Désormais le moment est venu de faire la paix entre les Kurdes et l'État turc. Ne le gâchons pas
Cemil Bayik, Coprésident du Conseil exécutif de l'Union des Communautés du Kurdistan (KCK).

Intervenant dans l’émission « Rojeva Welat », diffusée sur la chaîne de télévision kurde Stêrk TV, le Coprésident du Conseil exécutif de l’Union des Communautés du Kurdistan (KCK), Cemil Bayık, s’est penché sur plusieurs sujets d’actualité, notamment les rencontres du leader kurde emprisonné Abdullah Ocalan avec ses avocats et les incursions de la Turquie en Syrie et en Irak.

« Ils ont été contraints de faire un pas »

Cemil Bayik a déclaré que les grévistes de la faim, soutenus par le peuple kurde et ses amis, avaient atteint leur objectif. Il a ajouté que l’isolement d’Ocalan visait le peuple du Kurdistan et toutes les forces démocratiques, et qu’ainsi la relation entre l’isolement et la démocratie avait été démontrée. 

Toujours d’après Bayik, la fin du fascisme en Turquie, la démocratisation du pays ainsi que la résolution des problèmes sociaux et économiques sont liées à la levée de l’isolement. Évoquant les grèves de la faim menées, à l’initiative de la Députée kurde Leyla Guven, du 7 novembre 2018 au 26 mai 2019, pour rompre le régime d’isolement imposé à Ocalan sur l’île-prison d’Imrali, le dirigeant du KCK à dit ceci : « La poursuite de l’isolement était illégale. Les grévistes de la faim ont prouvé à tous que leur action était légitime. C’était une défense contre les attaques, l’injustice et les violations des droits. C’était une action légitime et juste qui s’est renforcée au fil des jours. Tout le monde s’est retrouvé dans cette lutte et s’en est accaparé. »

Et d’ajouter : « Cette action a aussi poussé la Turquie et ses partisans dans leurs derniers retranchements. Ils ont été contraints d’autoriser les visites des avocats. Si l’on considère la déclaration du ministère de la Justice, les visites des avocats et du CPT, il en émane une conclusion : certaines puissances étrangères ont également demandé la fin de l’isolement. La Turquie a été forcée de faire un pas ». 

L’absence de lien avec les élections 

Cemil Bayik a déclaré que les entretiens avec Ocalan n’avaient rien à voir avec les élections municipales qui seront réorganisées à Istanbul le 23 juin, mais qu’on les présentait ainsi pour créer la confusion dans certains milieux kurdes, en vue des élections. 

Soulignant que les Kurdes seraient aux côtés de celles et ceux qui souhaitent résoudre le problème kurde, se dresser contre le fascisme et en finir avec la coalition AKP-MHP, il a déclaré : « Le HDP [Parti démocratique des peuples, ndlr] a suivi une stratégie démocratique pendant les élections et a obtenu un résultat. La ligne politique suivie par le HDP vise à mettre fin à la politique de négation et de destruction, et permettre le vivre-ensemble de tous. C’est pour cette raison que le HDP est attaqué. Des maires et conseillers municipaux du HDP élus dans les villes et les villages n’ont pas été acceptés par le gouvernement de l’AKP. La volonté du peuple est ignorée. Les administrateurs désignés par l’AKP remplacent les maires des villes et villages. Ils mènent une politique de guerre contre les Kurdes. Le peuple kurde et les forces démocratiques doivent le savoir. 

Les municipalités gagnées par le HDP sont usurpées. Dans certaines régions, le YSK [Haut Conseil électoral turc, ndlr] n’a pas accepté la volonté exprimée par le peuple kurde lors des élections du 31 mars. Au Kurdistan, ils se sont emparé des municipalités avec les troupes armées et les policiers. Si une opposition s’était tenue contre eux, les élections à Istanbul n’auraient pas été annulées. Pour que la Turquie ne s’enfonce pas dans plus de dangers, les forces kurdes et démocratiques doivent unir leur volonté. Le fascisme doit être combattu. Ils [la coalition AKP-MHP] ne veulent pas donner Istanbul aux forces de la démocratie. Ils vont également tenter de s’emparer de municipalités du Kurdistan. Dès maintenant ils font ce travail. Devant certaines municipalités, ils ont installé des appareils. Ils ont mis la police et les troupes partout. Chaque jour, ils licencient des personnes, les privent de leurs mandats. Ils vont continuer cette politique d’accaparement via les administrateurs. Il va falloir s’opposer à cette politique par des actions sociales.  

La Turquie doit quitter la région d’Afrîn 

Le Coprésident du conseil exécutif du KCK a souligné que Ocalan et le PKK constituent une force stratégique, non seulement dans la politique du Kurdistan, mais également dans celle du Moyen-Orient. Il a rappelé que la grande guerre dans laquelle se trouve le peuple kurde créé beaucoup de problème. C’est pourquoi, selon lui, Ocalan a attiré l’attention sur certains points concernant le problème syrien : « Sans le leader Apo et les Kurdes, il est très clair que le problème syrien ne serait pas résolu. Le chef Apo a de nouveau déclaré qu’il souhaitait résoudre le problème syrien par la négociation. À la suite de sa déclaration, les entretiens entre la Syrie et la Turquie se sont intensifiés. C’est la Turquie qui mène une guerre contre le peuple kurde et la Syrie. Voilà pourquoi la Turquie doit changer sa politique, quitter la région d’Afrîn, mettre un terme à l’occupation. Elle doit mettre fin à la menace à l’est de l’Euphrate, et accepter la fraternité des peuples de Syrie et le système démocratique qui y est établi. Si la Turquie met fin à tout cela, les problèmes de la Syrie seront résolus très aisément. Une Syrie démocratique pourra se développer. » 

M. Bayik a également souligné que la Turquie s’entêtait dans sa politique et qu’il était inacceptable que les relations entre elle et la Syrie se développent contre les kurdes et le système démocratique qu’ils ont établi. Il a ajouté qu’entre la Turquie et la Russie, il y avait même des négociations concernant Afrin, Idlib, Til Rifat, Alep. Il a appelé la Russie à mettre fin à cette « affaire sale », et à accepter le système établi. 

Pas de réponse du KRG

Rappelant que l’utilisation d’avions de surveillance par l’Etat turc contre le mouvement de libération kurde dépend du consentement du Gouvernement régional du Kurdistan d’irak (KRG) , Cemil Bayık a déclaré: « Il est évident qu’il a été donné à l’Etat turc la possibilité de le faire. Tout le monde sait que les avions de reconnaissance partent du sud. Si le gouvernement du sud-Kurdistan ne permet pas cette possibilité à la Turquie et qu’elle ne le soutient pas, il doit le déclarer à la population. Nous attendons la réponse à cette question, mais jusqu’à présent, aucune réponse n’a été donnée. Lorsque l’avion de reconnaissance est tombé, la Turquie a bombardé cet endroit pour que les documents ne soient pas découverts. Le Sud-Kurdistan ne devrait pas aider la Turquie, ne devrait pas donner les informations du PKK et du peuple kurde. Il devrait faire un pas pour la fraternité des Kurdes. Tout le monde sait que la Turquie est hostile aux Kurdes. Son soutien à la Turquie conduit à l’affaiblir de plus belle, l’obligeant à entrer dans plus de danger. Ils doit mettre fin à cette politique dès que possible. Notre peuple doit faire pression pour l’unité kurde. » 

M. Cemil Bayık, a déclaré que l’ennemi du PKK était un ennemi des Kurdes, soulignant qu’on ne pouvait pas se dire « au service du peuple kurde » et servir l’État turc. « Personne ne devrait entrer au service de l’état turc envahisseur ni contrarier les Kurdes », a-t-il averti.

La Turquie introduite à Kirkouk par le KRG

D’après Bayik, le KRG a permis à l’Etat Turc de s’infiltrer dans plusieurs lieux, tels que Kirkouk, allant même jusqu’à lui fournir un soutien politique et économique. « La préparation à Kirkouk d’une force armée contre le PKK ne vise pas seulement le PKK, mais aussi les Kurdes », a-t-il déclaré à cet égard.

Et de poursuivre : « Les peuples du Sud devraient bien comprendre cela et soulever la lutte pour l’unité des Kurdes. Nous sommes prêts à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour résoudre la question kurde et accroître les acquis kurdes. Quand DAESH a attaqué, nous avons mobilisé nos forces, tout le monde le sait. Depuis cela, nous sommes avec notre peuple du Sud-Kurdistan ». 

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