Les 20 journalistes kurdes arrêtés il y a une semaine dans un vaste raid policier à Diyarbakir. Ils sont déférés aujourd’hui devant le juge. Des mandats de dépôt ont déjà été émis contre certains.
Les 20 journalistes arrêtés le 8 juin dans la métropole kurde de Diyarbakir sont déférés devant le juge ce mercredi, après une semaine de garde à vue. Devant le palais de justice de Diyarbakir, de nombreux collègues des journalistes ainsi que des membres de leurs familles et des représentants d’organisations de la société civile et de partis politiques se sont rassemblés pour demander leur libération.
Kadri Esen, éditeur du journal kurde Xwebûn, a déclaré lors du rassemblement : « On veut nous forcer à taire ce qui se passe au Kurdistan. Nous ne nous tairons pas. Nous continuerons à informer le monde de tout ce qui se passe. Cette opération vise à réduire les médias kurdes au silence. »
Dicle Müftüoğlu, coprésidente de l’association de journalistes Dicle Firat (DFG), elle-même récemment placée en garde à vue pendant quatre jours, a réaffirmé dans un discours que les médias libres kurdes ne se plieraient pas à la répression: « Nos collègues ont été pris pour cible parce qu’ils font du journalisme et rendent la vérité publique. C’est pour cette raison que leurs domiciles et leurs lieux de travail ont été pris d’assaut. Le but de cette opération est de signifier aux journalistes qu’ils seront criminalisés s’ils informent le public de ce qui se passe réellement. Par le passé, l’État a déjà tenté, en vain, de réduire les médias libres au silence par des attentats à la bombe, des exécutions sommaires et des disparitions en garde à vue. Aujourd’hui comme hier, nous ne nous laisserons pas réduire au silence. » Pour finir, la journaliste kurde a appelé à la solidarité.
La presse pro-gouvernementale a accès au dossier, mais pas les avocats
Après une semaine d’interrogatoires, les avocats des journalistes n’ont toujours pas connaissance des infractions reprochées à leurs clients, les dossiers d’enquête faisant l’objet d’une ordonnance de confidentialité. En revanche, les médias proches du gouvernement, comme l’agence de presse officielle AA et la chaîne publique TRT, ont visiblement accès aux documents d’enquête. D’après les informations diffusées par ces médias, les personnes arrêtées et les organes de presse pour lesquels elles travaillent seraient accusés de faire de la « propagande en faveur d’une organisation terroriste ». Toujours selon la presse étatique, il serait notamment reproché aux intéressés de produire des émissions télévisées « en faveur du chef de l’organisation terroriste » – c’est à dire le fondateur du PKK Abdullah Öcalan -, d’influencer l’opinion publique « en donnant l’impression que les opérations des forces armées turques contre l’organisation terroriste sont dirigées contre le peuple kurde », d’agir « pour la légitimation de l’organisation terroriste », et d’ « informer les terroristes des opérations et des activités de l’armée de l’air par le biais de reportages et de programmes télévisés. »