Nous rencontrons Heval « Komutan » lors d’une assemblée de responsables de communes, à Kobanê. Interpellé par l’énergie de ses prises de parole, et par son implication dans les débats, nous la rencontrons plus tard seule et l’interrogeons sur sa trajectoire militante.
L’entretien a été traduit, puis édité pour en faciliter la lecture, en veillant à ne pas altérer le sens de ses propos.
- A quel âge avez-vous commencé à travailler au sein du parti ? et pourquoi ?
Quand j’ai commencé à travailler en 1986, je n’avais jamais mené d’actions avant. Mes enfants étaient petits. Heval Abdurahman, qui est aujourd’hui à la montagne était ici. Nous avons beaucoup discuté du PKK, des actions qu’ils menaient, de l’oppression que les Kurdes subissaient, de notre ennemi, du rôle du peuple dans la lutte…
Lorsque nous avons commencé à travailler au sein du parti c’était très difficile. Par exemple, nous allions chez des personnes et nous discutions du PKK en leur disant que notre leader était Abdullah Öcalan, que nous luttions pour le peuple. Les personnes nous disaient ensuite qu’elles ne se reconnaissaient pas au sein du parti. Et nous retournions quelques jours après rediscuter avec elles.
En 1979 Abdullah Öcalan est venu à Kobanê et en 1986 nous avons commencé à agir ici. Nous avons vécu des périodes très dures. Nos familles elles aussi ne nous soutenaient pas. Nous faisions des choses auxquelles elles n’étaient pas habituées. Nous sortions tout le temps, nous ouvrions des tentes et organisions des débats. À l’époque la dictature régnait, et c’est sous cette pression que nous travaillions.
Nous avions donc des problèmes venant de l’Etat, mais aussi de la famille et des hommes de la famille. Mais nous avons toujours continué à agir. Abdullah Öcalan disait que celui ou celle qui veut travailler pour son peuple ne doit pas écouter son entourage. Il y aura toujours des commérages. Pourtant avec l’aide de notre leader Abdullah Öcalan et celle des héros qui ont travaillé parmi nous nous avons pu avancer.
Ce n’était vraiment pas comme aujourd’hui. Nous avons libéré un peuple. Actuellement nous pouvons organiser des réunions comme nous le souhaitons. Avant lorsque nous faisions une réunion nous devions surveiller partout autour. Chacun se postait quelque part et lorsque les policiers venaient nous nous sauvions tous dans des directions différentes. Beaucoup se faisaient arrêter. Moi je l’ai été trois fois : une fois cinq jours, une autre sept puis un an. Les policiers nous surveillaient et nous suivaient tout le temps. Ils nous tendaient des pièges. Ils nous bloquaient et nous les affrontions. Nous avions des blessés, des personnes arrêtées. Nous subissions de la pression constamment. En 1984, lors d’émeutes je me suis luxé le genou et me suis trainé jusqu’à une maison pour me sauver.
- Quel était votre travail ?
C’était toujours lié au parti. Des actions, des réunions et beaucoup d’affrontements avec l’Etat. Oui, nous avions beaucoup de difficultés mais nous travaillions quand même. Parfois nous avions peur de rentrer à la maison parce que nous pouvions être arrêté. Nous faisions tout ce qu’il nous était demandé. En 1992 nous n’osions même pas annoncer la mort de nos martyrs. Des personnes venaient garder les enfants et je me chargeais d’aller donner les nouvelles. Nous nous protégions tout le temps de l’Etat. Nous faisions la guerre, organisions les funérailles et tout le nécessaire.
- Avez-vous vécu à Kobanê toute votre vie ?
J’ai vécu à Kobanê la majeure partie de ma vie mais je suis allé en Turquie à Nusaybin aussi pour y travailler. Nous avons fait des réunions à Ankara puis à Diyarbakir où était le frère de Selahattin Demirtas, Nurettin Demirtas. Ensuite nous sommes allés chez Abdullah Öcalan pour y organiser une réunion, il y avait ses frères et soeurs : Mehmet, Fatma, Omer. Omer était très politisé. Alors que nous allions nous asseoir, Omer m’a proposé de m’asseoir à la place d’Abdullah Öcalan. J’ai refusé en lui disant que personne ne pouvait prendre sa place. Nous avons alors discuté et débattu. Peut-être que mon discours est encore dans les archives !
Je suis beaucoup allée au Liban aussi. Dans les années 1990, j’y suis restée trois jours pour voir Abdullah Öcalan. Tout ce qu’il nous a dit lors de cette rencontre s’est réalisé par la suite : que les combats allaient s’intensifier, que nous allions subir encore plus de répression… Peut-être que nous n’aurions pas assez de force pour tout contrer mais la réussite finale serait la nôtre. Crois-moi, tout ce qu’il nous a dit au camp Mahsum Korkmaz est arrivé.
- Votre époux travaillait-il déjà au sein du mouvement lors de vos débuts ?
Non, j’étais seule. Je souffrais aussi à cause de lui. Il disait, « tu vas devant tout le monde ». J’étais porte-parole alors pour moi c’était encore plus difficile. Les camarades sont beaucoup venus chez moi, c’est ce qui a rendu les choses plus facile pour moi. Au sein des familles, la femme a toujours été la première à adhérer au mouvement et c’est l’homme qui l’a suivie.
- Quelle a été l’évolution du rôle des femmes au sein du mouvement ?
Nous allions discuter avec les femmes et organisions des projets ensemble avec beaucoup de réussite. Au sein du Kongreya Star il n’y avait que des femmes. Au début comme je l’ai dit plus tôt tout était très difficile. Les familles des femmes posaient problème, leurs maris aussi. Nous parlions avec eux et leurs disions que nous aussi nous étions comme eux. Vous êtes nos sœurs, nous sommes vos mères. Quand Abdullah Öcalan est venu, nos projets avançaient doucement mais avec beaucoup de facilité. Dés qu’il est parti en Europe la situation est devenue critique. Un soir nous sommes allés chercher des corps avec seulement douze personnes. Il y avait parmi nous heval Midya et heval Sozdar.
Nous disons que les femmes mènent la révolution et qu’Abdullah Öcalan a permis l’ouverture de cette voie. Il a détruit les murs de l’esclavage, brisé les chaines et ôté le voile noir qui se trouvait devant leurs yeux. Il a élevé le rôle de la femme.
Mais les femmes aussi se sont appropriées leur propre résistance. Elles ont lutté, avec leurs sacrifices, leur héroïsme, et tout leur courage. Peut-être que tu connais heval Zilan, elle était une de nos combattante depuis six mois avant d’être martyr, et son héroïsme est connu partout dans le monde. Il y avait aussi heval Berivan, c’était une camarade qui travaillait beaucoup. Elle choisissait toujours la maison la plus dangereuse, elle y allait et y combattait. Heval Reshan, heval Zeki Alkan, heval Berivan et beaucoup d’autre camarades ont été prêtes à sacrifier leurs vies. C’est vrai nous sommes des femmes, et il y a un travail pour nous. Si les femmes travaillent avec cette force qu’elles ont eu, nous pourrons tout faire.
S’il y a une guerre nous serons des soldats, nous lutterons toujours même si nous le faisons déjà. Si les politiciens s’opposent à nous, nous sommes politiquement prêtes aussi. Si les états démocratiques nous contactent, avec l’idéologie d’ Abdullah Öcalan et sa volonté nos portes sont grandes ouvertes à tous. Les femmes se sont accrochées à la volonté, l’inspiration, la force d’Abdullah Öcalan. Jusqu’aujourd’hui les femmes ont lutté et continueront de lutter. Nos femmes sont au front par milliers. Des milliers ont donné leurs vies pour la libération de la femme, et des milliers continueront de donner leurs vies.
Nos mères, ce sont elles qui ont donné naissance à des héros et héroïnes, elles qui ont pleuré les martyrs. Nos martyrs heval Kemal Pir, Ali Cicek, Akif Yolmaz, Muhammed Xeri Dolmis. Ce sont eux qui ont perdu la vie dans les prisons de Diyarbakir lors d’une résistance spectaculaire. Heval Mazlum a appliqué le feu du Newroz sur sa peau le 21 mars. Ce sont ces héros qui ont sacrifié leurs vies pour ce peuple et nos héros/héroïnes les suivent sur ce chemin. Aujourd’hui nos héros luttent au front, contre la Turquie mais pas seulement. La guerre, nous la menons contre tous les Etats, tous ceux qui ont fermé les yeux et qui n’ont pas souhaité nous voir. Lorsque nous leur disons que la Turquie nous attaque, ce sont nos femmes et nos hommes qui combattent bravement. Ils renoncent au printemps de leur vie pour leur peuple et gravent leurs noms avec des lettres en or dans l’histoire.
Après toutes les résistances que les Kurdes ont mené comme à Dersim, avec Qazi Muhammed, Sheikh Said et Mahmoud Barzanji1 nous en sommes ici. Les résistances d’auparavant ne sont pas les mêmes que celles d’aujourd’hui. Ils n’avaient pas tous les outils techniques que nous avons actuellement. S’il se passait quelque chose au nord, nous ne le savions pas au sud. Aujourd’hui notre voix est entendue dans les quatre parties du Kurdistan comme dans le monde entier. Où que nous soyons nous travaillons ensemble. Nous n’avons plus les mêmes idées, les mêmes points de vue, le même peuple qu’avant. Que la Turquie le sache. Peu importe le pays qui nous attaque, nous, nous avons la volonté d’Abdullah Öcalan.
À Afrin, nos héros ont résisté face à leurs tanks pendant 58 jours avec leurs kalash’. Ils ont arrêté les tanks. Notre détermination est plus forte que tout. Nous l’avons reçue d’Abdullah Öcalan et personne ne peut l’affaiblir. Peut-être que les autres pays peuvent nous entendre aussi, ceux qui souhaitent semer le trouble entre nous, nous écraser, nous affaiblir. Qu’ils sachent que cela n’arrivera jamais. Les pays qui nous attaquent avec des mortiers et des tanks, ne se regardent-ils jamais ? Ne voient-ils pas celles et ceux qui ont résisté face à eux pendant 58 jours ? Si la Turquie avait fait attaqué de la même façon un autre pays, ce dernier aurait été détruit. Mais elle ne pourra jamais nous affaiblir ou nous abattre. Ils pensent que nous sommes 40 millions, nous ne sommes pas 40 millions mais 80 millions. Si 40 millions de Kurdes se sacrifient pour leur pays et leur peuple, leurs enfants se soulèveront aussi. Si nous versons notre sang avec héroïsme nos enfants vivront librement. Qu’ils se rappellent du Vietnam, de l’Algérie, de Cuba et de Guevara qui est tombé martyr après avoir lutté. Nous menons encore ici le combat de Guevara. Nous sommes ici, qu’ils viennent, qu’ils viennent pour qu’on débatte. Nous sommes un peuple. Un peuple ne peut être sans pays. 40 millions de personnes, aujourd’hui 80 millions, vivront ils sans maison ? Quand ils ont attaqué Afrin, les états impérialistes ne pouvaient-ils pas nous aider ? N’avons-nous aucun droit ? Non les Kurdes n’ont eu aucun droit.
Nos enfants ne sont-ils pas des enfants ? Nos personnes âgées ne sont-elles pas des personnes âgées ? N’étaient-elles pas des êtres humains ? La démocratie s’arrêterait-elle donc à notre frontière ?
Celui qui cherche la démocratie et souhaite la connaitre qu’il aille à Imrali2 discuter avec Abdullah Öcalan. Celui qui défend les états, qu’il aille se former et apprendre sur la démocratie, l’humanité avec Serok Apo. Cite-moi un pays qui dit que les droits humains se trouvent chez eux. Pourquoi ferment-ils les yeux quand il s’agit des Kurdes ? Nous avons vécu de lourds conflits, comme à Kobanê. Nous ne pardonnerons pas à Erdogan, il a formé l’EI et l’a lancé sur nous.
Le peuple kurde des quatre parties est devenu un. Qu’ils sachent que si l’EI n’avait pas été arrêté à Kobanê par les Kurdes, elle serait présente aujourd’hui dans tous les pays. S’il ne s’agissait pas des Kurdes qu’ils attaquaient ils auraient probablement vaincu. C’est avec beaucoup de puissance, beaucoup de moyens et de soldats qu’ils nous ont attaqué. Avant c’était al-Nosra qu’Erdogan nous envoyait.
Nous sommes ceux à qui tu dois des Droits. Notre pays est un et non pas quatre. C’est vous qui l’avez divisé en quatre parties. Qui l’a divisé ? L’Allemagne ? La France ? Lausanne avec Sykes Picot ? L’accord de Sykes Picot n’est plus valable et ils souhaitent encore faire des accords sur le dos des Kurdes. Mais le Kurde est désormais éveillé, il sait tout. De nos plus petits enfants à nos personnes âgées. Quoi qu’on puisse faire pour notre pays et notre liberté nous le ferons. Nous protégerons les terres du Kurdistan pour tout le sang que nous avons versé. Nous protégerons les terres du Kurdistan et l’ennemi ne pourra ni y entrer, ni y poser un seul pied. C’est un honneur de mourir pour la défense de son pays. Il n’y a pas de mort plus importante que celle-ci. L’ensemble du peuple du Kurdistan est prêt. Qu’ils viennent, avec leurs tanks, leurs mortiers et leurs kalachnikovs. Nous résisterons. Comme au Vietnam lorsqu’ils ont été attaqués, les jeunes, les personnes âgées, les hommes et les femmes se sont défendus. Bien sûr ils ont versé du sang pour ça. Mais regarde aujourd’hui, ils sont dans leur propre pays. Des terres pour lesquelles nous avons versé autant de sang, pourrons-nous les lâcher si facilement ? Après avoir avancé à ce prix, allons-nous reculer ? Glisseront-ils de nos doigts ? Non je te jure, nous ne pouvons les laisser. Si nous en sommes capable nous les protégerons. Et bien sûr que nous en sommes capables, nous le faisons aujourd’hui. Abdullah Öcalan disait « nous avons résisté, nous résistons et nous résisterons ». Tant de nos guérilleros sont dans les montagnes, nos filles et fils sont des héros. Le peuple kurde lutte dans les quatre parties du Kurdistan. Notre peuple est prêt à faire face à toutes celles et ceux qui souhaitent marcher sur nous. Nous briserons le système qui souhaite nous écraser. Si un jour nous n’avons plus d’armes, nous ferons la révolution avec les pierres des montagnes.
Nous voulons un Kurdistan indépendant et libre, avec l’idéologie d’Abdullah Öcalan. Notre peuple créera ce Kurdistan. Que l’ennemi le sache, où qu’il soit nous ne l’accepterons pas. Nous, avec les mères, les tantes, les sœurs de nos martyrs nous serons tout autour de notre pays. Dieu merci nous avons cette force.
Je souhaiterais notamment m’adresser aux nations qui ne souhaitent pas nous entendre. Pourquoi font ils les sourds ? 40 millions de kurdes sont ici, 80 millions dans le monde. Quand Dieu a créé les langues il a aussi créé la nôtre. Nous sommes kurdes, nous avons des droits et une langue. Notre patrie a été pendant des milliers d’années colonisée par l’ennemi. Il a volé tous nos biens. Notre pays, nous le regagnerons en versant du sang. Le sang des mères, des pères et celles et ceux qui tombent martyr au printemps de leur vie. Peut-être que notre pays n’est pas encore reconnu, mais notre peuple l’est. Le peuple kurde s’est libéré, il est parvenu à un point ultime. Il fait face aux États du monde entier. Il est désormais impossible de ne pas entendre un peuple qui fait des sacrifices, un peuple héroïque, un peuple qui résiste et qui lutte pour sa liberté. Le notre résistera et nous n’avons peur de personne. Ni de l’Amérique, ni de la Russie. Nous résistons avec nos sacrifices et nos efforts. Qu’ils amènent des avions. Si eux mêmes n’aident pas sur place, à quoi servent ils ? Nous croyons en nos héros et en notre leader. C’est un honneur pour nous d’avoir un leader tel qu’Abdullah Öcalan. Bien qu’il ne soit pas présent physiquement, il est constamment dans notre cœur et notre esprit. Il vit à nos côtés. Dans toutes nos discussions nous parlons de lui. Je souhaite sa liberté ainsi que celle de notre peuple. Qu’il soit prêt, nous atteindrons la réussite.
- Pour vous, quelles seront les difficultés dans le futur pour la révolution du Rojava et les femmes ?
Nous ne pensons pas qu’il y aura un problème pour les femmes dans le futur. Tant qu’elles résistent elles n’auront pas de problème. Elles ne sauront jamais faibles. Elles travaillent constamment. Elles sont dans les YPJ, elles sont dans les montagnes. Avec le temps, elles seront encore plus courageuses. Ma fille travaille aussi, moi je suis co-présidente de la commune. Bien sûr elles ont des difficultés, elles libèrent un pays. Nous connaitrons des jours difficiles, des problèmes c’est normal, nous sommes en guerre. Nous disons que nous sommes femmes, nous avons une volonté, nous avons un travail. Nous devons nous faire accepter en tant que femmes.
- Comment avez-vous appris tout ce que vous savez actuellement sur la politique ?
Durant toutes ces années nous nous sommes basées sur l’idéologie d’Abdullah Öcalan. Quand tu passes par un chemin tu dois être conscient de ce qui se trouve autour de toi. Tu dois avoir des connaissances en politique et dans tous les domaines. Dans les réunions nous avons des personnes de tous les horizons : des personnes qui ont étudié la médecine, la philosophie. Celui qui souhaite découvrir la politique doit notamment étudier la philosophie. C’est comme ca qu’il devient professeur et peut s’exprimer. Beaucoup de personnes ont étudié, sont aujourd’hui médecins mais ne sont pas capable de parler lors des réunions. Ça n’a aucun rapport avec les études.
- Quel est votre rôle en tant que co-présidente de commune ?
Je suis co-présidente depuis deux ans, mais je travaille dans le parti depuis 1986, au sein du PKK, du KJK3, puis de Kongreya Star4. Je suis ici depuis deux ans en tant que co-présidente. Travailler en tant que co-président de la commune c’est surtout travailler avec le peuple. C’est lui qui nous a choisi. Actuellement je travaille pour 150 maisons. Nous œuvrons pour la commune, son économie. Dans une commune, tout passe par nous. Aucun papier officiel ne peut être distribué sans notre signature. Nous posons notre main sur notre conscience et servons notre peuple, qui fait lui-même des sacrifices.
La commune était aussi une volonté d’Abdullah Öcalan. « Si seulement je sortais de prison et devenais un membre d’une commune. Pas président d’une commune, mais son membre. » Les communes que nous avons créées étaient un principe vraiment défendu par Abdullah Öcalan. La commune travaille pour le peuple. Tant que nous le pouvons, nous nous aidons les uns les autres. Nous avons aussi un regroupement de dix communes qui existe notamment pour qu’on puisse répondre aux problèmes et questions qui peuvent se poser parmi les citoyens. Nous pouvons alors en discuter et en débattre. Si un jour nous avons une question à laquelle nous ne pouvons répondre, alors nous contactons nos camarades cadres du TEV-DEM ou de la Mala Gêl – maison du peuple, qui n’est plus vraiment active vu que maintenant nous avons les communes.
Avant nous avions des problèmes concernant les mésententes entre les habitants. Cependant depuis la mise en place des communes, ça va mieux. Tu sais nous sommes un peuple qui a ses problèmes mais ses solutions aussi. C’est un peuple qui lutte, qui travaille. Ce sont des travaux rudes mais nous travaillons dans la bonne humeur. C’est notre peuple que nous servons. Parfois quand nous ne réussissons pas quelque chose, crois-moi le soir nous n’arrivons pas à dormir à force de nous poser des questions concernant cet échec. Notre peuple nous regarde et nous nous regardons notre peuple. Abdullah Öcalan disait « les travailleurs et le peuple se complètent » et c’est totalement vrai nous nous complétons.
- Actuellement vos enfants sont-ils impliqués dans la cause ?
Oui, mon fils.
- Etiez-vous présente lors de la résistance de Kobanê ?
Oui, jusqu’à ce que les affrontements nous parviennent nous étions présents. Des responsables d’Istanbul, de Siirt, de Derîk étaient ici avec moi. Ils venaient dormir chez moi. Jusqu’à ce qu’il n’y est plus personne j’étais ici et mon fils au front. Il n’y avait tellement pas de bruit que si une aiguille tombait par terre on pouvait l’entendre. Dès que les affrontements ont débuté à Kobanê je suis sortie de la ville.
Quand al-Nosra, l’EI ainsi que d’autre organisations nous ont menacées, la population a rapidement réagi. Tous se sont appropriés la lutte et ont fait tout leur possible. Au début le nombre total des militants se comptait sur les doigts d’une main. Mais avec le temps, nos cadres sont venus nous voir. Ils ne connaissaient pas vraiment notre zone, nous leur présentions. C’était bien.
- La relation entre les Arabes et les Kurdes a-t-elle changé au Rojava ?
Oui il y a eu beaucoup de changements. Avant que le parti soit en Syrie, les Arabes nous faisaient la guerre. Après que le parti a libéré les zones au nord de la Syrie, les Arabes nous ont accueilli les bras ouverts. Aujourd’hui nous sommes les uns avec les autres, nous combattons les uns à côté des autres.
- Quelle est votre prénom ?
Commandante. Peu de personnes connaissent mon vrai prénom. Merci pour tout, ça m’a fait plaisir de vous rencontrer. Faite entendre notre voix. Que tout cela entre dans les livres et que toutes celles qui le lisent comprennent notre peine. Que les pays européens ouvrent leurs yeux à la démocratie et à l’humanité. Merci beaucoup.