires occupés. Ce faisant, Çavuşoğlu se garde bien d’aborder la question de savoir si la Turquie va se retirer des régions occupées.
Si la Turquie tente aujourd’hui de rétablir des relations avec le régime d’Assad, c’est principalement pour empêcher les Kurdes d’acquérir un statut. Pour ce faire, elle n’aurait aucune peine à lâcher les groupes alliés. Mais cela ne sera pas sans conséquences. C’est pourquoi, elle tente de sonder le terrain avec des déclarations. Un autre objectif est de mettre en place, en accord avec le régime syrien, une zone tampon dans laquelle seraient installés les réfugiés. Quoi qu’en dise la Turquie, sa principale politique est de déstabiliser la Syrie et le Rojava et de préparer le terrain à l’invasion et à de nouvelles attaques. Toutes ses actions et tous ses plans sont orientés vers cet objectif.
LA TURQUIE DOIT SE RETIRER DE LA SYRIE
La politique la plus sensée serait de laisser au peuple syrien décider d’une solution. Ce n’est qu’en adoptant cette politique que la Turquie pourrait servir une solution. Le marchandage, le chantage et l’inimitié envers les Kurdes ne peuvent constituer des politiques constructives. Si la Turquie veux tellement la paix en Syrie, elle doit avant tout se retirer du territoire syrien et cesser de soutenir les factions alliés. Car il est question ici d’un gouvernement impliqué dans les attaques de drone qui tuent des civils, les enlèvements, les pillages et le changement de la structure démographique de la région.
UNE SOLUTION POLITIQUE EST POSSIBLE
Le HDP a toujours plaidé pour des négociations directes en vue d’une solution politique et durable en Syrie, sans ingérence des puissances étrangères. Il est possible de trouver une solution pour ceux qui ont fui la Syrie, à l’exception de ceux qui ont commis des crimes de guerre. Les réfugiés devraient pouvoir retourner dans leur pays d’origine en toute sécurité. Dans le même temps, les criminels de guerre devraient être jugés dans leur pays d’origine et leurs organisations devraient être dissoutes afin que puisse s’ouvrir une voie vers le désarmement. De même que nous abordons la question kurde en Turquie sur la base d’une solution politique, nous sommes favorables à une solution politique et durable en Syrie par le biais de négociations. Nous continuerons à défendre cette position de principe en tout temps et en tout lieu. »