Les Mères du Samedi ont tenu une conférence de presse mercredi, devant le palais de justice d’Istanbul, avant l’audience du procès intenté contre le mouvement.
La troisième audience du procès contre 46 personnes arrêtées à la suite d’une manifestation organisée par les Mères du Samedi le 25 août 2018, se tient aujourd’hui devant le 21e tribunal pénal à Istanbul. Les membres du Mouvement qui rassemble les familles des victimes de disparitions forcées, se sont rassemblés devant le palais de justice avant l’audience, pour une conférence de presse, en présence notamment de Musa Piroğlu et Hüda Kaya, députés du Parti démocratique des Peuples (HDP), et de représentants de la Fondation des Droits de l’Homme en Turquie (TİHV).
Ümit Efe, membre du TİHV, a déclaré que le procès s’inscrit dans une répression contre le mouvement. « Nous sommes ici aujourd’hui parce que nous nous opposons aux pratiques de harcèlement juridique dont nous sommes victimes. Les Mères du Samedi portent depuis 26 ans des valeurs et principes fondamentaux. Il s’agit d’une attaque contre les droits et les libertés défendus par le mouvement. C’est une attaque contre la liberté d’expression. Nous condamnons l’attaque contre les Mères du samedi. Les autorités n’ont jamais rendu compte des disparitions forcées.
Et d’ajouter : « Ce procès est nulle et non avenu pour nous. C’est la défense des droits humains et la lutte pour les droits et libertés qui sont réduits au silence par les autorités. »
LES DISPARITIONS FORCÉES, UNE POLITIQUE D’ÉTAT
Prenant la parole à son tour, Maside Ocak, frère de Hasan Ocak disparu en garde à vue, a déclaré : « Les auteurs de crimes contre l’humanité, qui sont déguisés en politiciens et fonctionnaires et ont fait des disparitions forcées une politique d’État, sont-ils enfin poursuivis ? Non. Les auteurs de ces crimes sont-ils jugés après que le chef d’une organisation criminelle affiliée à l’État, tombé en disgrâce, a révélé l’identité de plusieurs d’entre eux dans ses vidéos YouTube et ses tweets ? Non, ils ne le sont pas. Les membres de la contre-guérilla qui ont prôné la torture dans des émissions de télévision et qui ont été impliqués d’une manière ou d’une autre dans des centaines de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires seront-ils jugés ici aujourd’hui ? Bien sûr que non. Les tortionnaires contre lesquels la Commission des droits de l’homme du Parlement a déposé une plainte pénale pour leur implication dans la disparition de Cemil Kırbayır seront-ils poursuivis ? Non, ils ne le seront pas non plus. Les auteurs des cas de disparition, qui ont été condamnés à l’unanimité par la Cour européenne des droits de l’homme, seront-ils jugés ? Non, ils ne le seront pas. Ceux qui ont violemment dispersé les Mères du Samedi qui s’étaient rassemblées pacifiquement pendant 699 semaines, ceux qui pratiquent la torture, ceux qui ont bloqué une place de la ville au public seront-ils jugés ? Non. Alors, qui est jugé aujourd’hui ? Aujourd’hui, ce sont les proches des disparus et les défenseurs des droits qui sont jugés. Aujourd’hui, c’est nous qui sommes jugés. »
Ocak a fait remarquer qu’ils sont jugés pour avoir cherché leurs proches qui ont disparu en garde à vue. « Pourquoi sommes-nous jugés ? C’est parce que les autorités veulent que des millions de personnes dont les droits et libertés ont été suspendus ne luttent pas pour leurs droits comme nous. Nous sommes en procès pour que les citoyens ne se rebellent pas contre l’injustice et l’illégalité dont ils sont victimes. Mais regardez, nous voici à nouveau. Nous sommes dans la rue et nous crions à nouveau. »
Ocak a souligné qu’ils ne cesseront jamais de rechercher leurs disparus. « Nous ne resterons pas silencieux tant que ceux qui nous ont enlevé nos proches n’auront pas un procès. Pour nous, la justice est une question de dignité et d’humanité. Nous ne resterons pas silencieux jusqu’à ce que l’injustice à l’égard des parents des disparus prenne fin. Nous ne renoncerons jamais à nous rassembler sur la place Galatasaray. »