Déclarant qu’un nouveau processus militaire et politique avait émergé en Syrie, le commandement général des FDS s’est dit prêt à trouver une solution : « Nous sommes en contact avec toutes les forces. Nous riposterons sévèrement à toute attaque. »
Le commandement général des Forces démocratiques syriennes (FDS) a tenu ce vendredi une conférence de presse à Hassaké. Mazlum Abdi, commandant général des FDS, et Rohilat Efrîn, commandante des Unités de protection des Femmes (YPJ), ont répondu aux questions des journalistes concernant les récents développements en Syrie.
Pour commencer, Mazlum Abdi a donné des informations sur la situation actuelle à Şêxmeqsûd (Sheikh Maksud) et Eşrefiyê (Ashrafia). Dans ces deux quartiers kurdes autogérés du nord d’Alep, environ 250 000 personnes sont actuellement prises en étau entre le groupe djihadiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS) et la formation pro-turque Armée nationale syrienne (ANS) : « Dans ces deux quartiers, a déclaré Abdi, nos forces locales et la population résistent courageusement. Nous souhaitons que la question y soit résolue par le dialogue. Nous poursuivrons nos initiatives pour que les populations kurdes de Şêxmeqsûd et d’Eşrefiyê puisse rester, vivre avec leur propre identité et faire partie d’une nouvelle Alep. »
Défense de Manbij
Par ailleurs, Abdi a fait référence aux menaces continues de la Turquie contre la région autonome du nord et de l’est de la Syrie. Manbij, en particulier, se trouve de plus en plus dans la ligne de mire de l’envahisseur turc. « Nous avons déjà fait savoir à plusieurs reprises par le passé que nous souhaitions résoudre les conflits avec la Turquie par le dialogue. Les troupes de la coalition internationale anti-EI tentent ici de contribuer à l’apaisement des tensions. Nous sommes néanmoins préparés à d’éventuelles attaques contre Manbij ou d’autres villes du nord et de l’est de la Syrie. Les FDS sont en mesure de protéger la population. »
L’EI profite du vide sécuritaire
Abdi a également mis en garde contre une résurgence de la milice terroriste « État islamique » (EI). Dans certaines régions d’où les troupes gouvernementales syriennes se sont retirées face aux offensives djihadistes du HTS et de l’ANS, un « grand vide sécuritaire » s’est créé. « Ce vide est comblé par l’EI. Nous avons reçu des informations selon lesquelles la milice se reconstitue dans de nombreuses localités et intensifie ses attaques. En tant que FDS, nous prenons des contre-mesures pour défendre les habitants de Deir ez-Zor, Raqqa et Tabqa. Nous échangeons avec les forces de la coalition pour faire face à la menace de l’EI. Il est toutefois nécessaire de renforcer encore cette coordination. Dans le camp d’Al-Hol aussi, on assiste à une intensification des activités de l’EI ».
Le nord et l’est de la Syrie doivent être inclus dans les négociations pour une solution
La prise d’Alep, de Hama et de Tall Rifat par une invasion djihadiste orchestrée par la Turquie a ouvert une nouvelle page dans l’histoire de la guerre en Syrie, a-t-il ajouté. Abdi a souligné que les développements actuels mettaient en évidence la nécessité de trouver enfin une solution politique, treize ans après le début de la guerre civile. Le commandant général des FDS a souligné que les initiatives précédentes visant à régler le conflit n’avaient pas porté leurs fruits en raison de l’exclusion du nord et de l’est de la Syrie des négociations. « Nous voulons une solution politique pour la Syrie et demandons l’intégration de l’administration autonome dans les négociations correspondantes. Ce n’est que si toutes les parties se parlent qu’une solution pourra être trouvée pour toute la Syrie. Ce point de vue est également partagé par les représentants de l’ONU, avec lesquels nous avons des échanges ».
Négociations avec le HTS sur Alep
Abdi s’est également exprimé sur les discussions en cours avec différentes forces dans la région et a déclaré qu’un échange intensif avait lieu avec la Russie, l’Irak, les États-Unis et d’autres pays. Des négociations sont actuellement en cours avec le HTS sur l’avenir de la population kurde d’Alep. « Jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’affrontements armés entre nos forces. Mais, aujourd’hui, un nouveau processus s’est développé avec la prise de contrôle de vastes régions du pays par le HTS. Ce qui nous inquiète, c’est que cette invasion s’étende à nos régions. Nous surveillerons de près le comportement du HTS et attendrons de voir s’ils tiennent leurs promesses. Si des attaques devaient toutefois avoir lieu, de quelque côté que ce soit, nous défendrons nos régions, nous sommes prêts à le faire militairement. Il est toutefois important que les tensions soient apaisées. Il doit y avoir un cessez-le-feu général. Nous devons résoudre nos problèmes par des moyens politiques. »
Évacuation de Shehba
Concernant la situation de la population bloquée dans la ville occupée de Tall Rifat et dans d’autres zones de Shehba, Abdi a déclaré que les FDS déployaient de grands efforts pour évacuer ces personnes. Un grand nombre de personnes vivant dans la région envahie par la formation pro-turque ANS ont pu être évacuées ces derniers jours vers les zones gérées par l’Administration autonome du nord-est de la Syrie (AANES) via un corridor humanitaire mis en place par les FDS. Mais plusieurs milliers de personnes restent bloquées, les mercenaires pro-turcs les empêchant de quitter la région. En outre, des informations font état d’enlèvements et d’exécutions. « Nous espérons pouvoir terminer l’évacuation de Shehba et de Tall Rifat dans la journée », a déclaré le commandant général des FDS.
Appel à Assad
Abdi a lancé par ailleurs un appel au gouvernement de Damas, lui demandant de faciliter une solution politique à la crise syrienne, ce qui inclut également une solution à la question kurde : « La solution n’est plus uniquement entre les mains du gouvernement syrien. Il y a plusieurs facettes à la solution. Il doit le reconnaître. Damas doit abandonner son attitude de refus et ne plus bloquer le processus de dialogue. Du côté de la communauté internationale et des Nations unies, il faut un engagement pour une solution politique sérieuse et une paix durable, avec l’AANES à la table des négociations. Nous ferons tout ce qui est nécessaire pour éviter la désintégration de la Syrie ».
Combattantes kurdes kidnappées
La commandante générale des YPJ, Rohilat Efrîn, s’est exprimée lors de la conférence de presse sur les femmes de Şêxmeqsûd et d’Eşrefiyê enlevées par les djihadistes de l’ANS. Parmi elles se trouvent des combattantes d’un groupe autonome de lutte féminine connu sous le nom d’« Unité Şehîd Jiyan Tolhildan », a-t-elle indiqué. Des tentatives de libération des otages seraient en cours. Mais on ne sait pas encore combien de personnes se trouvent entre les mains des islamistes.
« La Turquie et les groupes djihadistes qui lui sont liés sont misogynes », a déclaré Efrîn. Elle a ajouté que les YPJ et d’autres forces de la région se réservaient le droit de riposter si les otages n’étaient pas libérées. La commandante a qualifié les enlèvements de crimes de guerre, demandant une enquête de la Cour pénale internationale (CPI). Rohilat Efrîn a appelé la population à renforcer son organisation. Les récentes reconstitution des cellules de l’EI en particulier ont rendu nécessaire la consolidation de l’autodéfense.