L’avocat Zeki Binbir, co-porte-parole de la Commission prisons de l’Association des avocats pour la liberté (ÖHD), dénonce les pratiques illégales des conseils d’administration et d’observation dans les prisons turques, qui bloquent arbitrairement la libération des prisonniers politiques ayant pourtant purgé les trois quarts de leur peine.
En Turquie, les prisons continuent d’être au cœur de graves violations des droits humains. Loin de se limiter aux conditions de détention, ces violations prennent désormais la forme d’un système d’exécution des peines détourné de son cadre légal. Selon les chiffres disponibles, 103 179 personnes voient actuellement leur libération différée sans justification valable. Cette situation découle directement du fonctionnement des conseils d’administration et d’observation instaurés dans le cadre de la loi de 2020 sur l’exécution des peines.
Zeki Binbir dénonce notamment les interrogatoires auxquels sont soumis les prisonniers politiques : « On leur demande s’ils reconnaissent le drapeau turc, s’ils obéissent à l’État ou encore s’ils regrettent leurs actes. Ces questions ne visent qu’à imposer une soumission politique. » Selon lui, des motifs aussi futiles que « ne pas utiliser l’eau correctement » ou « emprunter trop peu de livres » sont invoqués pour prolonger l’incarcération.
Une seconde peine dans la peine
Les décisions de ces conseils visent particulièrement les prisonniers détenus depuis plus de 30 ans. « Les conseils imposent une forme de repentir », affirme Binbir. « Ils agissent comme une seconde juridiction, sans fondement légal. C’est une justice parallèle, une peine dans la peine. »
Binbir attire notamment l’attention sur la prison de haute sécurité d’Erzincan, où de nombreux cas récents montrent que la libération conditionnelle est systématiquement bloquée pour les prisonniers politiques, à moins qu’ils n’expriment explicitement leur repentance.
Une atteinte au droit, un objectif politique
Pour l’avocat, cette politique répressive vise clairement les prisonniers kurdes et s’inscrit dans une stratégie plus large de marginalisation politique. « L’État cherche à faire taire les prisonniers politiques en bloquant leurs droits fondamentaux », estime-t-il. « Cette pratique ne s’applique qu’aux prisonniers politiques, ce qui montre bien sa nature discriminatoire. »
« L’État doit agir »
Revenant sur l’appel lancé par Abdullah Öcalan le 27 février, Binbir souligne que « ce processus a ouvert une opportunité de résolution politique, mais il ne pourra avancer sans mesures concrètes ». Selon lui, « l’État doit désormais faire un pas décisif : reconnaître le droit à l’espoir de M. Öcalan, garantir sa liberté et libérer immédiatement les prisonniers gravement malades ainsi que ceux incarcérés depuis plus de trois décennies ».
« La société civile résiste à ces injustices. Mais c’est désormais à l’État de prendre ses responsabilités », conclut-il.