Arrêté à l’âge de 17 ans pendant le siège de Dargeçit par l’armée turque en 2015, Kadri Sancar vient de voir sa peine de 22 ans de prison confirmée par la Cour de cassation.
Kadri Sancar a été condamné à 22 ans de prison à l’issue d’un procès qui s’est déroulé par visioconférence depuis la prison d’Aliaga Sakran à Izmir. La sentence a été confirmée par la Cour de cassation le 6 juillet. Il avait 17 ans lorsqu’il a été arrêté en décembre 2015.
Sancar et ses amis s’étaient réfugiés dans une maison pendant le siège militaire de la ville de Dargeçit (Kerboran), dans la province kurde de Mardin, en 2015-2016. Ils avaient tous moins de 18 ans. Ils ont été arrêtés par les unités des forces spéciales.
S’adressant à l’agence de presse Firat News (ANF), Islam Sancar, frère aîné de Kadri, a déclaré que celui-ci n’avait pas bénéficié d’un procès équitable. Il a expliqué que les jeunes s’étaient réfugiés dans la maison de la tante de l’un d’entre eux pendant le conflit. Le dernier jour du couvre-feu, la maison a été perquisitionnée par des unités des forces spéciales de l’armée sur la base de certains témoignages. Selon Islam, les jeunes ont eu peur en entendant les tirs de sommation. « Ils sont sortis pour éviter de mettre en danger la famille chez laquelle ils s’étaient réfugiés », a-t-il déclaré.
« Des mineurs âgés de 15, 16 et 17 ans ont été soumis à la torture par les unités des forces spéciales, a rappelé Sancar ; une ceinture a été attachée autour du cou de mon frère Kadri, il a été traîné au sol. »
Les jeunes ont été détenus à Midyat, dans la province de Mardin, pendant un peu plus d’un mois, avant d’être déportés à la prison pour mineurs de Şakran à Aliağa, dans la province d’Izmir, à environ 1500 kilomètres de distance.
Islam Sancar a par ailleurs indiqué que son frère était malade depuis un certain temps et que, de ce fait, il n’arrivait pas à s’alimenter. Malgré ses problèmes de santé, Kadri n’a pas bénéficié de soins pendant une longue période. Et quand il a enfin pu avoir un traitement, celui-ci a été interrompu par la pandémie de Covid-19.
Les parents de Kadri n’ont pu le voir qu’à deux reprises depuis qu’il est emprisonné à Izmir. « Nous n’avons pas les moyens d’aller aussi loin, dit le frère. Mon frère était encore enfant quand il est allé en prison. Son enfance s’est terminée là-bas. Il va désormais devoir y achever également sa jeunesse, étant donné la peine qui lui a été infligée. »
Suite à la décision de la cour de cassation, l’avocate de la famille, Çiğdem Koç, a saisi la Cour constitutionnelle pour obtenir un nouveau procès. Mme Koç a souligné que les mineurs jugés ne voyaient presque jamais le visage des juges : « C’est une deuxième affaire Ilhan Çomak [jeune poète kurde arrêté en 1994 et condamné à la prison à perpétuité à l’issue d’un procès jugé inéquitable par la CEDH]. Les garçons ont été condamnés à 22 ans sans procès en face à face. Ces jeunes gens étaient des enfants lorsqu’ils ont été arrêtés, et aucun n’a bénéficié d’un procès équitable. »