46 membres du Parlement européen de différents partis et groupes politiques ont envoyé une lettre ouverte au chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, appelant l’UE à « des mesures concrètes, telles que des sanctions économiques et ciblées, pour aider à mettre fin à la répression et aux attaques illégales de la Turquie ».
« Monsieur Borrell,
Nous écrivons pour attirer votre attention sur la répression de l’opposition politique démocratique en Turquie, en particulier la détention de députés et de maires du Parti Démocratique des Peuples (HDP) et les bombardements de l’invasion turque dans le nord de l’Irak et le nord de la Syrie, en particulier dans les régions habitées par les Kurdes.
Au cours des cinq dernières années, l’AKP, le parti au pouvoir du président Erdoğan, a bâti un système politique extrêmement autoritaire avec l’aide de ses alliés ultranationalistes et dans des conditions d’état d’urgence. Dans le cadre de ce processus, plus de 90 000 personnes ont été arrêtées pour des accusations de « terrorisme », notamment des présidents de partis, des députés, des maires kurdes élus, des milliers de membres du HDP, des journalistes, des universitaires, des avocats, des représentants de la société civile, des militants des droits de l’Homme et d’autres encore. Le gouvernement a généralement qualifié quiconque qui critique ses politiques, en particulier sa politique envers les kurdes, de terroriste ou de traître et d’ennemi de l’État. Le « système présidentiel de type turc » a totalement sapé le principe de la séparation des pouvoirs et d’un système judiciaire indépendant.
Les attaques illégales du gouvernement turc ne visent pas simplement la démocratie parlementaire. Elles ont aussi illégalement destitué les co-maires du HDP dans les provinces kurdes et les ont remplacés par des « gouverneurs-administrateurs » nommés. Depuis les élections locales du 31 mars 2019, le gouvernement a illégalement saisi 46 municipalités sur les 65 dirigées par le HDP. La Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) a rendu son avis n ° 979/2019 le 18 juin 2020 et indiqué que cela est incompatible avec les principes fondamentaux de la démocratie, l’état de droit et la prévisibilité de la loi.
Nous voudrions également exprimer nos vives préoccupations concernant les frappes aériennes choquantes continues de l’armée turque dans les régions de Sinjar et du camp de Makhmour ainsi que dans d’autres régions du Kurdistan du Sud (région kurde d’Iraq), qui ont commencé le 14 juin, et une attaque de drones à Kobanê (région kurde de Syrie) le 23 juin 2020. Dans les deux attaques, de nombreux civils ont perdu la vie ou ont été grièvement blessés.
Depuis le 17 juin 2020, l’armée turque a commencé à transférer des forces terrestres dans la région du Kurdistan irakien, soutenues par des drones et des hélicoptères qui ont touché plus de 150 cibles. Cette action militaire turque déstabilise la région, exacerbe les souffrances humaines et fournit un terrain fertile à la résurgence de groupes terroristes, ce qui compromettra particulièrement les progrès accomplis contre l’Etat islamique. En outre, la poursuite des frappes aériennes pourrait entraîner le déplacement de plus de personnes et les forcer à être demandeurs d’asile dans différentes parties des pays voisins ou en Europe.
La Turquie est membre de l’OTAN, membre du Conseil de l’Europe et pays candidat à l’adhésion à l’UE. La Commission ne doit pas tolérer ces actions inacceptables contre toutes les normes démocratiques du droit national et international. Nous vous demandons de prendre des mesures contre le régime autocratique d’Erdogan.
L’UE est également confrontée à un comportement belliqueux de la Turquie en Méditerranée, allant jusqu’au risque d’affrontement avec des navires européens appartenant à la marine française.
Nous ne pouvons rester passifs face à tant d’agressivité, y compris envers l’UE elle-même.
Nous demandons à la Commission de prendre des mesures immédiates et concrètes, telles que des sanctions économiques et ciblées, pour aider à mettre fin à cette répression et à ces attaques illégales, ainsi qu’aux attaques contre le droit international. »