Selon Fatma Kurtulan, députée du HDP, les pratiques dans les prisons turques ont atteint le niveau de la torture.
Les conditions de détention dans les prisons turques se dégradent de jour en jour. L’agence de presse Firat News (ANF) à recueilli à ce sujet les observations de Fatma Kurtulan, députée du Parti démocratique des Peuples (HDP) et membre de la Commission des droits humains de l’Assemblée nationale turque. La parlementaire kurde a évoqué, entre autres, le traitement des prisonniers gravement malades, les décès dans les prisons et l’absence d’enquête effective sur ces décès.
En tant que membre du Comité des prisons de la Commission parlementaire des droits humains, Fatma Kurtulan a visité trois prisons ce mois-ci. Elle dit avoir constaté de graves violations des droits humains à l’occasion de ces visites. « Les autorités pénitentiaires prétendent que Vedat Erkmen [décédé en décembre 2021 dans la prison de Tekirdag] s’est suicidé. Nous avons parlé à ses anciens compagnons de cellule. Ils ont dit qu’à plusieurs reprises, des personnes prétendant appartenir aux « services secrets » sont venus chercher Vedat Erkmen dans la cellule et qu’elles ont voulu le contraindre à travailler comme informateur. Il y a des prisonniers dont on dit qu’ils se sont suicidés et d’autres qui sont morts parce qu’ils n’ont pas été soignés. Ce sont des morts suspectes et le ministère de la Justice est responsable. »
« L’arbitraire atteint le niveau de la torture »
Kurtulan a souligné que les traitements arbitraires, les violations et les abus ont atteint le niveau de la torture : « Ce ne sont pas des pratiques humaines. Il y a une résistance constante à ces pratiques, et quand ils résistent, les prisonniers sont battus. Les problèmes dont se plaignent les prisonniers, qu’ils soient prisonniers politiques ou non, sont les mêmes. Cela fait longtemps que nous visitons les prisons. Même si la Commission fait des efforts, elle ne peut apporter des améliorations substantielles. »
Les prisonniers malades sont condamnés à mort
Kurtulan a décrit en particulier la situation dramatique des prisonniers malades. « Même pour aller à l’infirmerie, il leur faut attendre des mois. Même si nous sommes ensuite emmenés à l’infirmerie – m’ont-ils dit – il est généralement beaucoup trop tard. Lorsque nous sommes examinés, aucun test n’est effectué et aucun médicament ne nous est donné ».
Kurtulan a noté que les prisonniers malades sont de facto condamnés à mort à cause de cette situation. Dans le cadre de sa mission, Kurtulan a pu rendre visite à l’ancienne députée HDP Aysel Tuğluk, qui souffre de graves troubles neurologiques. « Notre amie Aysel Tuğluk fait partie de ces prisonniers gravement malades. Nous lui avons récemment rendu visite dans sa cellule à Kandıra. Aysel n’est définitivement plus l’ancienne Aysel. Le changement est évident. Vous pouvez ressentir les symptômes de sa maladie. Néanmoins, elle doit toujours se rendre à l’Institut de médecine légale (ATK). L’ATK est un problème en soi. C’est une institution qui décide uniquement sur la base de considérations politiques ».
Les prisonniers sont isolés
Kurtulan a souligné l’isolement des prisonniers. Elle a dénoncé en particulier le fait que les prisonniers politiques soient déplacés à des milliers de kilomètres de chez eux et coupés ainsi de leurs familles. Selon Kurtulan, l’argument de la sécurité est absurde : « Comment les proches des prisonniers peuvent-ils menacer la sécurité lorsqu’ils vont leur rendre visite ? L’État profite de chaque occasion pour détruire, casser, isoler et violer tous les droits des prisonniers ».
Les agressions ne font pas l’objet d’enquêtes
Kurtulan a déclaré qu’un jeune homme avait été tué lors d’une attaque par des gardiens dans la prison de Sincan. « Cependant, a-t-elle indiqué, aucune enquêté n’a été ouverte sur le décès. Le ministre de la Justice a donné des informations différentes de celles du directeur général des prisons. Certains prisonniers se sont plaints de torture, mais, là encore, aucune enquête n’a été ouverte. »
Isolement renforcé sur l’île-prison d’Imrali
La députée a également évoqué l’isolement renforcé d’Abdullah Öcalan sur l’île-prison d’Imrali. « Pourquoi Abdullah Öcalan et trois autres prisonniers sont-ils détenus dans l’isolement le plus strict ? Parce que la Turquie a choisi la guerre. Le gouvernement a complètement tourné le dos à la démocratie, au droit et à la justice. L’État turc insiste sur une guerre étendue et brutale. C’est pourquoi il a approfondi l’isolement à Imrali. »