Un tribunal d’Ankara a rejeté la demande de mise en liberté de la députée HDP Semra Güzel, jugée pour « appartenance au PKK ».
La deuxième audience du procès de Semra Güzel, députée du Parti démocratique des Peuples (HDP), s’est tenue lundi devant la cour d’assises d’Ankara. L’élue kurde avait été arrêtée en septembre dernier après que l’Assemblée nationale turque l’ait déchue de son mandat parlementaire.
L’immunité de Güzel avait été levée en mars 2022 afin de permettre au parquet d’Ankara d’engager des poursuites contre l’intéressée. Une campagne de diffamation très médiatisée, dirigée par le ministère turc de l’Intérieur, en avait préparé le terrain. Tout est parti de photos montrant Güzel avec son ancien fiancé, le guérillero Volkan Bora. Les clichés avaient été pris en 2014, dans un camp de la guérilla au Sud-Kurdistan (nord de l’Irak), alors qu’une délégation du HDP s’y était rendue pour rencontrer des dirigeants du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). Cette visite avait eu lieu avec l’aval de l’État, dans le cadre du processus de paix qui était alors en cours. Les photos n’ont été découvertes que trois ans plus tard sur le téléphone portable de Bora, peu après la mort du combattant kurde dans une attaque aérienne. Les images ont alors été intégrées comme preuves dans une procédure confidentielle. La jeune femme qui exerçait alors comme médecin à Diyarbakir et qui présidait l’association médicale locale n’a pas été inquiétée pour ces photos jusqu’à son élection au Parlement en juin 2018.
Des organisations légales criminalisées
Depuis décembre, Semra Güzel doit répondre de l’accusation d' »appartenance à une organisation terroriste » devant un tribunal d’Ankara. Dans son acte d’accusation de 58 pages, le parquet accuse la femme politique de faire partie de la « hiérarchie » du PKK. Les photos avec Bora ainsi que les déclarations d’un témoin anonyme portant le nom de code « Ezel » constituent les principales preuves de l’accusation. Ledit témoin aurait reconnu Güzel sur des photos, dans le cadre d’un interrogatoire au centre antiterroriste de la police de Diyarbakir, en août 2018, quelques semaines seulement après les élections législatives en Turquie. Il l’aurait identifié l’élue kurde comme étant une « activiste » du mouvement des femmes kurdes (TJA) ainsi que du Congrès pour une société démocratique (DTK, une plateforme regroupant des partis politiques et des organisations de la société civile tendant vers des objectifs communs). Bien que légales, ces deux organisations sont criminalisées par la justice turque en tant que « structures du PKK ».
« Semra Güzel devrait être à l’extérieur pour soigner les victimes de la catastrope »
Lors de l’audience d’aujourd’hui devant la Cour d’assises d’Ankara, la défense de Semra Güzel a demandé l’arrêt des poursuites et la levée du mandat d’arrêt en se référant aux arrêts pertinents de la Cour constitutionnelle turque concernant l’immunité parlementaire d’autres députés. Le tribunal a cependant rejeté les deux demandes. L’accusée qui a perdu des proches dans le tremblement de terre d’il y a deux semaines n’était pas présente à l’audience. « Ma cliente a été lynchée politiquement. Elle devrait aujourd’hui être à l’extérieur pour soigner les victimes de la catastrophe. Elle devrait être dans la société et non en prison. Je demande la libération de ma cliente », a requis en vain l’avocate Sinem Coşkun.
L’audience a été reportée au 28 avril, date à laquelle Semra Güzel devrait pouvoir se défendre pour la première fois.