Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe critique la destitution du co-maire de Van par les autorités turques, y voyant « le dernier maillon d’une chaîne de délégitimation délibérée et calculée ».
Dans un communiqué publié mardi, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a fait part de son inquiétude après la révocation par le régime turc du co-maire de la ville kurde de Van, également membre de la délégation turque au Congrès. La destitution d’Abdullah Zeydan, ordonnée par le ministère turc de l’Intérieur, et son remplacement par un fonctionnaire nommé par le gouvernement sont « un sujet de grave préoccupation » qui « ne peut être ignoré », ont déclaré mardi les co-rapporteurs du Congrès chargés du suivi de la démocratie locale en Turquie.
Abdullah Zeydan avait été condamné la semaine dernière à près de quatre ans de prison en vertu de la loi antiterroriste, accusé de soutien au PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan). Samedi, l’élu du Parti de la démocratie et de l’égalité des peuples (DEM) a été déchu de son mandat et remplacé par un administrateur d’État. C’est la deuxième fois depuis son élection en mars 2024 que le co-maire kurde est privé de son mandat. Au lendemain des élections municipales, au cours desquelles il avait obtenu 55,5 % des voix, il avait été déclaré inéligible par la justice turque. Cependant, suite à des manifestations de masse, Ankara avait dû faire marche arrière et rétablir Zeydan dans son mandat.
Une destitution qui s’inscrit dans un « schéma antidémocratique »
Le Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux considère la nouvelle action contre Zeydan comme « le dernier maillon d’une chaîne de délégitimation délibérée et calculée ». « Malheureusement, cela s’inscrit également dans un schéma plus large et antidémocratique », souligne l’organe européen, se référant à la dizaine de révocations de maires survenue depuis les dernières élections locales. Des destitutions qui entraînent « le rejet des votes de près de quatre millions d’électeurs », dénoncent les rapporteurs, qui relèvent par ailleurs les poursuites judiciaires, les plaintes pour diffamation et les longues peines de prison auxquelles sont confrontées de nombreux maires de l’opposition.
Une pratique contraire à la nature même de la démocratie
« La pratique spécifique consistant à remplacer les maires des partis d’opposition démocratiquement élus par des administrateurs porte atteinte à la nature même de la démocratie », dénonce le Congrès, qui rappelle qu’il avait, lors de sa dernière réunion, réaffirmé la nécessité de mettre fin à cette pratique . « Les candidats jugés éligibles doivent être autorisés à exercer librement leur mandat, conformément à la Charte européenne de l’autonomie locale, qui lie tous les États membres du Conseil de l’Europe. En cas de révocation d’un maire, les conseils municipaux devraient pouvoir choisir un maire remplaçant », ajoute l’organe du Conseil de l’Europe.
Pour finir, les rapporteurs annoncent que ces derniers développements seront portés à l’attention de la Commission de suivi du Congrès le 25 février 2025 à Strasbourg, et appellent à nouveau les autorités turques à mettre fin à cette pratique et à reprendre « le dialogue politique avec les rapporteurs du Congrès afin de garantir la mise en œuvre effective des recommandations passées. »