Pour que la décision de mettre fin à la lutte armée devienne effective, la Turquie doit nécessairement procéder à des réformes législatives, déclare Murat Karayilan, membre du Comité exécutif du PKK, lors de son discours d'ouverture du 12e congrès de l’organisation.
Murat Karayilan, membre du comité exécutif du PKK, prononçant le discours d'ouverture du 12e congrès de l'organisation le 5 mai

Pour que la décision de mettre fin à la lutte armée devienne effective, la Turquie doit nécessairement procéder à des réformes législatives, déclare Murat Karayilan, membre du Comité exécutif du PKK, lors de son discours d’ouverture du 12e congrès de l’organisation.

Murat Karayılan, membre du comité exécutif du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), a prononcé le discours d’ouverture du 12e congrès de l’organisation, qui s’est tenu au Sud-Kurdistan (nord de l’Irak) entre le 5 et le 7 mai. Il a déclaré que la fin de la lutte armée n’était pas une fin, mais un nouveau départ. Nous publions ici des extraits de cette intervention de Karayılan.

Le président Öcalan n’a jamais renoncé à la transformation et au changement

Le premier cessez-le-feu a été déclaré en 1993, mais des éléments de l’État profond sont intervenus. Turgut Özal, Eşref Bitlis et toute leur équipe ont été éliminés. Dès les années 1990, le président Abdullah Öcalan a cherché à initier un changement. Bien que certains changements politiques se soient produits, tous ses efforts pour mettre en œuvre une transformation organisationnelle ont été contrés par des attaques de l’État. Les tentatives faites en 1995 et 1996 ont également échoué. Des lettres ont été échangées avec Necmettin Erbakan, mais lui aussi a finalement été écarté. Comme on le sait, le cessez-le-feu déclaré en 1998 a été suivi de la conspiration internationale du 15 février 1999, lorsque le président Öcalan a été enlevé au Kenya. Néanmoins, celui-ci est resté ferme dans son engagement en faveur de la transformation. Il n’a jamais abandonné. En 1999, le conflit armé a pris fin et, en 2002, le PKK a été dissous. L’objectif était la transformation, le début d’une nouvelle phase. Cependant, cela s’est heurté à une intervention plus large, à des efforts de liquidation et à de graves menaces contre le mouvement, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Une autre phase du complot a été mise en œuvre.

Tout comme ils avaient cherché à détruire le mouvement en capturant le président Öcalan le 15 février 1999, ils ont ensuite tenté d’atteindre le même objectif par une liquidation interne. Leur but était de séparer le mouvement de la ligne du président Öcalan et de l’éloigner de sa vision. En conséquence, le président Öcalan a été une fois de plus contraint de reconstruire le PKK. C’est dans ces circonstances qu’est apparu le Comité pour la reconstruction du PKK. Son objectif était d’offrir une solution à la crise en cours et d’éliminer les éléments liquidateurs. Comme tous les efforts de transformation, de changement et de résolution s’étaient heurtés à des approches liquidatrices, l’initiative historique du 1er juin 2004 a été lancée.

Les efforts qui ont suivi entre 2009 et 2013-2015 ont également été la cible d’attaques du gouvernement du Parti de la justice et du développement (AKP) et de l’État. C’est pourquoi la transformation que le président Öcalan avait l’intention de mettre en œuvre dans les années 1990 n’a pas pu se réaliser. La raison principale en est les attaques de l’État. L’État a utilisé ces phases de transformation et de changement comme des occasions pour tenter de liquider le mouvement. La deuxième raison, c’est nous-mêmes. Nous n’avons pas été en mesure de répondre aux efforts de transformation et de changement du président Öcalan tels qu’il les envisageait. Nous avons tout laissé en suspens et n’avons pas réussi à mener à bien la transformation nécessaire. Nous sommes devenus partie prenante de cette impasse. Telles sont les principales raisons.

Le plan visant à forcer la reddition n’était pas seulement celui de la Turquie, il était également soutenu par l’OTAN

Naturellement, toutes les questions non résolues du socialisme ont été examinées à la lumière de l’expérience du PKK et de la cause kurde. Cela a conduit à l’élaboration d’une nouvelle ligne idéologique. Entre 2003-2004 et la cinquième phase de défense en 2010-2011, le président Öcalan a développé un nouveau paradigme : la construction d’une modernité démocratique contre la modernité capitaliste et l’établissement d’une nation démocratique et d’un socialisme social contre le socialisme national-étatiste. Cette nouvelle ligne ne pouvait plus être avancée sous l’influence du socialisme réel. Au cours des dix dernières années, en particulier après le processus d’Imralı, qui a été précédé par deux ans et demi à trois ans de pourparlers à Oslo, un consensus avait déjà été atteint. Bien que les protocoles aient été rédigés et présentés à l’État, le gouvernement turc a refusé de les accepter ou d’y répondre. L’accord de Dolmabahçe a connu le même sort par la suite. L’État a lancé son « plan pour forcer la reddition ». Mais ce plan n’a pas été conçu par la Turquie seule. S’il a été élaboré par l’État turc, il a été soutenu par l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Finalement, avec l’implication de l’OTAN, ils ont également constitué une faction kurde collaborationniste.

À la suite de la résistance pour l’autonomie démocratique dans les zones urbaines et de la résistance historique de 2016, et avec l’intervention extérieure, de nouvelles vagues de résistance ont eu lieu entre 2017 et 2019. De lourdes pertes ont été subies. L’ennemi a tenté de nous vaincre grâce à une technologie militaire supérieure. En réponse, nous avons développé nos propres techniques pour rivaliser avec leur puissance. Parmi les guérilleros du Kurdistan, un esprit de sacrifice s’est développé parallèlement à une transformation des méthodes et des tactiques. En conséquence, l’État turc s’est retrouvé dans une impasse et n’a pas atteint ses objectifs. Son but était l’anéantissement total, qu’il avait ouvertement déclaré. Il voulait proclamer la victoire lors du centenaire de la République, mais il a échoué. C’est pourquoi, au nom de l’État, Devlet Bahçeli a lancé un appel. Ils ont été contraints de chercher une autre voie. Le président Öcalan poussait depuis longtemps à la transformation. Il a lui-même déclaré qu’il s’était concentré intensément sur cet objectif au cours des dix dernières années. Il était prêt pour le changement. Le président Öcalan a vu dans la déclaration de Bahçeli une opportunité pour lancer le processus qu’il préparait depuis longtemps.

Résistance historique et lourdes pertes

La dissolution du PKK s’est produite dans ce contexte. Le président Öcalan a développé une nouvelle ligne, avançant le concept d’une nation démocratique parallèlement au socialisme démocratique et social. Sur cette base, une transformation était nécessaire. Le PKK devait évoluer. Il en allait de même pour les méthodes de lutte. La lutte armée a été menée officiellement pendant 41 ans. Du camarade Haki à Sara, Delal, Atakan, Adil, Nûda, Reşit, Rojin, les camarades Fuat et Rıza, et plus récemment nos camarades tombés au combat Gabar, Besê et Mitra, nous avons subi de lourdes pertes. Une résistance historique a été menée. Près de 35 000 cadres et combattants de la guérilla sont tombés en martyrs. Si l’on inclut les civils et les patriotes, le nombre de martyrs atteint 45 000 à 50 000. Un esprit de résistance unique s’est développé, rarement vu ailleurs dans le monde. Nous savons qu’il n’a pas d’équivalent dans la région ni au Moyen-Orient. Lorsque l’État islamique est apparu, les États ont fui, mais cet esprit, cette ligne de sacrifice de soi, a vaincu l’État islamique. Il a détruit leur soi-disant capitale. À partir de Kobanê, il a vaincu Daech partout où il est apparu.

La lutte armée a laissé un héritage considérable, une histoire légendaire écrite en lettres d’or. Elle fait désormais partie de l’histoire du Kurdistan et de l’humanité. Telle a été la résistance qui s’est manifestée. La guérilla du PKK a remporté des succès, même dans les années 1990. Plus tard, l’ennemi a tenté de la détruire, mais il a échoué. Le PKK a prouvé son invincibilité. C’est une force invincible. Mais l’invincibilité seule ne suffit pas, il faut aussi remporter la victoire. Cette étape n’a pas encore été franchie. Cette guerre a eu de nombreux résultats. Elle a surtout mis fin au génocide et fait passer le peuple kurde de l’inexistence à l’existence. Elle a créé un peuple capable de mener une lutte fondée sur la philosophie de la nation démocratique et du socialisme social. C’est sa plus grande réussite. Elle a également ouvert la voie à une solution politique. Sans le PKK, la guérilla, la résistance à Zap, la résistance apoïste et le travail dans toutes les régions du Kurdistan, sans les sacrifices de notre peuple et de nos amis, sans l’unité autour du président Öcalan, l’État se serait-il approché de lui ? Non. C’est la position significative, insistante et résistante du président Öcalan, la résistance de la guérilla et le sacrifice du peuple qui ont contraint l’État à se tourner vers lui.

L’appel du président Öcalan est un appel à construire la lutte d’une nouvelle ère

Devlet Bahçeli a fait sa déclaration au nom de l’État, ou du moins d’une aile de celui-ci. Il a déclaré : « Une menace plane sur la Turquie, nous devons donc garantir la paix à l’intérieur du pays ». L’appel du président Öcalan du 27 février est un appel historique, qui marque le début d’une nouvelle ère. C’est un appel à la transformation du socialisme national et à l’avancement de la nation démocratique et du socialisme social ; c’est un appel à évoluer vers le confédéralisme démocratique et le socialisme démocratique. Nous devons le comprendre et y répondre dans cet esprit. C’est un appel à développer la lutte d’une nouvelle ère.

Je sais que beaucoup de camarades appréhendent ce moment avec émotion, mais comme je l’ai dit, nous avons déjà connu des tournants similaires dans le passé. Pourtant, avec le temps et à mesure que la lutte progressait, nous avons vu la justesse des affirmations du président Öcalan. Il en va de même aujourd’hui. Le président Öcalan constate que les évolutions ont dépassé les limites précédentes. Il se concentre intensément sur cette base et prend des mesures concrètes. Cet appel et ce processus marquent une nouvelle période. Il revêt une importance historique non seulement pour le Kurdistan, mais pour toute l’humanité. Il dépasse désormais les frontières du Kurdistan. Pour que la modernité démocratique l’emporte sur la modernité capitaliste, nous devons maintenant nous libérer des chaînes qui nous entravent, celles qui nous confinent à n’être qu’une voix au sein du Kurdistan. C’est ce que nous demande le président Öcalan. C’est ainsi que nous devons comprendre la dissolution du PKK.

S’ils parlent de paix, ils doivent mettre fin à l’hostilité

Il ne fait aucun doute qu’aujourd’hui, la création d’un paradigme plus large et d’un socialisme social ne peut plus être réalisée par des moyens armés comme par le passé. Nous comprenons et reconnaissons la nécessité d’un changement de notre côté. Comme l’a déclaré le président Öcalan, en réalité, la durée de vie du PKK a effectivement pris fin dans les années 1990. La récente déclaration de Devlet Bahçeli a suscité des doutes, mais les efforts du président Öcalan, de notre martyr vénéré Sırrı Süreyya Önder et de la délégation d’Imralı, ainsi que leurs réunions avec des représentants de l’État, des acteurs politiques et des organisations de la société civile, ont jeté les bases de cette transformation. Le changement est une nécessité, il est inévitable. Ce congrès marquera des décisions historiques. La décision de dissolution sera probablement prise. Nous en sommes fermement convaincus. Pour que la décision de mettre fin à la lutte armée devienne effective, des réformes législatives sont indispensables. Comme l’a écrit de sa propre main notre martyr Sırrı Süreyya Önder et lu à haute voix lors de la conférence de presse historique du 27 février, la garantie juridique des droits politiques et démocratiques est essentielle.

Ce mouvement s’est défendu pendant des années par la lutte armée, mais il doit également croire aux lois, aux droits et à la constitution. Par conséquent, des mesures juridiques concrètes doivent être prises, des réformes doivent être mises en œuvre. S’ils parlent de paix interne, ils doivent également mettre fin à l’hostilité. Pourtant, les attaques se poursuivent. Les attaques chimiques se poursuivent. Les camarades Besê et Mitra ont été martyrisés le 11 avril à Girê Cûdî, dans la région de Zap, par des armes chimiques. Ces attaques persistent malgré notre déclaration de cessez-le-feu. L’État doit renoncer à sa politique de déni et d’anéantissement. Sans un changement de mentalité, sur quelle base la paix interne pourra-t-elle être établie ? Ceux qui prétendent rechercher la paix doivent d’abord abandonner la mentalité du déni et de l’anéantissement. Il doit y avoir une paix interne véritable. Les lois existantes sont des lois hostiles ; elles rejettent le peuple kurde et la société kurde. Par conséquent, seul un processus de réforme législative et constitutionnelle mené par l’État permettra à ce mouvement de mettre en œuvre le désarmement. Sinon, cela sera extrêmement difficile.

Pour que nous déposions les armes, l’État doit également inspirer confiance

L’objectif premier de tous, en particulier des guérilleros engagés dans la lutte armée, est la liberté physique du président Öcalan. Il est vrai que le président Öcalan attend certaines choses de nous en ce moment, et nous lui faisons pleinement confiance. Cependant, pour que nous puissions véritablement déposer les armes, nous devons également pouvoir faire confiance à l’État. À l’heure actuelle, l’approche de l’État turc n’inspire pas beaucoup confiance. Nous n’abordons pas cette question de manière étroite, rigide ou perpétuellement méfiante ; nous adoptons une position honnête et sincère. Avant tout, des réformes juridiques doivent être mises en place. Comme je l’ai mentionné précédemment, les bases ont déjà été partiellement jetées grâce aux efforts du président Öcalan, à la lutte de la délégation et aux sacrifices du mouvement. C’est pourquoi notre congrès pourrait prendre certaines décisions, même face à la position actuelle de l’État, où certains signaux sont négatifs et d’autres positifs.

Ceux qui veulent poursuivre la guerre doivent savoir qu’ils ne nous vaincront jamais

L’État cherche à tirer profit de la guerre, à la maintenir et à atteindre ses objectifs grâce à elle. Mais je le répète : il n’y parviendra pas par la guerre. Pourquoi ? Parce que nous aussi, nous avons 41 ans d’expérience. Nous avons développé de nouvelles tactiques. Nous avons mené la guerre dans la clandestinité, à la surface et dans les airs. Ils ne peuvent pas nous vaincre. Ils ne peuvent pas nous éliminer. La résistance fondée sur la nouvelle doctrine de guerre établie lors de la réunion du Conseil de commandement des Forces de défense du peuple (HPG) est invincible. Même si cent ans passaient, le résultat serait le même. C’est pourquoi notre analyse est solide et notre direction est juste. Si cela continue, ils ne peuvent pas nous vaincre. Ils ont essayé de nous dominer avec la technologie, mais nous avons maintenant développé nos propres technologies pour y répondre. Les enfants et les amis de ce peuple n’ont pas seulement embrassé un esprit de sacrifice, ils ont également développé des techniques avancées. Et notre peuple est à nos côtés. À ceux qui persistent dans la guerre, nous le répétons une fois de plus : vous ne nous vaincrez jamais.

Ce n’est pas une fin, c’est un nouveau départ pour la liberté

Ce mouvement a prouvé son invincibilité, tout comme ce peuple. Sous la direction du président Öcalan, notre peuple est également prêt pour la paix. Vraiment prêt à instaurer la paix interne. L’approche de l’État doit refléter cette réalité. L’état d’esprit qui consiste à dire « nous pouvons les éliminer par la force, nous les avons déjà affaiblis, nous gagnerons grâce à des opérations et des attaques » n’est pas un état d’esprit de résolution. Ce n’est pas une approche saine. La guérilla peut poursuivre la lutte conformément aux méthodes et aux exigences de cette époque et démontrer une fois de plus son invincibilité. Mais comme l’a également souligné le président Öcalan, cette époque est révolue. Par conséquent, un changement est nécessaire, et nous y croyons. Nous pensons que la stratégie de la guerre armée doit prendre fin. Cependant, si l’État refuse d’accepter cela et ne met pas en œuvre les changements juridiques nécessaires, il ne sera pas possible de le réaliser dans la pratique. Ce n’est pas une fin, c’est un début. Un nouveau départ pour la liberté, pour le mouvement apoïste, pour notre peuple et les peuples de la région. 

Pour que notre congrès soit couronné de succès et produise des résultats significatifs dans la lignée du président Öcalan, chaque camarade doit se considérer comme responsable et agir avec ce sens du devoir. Nous sommes engagés sur la voie des martyrs et du président Öcalan. Nous sommes les représentants des martyrs. Des centaines de camarades sont tombés à nos côtés. Cela revêt une signification profonde et une lourde responsabilité. Nous ne pouvons pas l’aborder à la légère. Nos responsabilités sont grandes. Ce qui compte pour nous, c’est la manière dont nous répondons à la vérité du président Öcalan, dont nous représentons l’héritage des martyrs. Je crois que chaque camarade participera à ce congrès avec ces émotions et ce sens des responsabilités. Notre congrès sera couronné de succès dans le cadre de la perspective du président Öcalan. Dans cet esprit, je souhaite bonne chance à tous les camarades.

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