Le HDP a présenté lundi une nouvelle feuille de route. Le document contient des propositions concrètes pour résoudre les conflits
Pervin Buldan et Mithat Sancar, coprésidents du HDP, ont annoncé ce lundi, à Ankara, la nouvelle feuille de route du parti

Le Parti démocratique des Peuples a présenté lundi une nouvelle feuille de route. Le document contient des propositions concrètes pour résoudre les conflits et promouvoir ainsi durablement le développement démocratique du pays.

Le Parti démocratique des Peuples (HDP) a annoncé sa déclaration intitulée « Appel à la démocratie, à la justice, à la paix » qui comprend une feuille de route pour le parti et des perspectives de solutions aux problèmes fondamentaux de la Turquie.

La déclaration est le résultat d’une série de réunions tenues par le parti pour discuter et déterminer la voie du HDP pour le prochain exercice dans le cadre de sa campagne intitulée « Nous sommes le HDP, nous sommes partout ». La déclaration est basée sur des évaluations effectuées par les comités du parti, ses électeurs et ses partenaires dans la lutte pour la démocratie.

Les membres de l’assemblée du parti HDP, les membres de son conseil exécutif central, les membres des assemblées des femmes et des jeunes, les députés et d’autres représentants élus, ainsi que les représentants du HDK (Congrès démocratique des Peuples), du DTK (Congrès pour une société démocratique) et des partis constitutifs du HDP ont participé à l’événement dans un hôtel du district de Çankaya, à Ankara.

La déclaration lue par les coprésidents du HDP, Pervin Buldan et Mithat Sancar, est la suivante:

« En tant que Parti démocratique des Peuples (HDP), nous avons visité toutes les régions du pays – villages, villes et provinces – au cours des derniers mois et avons tenu des réunions avec des citoyens de tous horizons – travailleurs, femmes, jeunes, commerçants, leaders d’opinion, représentants de la société civile et organisations démocratiques – afin de discuter et trouver des solutions aux problèmes politiques, économiques et sociaux, en vue de construire un pays démocratique.

Nos peuples sont opprimés dans un contexte de crises multiples et entremêlées, telles que la pandémie de coronavirus, les inondations, les incendies, la sécheresse, le chômage, le coût élevé de la vie, la pauvreté, la corruption, le manque de logements pour les étudiants universitaires, le racisme, la discrimination, le sexisme, les interdictions, la tyrannie et la violence. Nous avons écouté les cris de nos peuples qui sont étouffés par le gouvernement ainsi que leurs propositions de solutions pour surmonter ces crises.

Nous avons constaté que nos peuples sont plein d’espoir et qu’ils sont déterminés à ne pas céder à l’oppression, à transformer la crise en une opportunité pour bâtir l’avenir, à trouver des solutions aux problèmes politiques, économiques et sociaux, et à ouvrir la voie vers la démocratie.

Nous avons déterminé qu’à un moment où la société est presque asphyxiée et où les dégâts sont importants dans de nombreux domaines, de l’économie à la politique, l’attente générale, le besoin et la demande du peuple sont centrés sur un changement et une transformation démocratiques urgents.

Nous avons noté que la période et les élections à venir sont considérées par notre peuple comme l’un des tournants les plus importants pour l’établissement d’une république démocratique. Nous avons également constaté que notre peuple considère les élections à venir comme un nouveau départ, et une occasion d’ouvrir des voies démocratiques pour résoudre les problèmes existants.

Le fait que de nombreux segments de la société soulignent que le HDP est la clé du nouveau départ démocratique avec son approche de concertation et la nécessité pour le HDP d’assumer et de remplir le rôle d’un acteur politique fondateur et d’une force de solution augmente notre responsabilité.

◼Pour les élections législatives, sous la devise «  Alliance pour la démocratie » et sur la base d’une compréhension d’une alliance des peuples et de la paix, de la solidarité des femmes et de l’écologie, nous sommes déterminés à élargir le terrain de la lutte collective et à réaliser l’alliance la plus large avec l’opposition sociale et politique et les mouvements ouvriers, de femmes et de jeunes, et nous restons engagés à maintenir notre forte marche sur ce chemin. Nous soulignons ouvertement que nous ne cherchons pas à trouver une place dans une autre alliance [que l’Alliance pour la démocratie] pour les élections parlementaires.

Nous voulons changer le système présidentiel ainsi que les structures qui l’alimentent, qui, selon nous, cherchent à institutionnaliser et à rendre permanents l’arbitraire et la tyrannie et qui sont donc la raison principale des multiples crises et de l’impasse auxquelles nous sommes confrontés. Notre objectif est de remplacer ce système autoritaire et moniste, qui remet tous les pouvoirs et le pouvoir de décision ultime à un seul homme, par une démocratie forte, un système démocratique pluraliste.

◼ Dans ce contexte, la situation contemporaine nécessite de parvenir à un consensus de principe pour les élections présidentielles, car les électeurs du HDP ont un rôle clé dans la détermination de l’avenir du pays. Que le candidat à la présidence soit affilié ou non au HDP, nous pensons qu’il faut discuter des principes et des méthodes plutôt que des noms des candidats potentiels. La transformation démocratique ne peut pas être réalisée par des individus ; cette transformation viendra des négociations et de la recherche d’un consensus sur les principes et les méthodes. Le président élu ne peut remplir correctement son rôle et sa fonction que sur cette base.

Il est de notre responsabilité politique de partager avec tous les acteurs politiques et le grand public les principes de la période de transition à venir, principes qui englobent les observations susmentionnées.

1. UNE DÉMOCRATIE FORTE : Nous pensons que le besoin fondamental de la Turquie est de parvenir à une démocratie forte basée sur les principes de participation, de négociation et de consensus démocratique, où les libertés et les droits fondamentaux universels sont garantis de la manière la plus large possible. Dans ce cadre, nous envisageons un système parlementaire démocratique qui garantit un parlement pluraliste doté de larges pouvoirs, assure la séparation des pouvoirs et met en œuvre un système efficace de freins et de contrepoids.

Une démocratie forte exige également une compréhension de la subsidiarité et du gouvernement local. C’est pourquoi le principe de la séparation des pouvoirs doit être élargi de manière à inclure les gouvernements locaux ; les pouvoirs et les ressources doivent être délégués aux gouvernements locaux ; et les mécanismes de participation locale doivent fonctionner pleinement dans une démocratie locale forte. Il serait impossible de construire une démocratie forte sans ces éléments.

2. UN SYSTEME JUDICIAIRE IMPARTIAL ET INDEPENDANT : Le pouvoir judiciaire est sous la tutelle de l’exécutif. La coalition au pouvoir a détruit la justice dans tous les sens du terme en redessinant la politique et la société à travers le pouvoir judiciaire, tout en transformant ce dernier en un instrument pour liquider l’opposition. C’est pourquoi tous les procès, les condamnations et leurs conséquences motivés par des raisons politiques doivent être annulés, car il s’agit d’une nécessité pour restaurer la justice et la paix sociale. Pour réparer les injustices et redresser les torts, il est également urgent de se conformer aux décisions et recommandations des institutions internationales, en premier lieu celles de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et du Comité pour la prévention de la torture (CPT), concernant les violations des droits, les conditions de détention illégales, l’isolement cellulaire, etc.

3. LA VOLONTÉ DU PEUPLE AU LIEU DU RÉGIME DE TUTELLE : Des amendements juridiques doivent être introduits de toute urgence pour mettre fin au régime des administrateurs qui a pénétré de nombreuses institutions, des collectivités locales aux universités, en passant par les organisations de la société civile, qui viole le droit d’élire et d’être élu, qui usurpe la volonté du peuple et qui ignore la justice électorale. Des mesures doivent également être prises pour réparer les dommages infligés par ce régime et les droits des victimes de la tutelle doivent être rétablis.

4. UNE RÉSOLUTION DÉMOCRATIQUE DE LA QUESTION KURDE : La question la plus profondément enracinée que la Turquie doit résoudre est la question kurde. Le HDP s’engage à une résolution démocratique et à la paix et est prêt à faire tout ce qu’il peut, à assumer un rôle constructif qui prend en considération les problèmes et les préoccupations de tous les segments de la société en Turquie. L’établissement d’un dialogue avec les interlocuteurs pour la résolution de ce problème est directement lié et imbriqué dans la démocratisation de la république. Au lieu de politiques de déni et de répression, il faut prendre des mesures pour une résolution démocratique et pacifique. Le Parlement doit jeter les bases du dialogue et de la résolution et, en utilisant des méthodes de négociation démocratique, il doit faciliter et être au centre des efforts pour gagner l’avenir de la société dans son ensemble. Dans cette perspective, tous les droits universels liés à l’identité (au premier rang desquels le droit à la langue maternelle) doivent être garantis par l’introduction des dispositions légales nécessaires.

En lieu et place des politiques de guerre et de conflits, les options de dialogue et de négociation s’imposent d’un point de vue historique, et sont à ce titre d’une importance vitale. Pour cela, en tenant compte des intérêts des peuples de Turquie et de leur avenir, chacun doit faire les sacrifices nécessaires et agir. Nous avons pour principe de résoudre nos différends par la discussion, par la négociation et par le dialogue, plutôt que par la violence.

5. UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE PACIFIQUE : Les stratégies qui sont favorables à la paix chez nous, dans la région et dans le monde et qui sont fondées sur une coopération à long terme devraient être la base de la compréhension de la politique étrangère de la nouvelle ère. Il est dans notre intérêt à tous de nous éloigner des politiques aventureuses fondées sur la guerre et les conflits, et sur la démonstration de la puissance militaire avec d’autres pays, surtout avec nos voisins. Au lieu de cela, nous devons poursuivre une diplomatie forte et fondée sur des principes, le dialogue et des politiques pacifiques basées sur l’amélioration des relations dans tous les domaines.

6.  LIBERTÉ ET ÉGALITÉ POUR LES FEMMES :  Les droits relatifs à l’égalité des sexes et à la liberté des femmes doivent être garantis par tous les moyens possibles et, pour parvenir à l’égalité de représentation, la pratique de la coprésidence doit être davantage diffusée. En même temps, il est nécessaire de lutter contre la violence masculine systématique envers les femmes et contre les féminicides. La réintégration de la Convention d’Istanbul et sa mise en œuvre complète, l’élimination des obstacles politiques, administratifs, économiques et culturels à l’égalité des sexes sont parmi les premières mesures urgentes à prendre.

7. L’ÉQUITÉ DANS L’ÉCONOMIE : Il est impératif de mettre en œuvre des politiques qui permettront d’éradiquer la précarité et le découragement créés par la crise économique. Dans le but d’augmenter l’emploi et d’assurer une distribution équitable des richesses, un « Programme de distribution équitable » qui éradiquera le chômage et la pauvreté est le plus grand besoin social. Les ressources budgétaires devraient être mobilisées pour atteindre le bien-être économique du peuple plutôt que pour les palais, les guerres et les alliés. Les besoins primaires, tel que l’électricité, le gaz naturel, l’eau et l’internet devraient être fournis gratuitement dans le cadre d’un « Programme de droits sociaux » qui devrait être étendu à ceux qui en ont besoin. Résoudre les problèmes des personnes retraités, la dette des étudiants et des enseignants qui n’ont pas été nommés à un poste, sont les besoins urgents de la société. L’amélioration des conditions de vie des retraités, l’allègement de la dette des agriculteurs accumulée en raison de politiques inadéquates, le soutien aux commerçants dont l’activité a été touchée de plein fouet durant la pandémie sont quelques-unes des premières mesures qui doivent être prises. Il est également impératif de mettre en œuvre des politiques visant à éradiquer la pauvreté des femmes et à garantir leur participation active au marché du travail. La syndicalisation, la négociation collective et le droit de grève doivent également être assurés, conformément aux normes universelles.

8. LE MERITE DANS L’ADMINISTRATION PUBLIQUE : L’administration publique ne doit pas être le domaine de recrutement sympathisant/allié sous le monopole du bloc au pouvoir. Les griefs de ceux qui sont expulsés de la fonction publique pour des motifs politiques et des décrets-lois devraient être traités, toutes sortes de discriminations dans le recrutement et les nominations publiques devraient être arrêtées et le mérite devrait être la seule base.

9. RESPECT DE LA NATURE : L’état d’urgence doit être annoncé face à la crise climatique. Les projets (en premier lieu le projet du Canal d’Istanbul) qui entraînent une exploitation effrénée de la nature et de l’environnement, qui endommagent les forêts, les zones agricoles et les rivières à des fins lucratives, qui bouleversent l’équilibre écologique doivent être stoppé. Les politiques liées à l’énergie, aux transports, à l’urbanisation et à l’agriculture doivent être fondées sur une approche axée sur les droits de la nature. Le droit à la vie de chaque être vivant au sein d’un écosystème sain devrait être garanti par l’élaboration de politiques efficaces. C’est n’est qu’ainsi que les incendies de forêt et les inondations pourront être évités.

10. LIBERTÉ POUR LA JEUNESSE : Les préférences de vie des jeunes doivent être respectées. Ceux-ci doivent pouvoir s’exprimer et vivre librement. Pour ce faire, toutes les barrières dans les domaines économique, social et politique doivent être éradiquées, en mettant l’accent sur l’éducation et la culture. Les lacunes du système éducatif doivent être traitées et améliorées. Cela est indispensable pour une vie libre et sûre. Les jeunes doivent également être soutenus économiquement, ils doivent être inclus dans l’administration dans tous les domaines, ce qui aidera les idées créatives et progressistes à s’implanter dans la société.

11. UNE CONSTITUTION DEMOCRATIQUE : Une constitution civile, libertaire et nouvelle, un contrat social dans le vrai sens du terme sera le signe avant-coureur d’un nouveau départ et le couronnement de la démocratisation en Turquie. Cette constitution devrait se fonder sur l’égalité des citoyens dans le respect des différentes cultures, identités, croyances, langues maternelles et modes de vie, ainsi que sur un mode de vie laïque. La rédaction de la constitution devrait inclure tous les segments de la société et être guidée par une méthode basée sur la participation démocratique et la négociation sociale.

UN APPEL À LA DÉMOCRATIE, À LA JUSTICE ET À LA PAIX…

À la lumière de ces principes, nous partageons avec le public notre vision de la nouvelle période et le type d’approche administrative que nous souhaitons voir.

L’objectif principal et l’engagement du HDP à la lumière de ces principes de la période de transition sont une démocratie forte, un système judiciaire à la hauteur des normes universelles et une paix sociale durable. En faisant de la démocratie et de la paix un objectif stratégique et un programme, nous pouvons parvenir à une république démocratique et sociale.

Nous insistons sur le fait que le HDP est prêt à parler et à négocier avec tous les partis sociaux et les acteurs politiques qui sont en faveur de la mise en œuvre des principes cités ci-dessus, à marcher ensemble avec eux et nous restons prêts pour une lutte et une administration commune.

C’est notre appel à toutes les institutions, organisations et partis qui se soucient de l’avenir brillant de la Turquie, ainsi qu’aux citoyens individuels. Assumons tous ensemble nos responsabilités. Au lieu des intérêts personnels et du pragmatisme partisan, faisons en sorte que le bon sens et la construction commune soient nos principes directeurs. Les peuples de Turquie ne sont pas obligés d’accepter des politiques et des administrations qui ne produisent pas de solutions, qui s’éloignent du bon sens, ni la discrimination, ni les discours de haine et ni la polarisation sociale.

Tous ensemble pour la démocratie !

Tous ensemble pour la justice !

Tous ensemble pour la paix ! »