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L'armée turque arrête et torture des habitants d'Afrin.

Face à la hausse spectaculaire des exactions commises par ses alliés jihadistes à Afrin, la Turquie a rappelé à l’ordre les groupes armés qu’elle a elle-même installés. Ankara condamne les enlèvements et détentions arbitraires, qu’elle se plaît pourtant à pratiquer, tout en enjoignant les milices extrémistes à porter un uniforme et à cesser les affrontements entre eux. Des évidences pour l’instant sans effets. 

Voilà un mois que l’on est sans nouvelles du célèbre dengbêj Hesen Ebdo, enlevé par l’armée turque. Originaire du village de Kebashin dans le district de Sherawa, il symbolise l’attaque de l’occupant venu de Turquie et de ses alliés sur le patrimoine culturel et historique de la population d’Afrin. Les dengbêj kurdes sont les dépositaires de la mémoire collective avec des contes et des histoires qu’ils déclament en chantant au gré de leurs pérégrinations. Lorsque les soldats turcs s’en prennent à eux, c’est toute une communauté et son héritage qu’ils agressent. 

Dans les villages de Kochoman (district de Jinderes), la population locale s’est rassemblée et s’est mise à manifester sa colère en marchant vers un camp retranché du groupe Firqat al- Hamza. Le jeudi 26 juillet, celui-ci a en effet conduit un raid sur la localité au cours duquel 14 personnes ont été kidnappées. Voici les identités des personnes concernées par la rafle terroriste : Esat Cemil Osko, Ferhat Xelil Efendi, Abdurrahman Osman, Zekeriya Osman, Faik Hamo Osko, Faik Ferit Xelil, Armanç Xelil Cibli, Adnan Mecit, Ekrem Mecit, Celal İbiş, Xelil Muhammed Beik, Celal İbiş, Abdo Muhammed Haydar et Fevzi Bakir. Quant aux manifestants, ils ont fini par être dispersés mais la tension reste palpable dans tout le district. 

Le groupe terroriste Firqat al-Hamza s’est de nouveau illustré quelques jours plus tard à Qîbar, localité du district d’Afrin. Lors d’une razzia sur leurs propriétés, plusieurs femmes ont eu les mains menottés et les yeux bandés alors que les mercenaires au service de la Turquie s’emparaient de leur argent et bijoux. Après être parvenues à se libérer de leurs entraves, les femmes spoliées de leurs biens se sont immédiatement rendues à Afrin pour déposer plainte au quartier général de l’armée turque. Les officiers auxquels elles ont fait face n’ont cependant pas porter d’attention aux plaignantes. 

Des crimes qui ont trouvé un écho un peu plus au nord, dans le district de Rajo et le village de Mosaka, où trois civils ont été à leur tour enlevés le samedi 28 juillet au matin. Omar Hussein Aliko (23 ans), Agid Mohammed Dardo (28 ans) et Mohammed Hassan Mohammed Dardo (22 ans), ont été arrêtés et emmenés dans un lieu inconnu alors qu’ils travaillaient dans leur champ de sumac, une plante utilisée comme condiment. Leurs téléphones portables ont par ailleurs été saisis. La veille et dans ce même village, les mercenaires en arme ont tenté de s’en prendre aux biens des habitants en les menaçant pour parvenir à leurs fins. 

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Un djihadistes alliés de l’armée turque à Afrin, le 18 janvier 2018 – Photo : Bulent Kilic / AFP

Dans le district de Jinderes, décidemment cible privilégiée des occupants pour commettre leurs crimes, plus de 30 civils ont été raflés le dimanche 29 juillet. Leurs habitations ont été pillées à la suite de leur enlèvement et une demande de rançon a été formulée aux proches des victimes comme il est désormais de coutume. Un habitant de Jinderes a évoqué les méthodes utilisés par les criminels à la solde de la Turquie : « ils utilisent de nouveaux moyens pour commettre leurs vols et dans leurs demandes de rançon. Ils envoient des images et des vidéos des personnes détenues à leurs familles en Europe et les menacent en disant qu’ils tueront les personnes enlevées s’ils ne leur envoient pas l’argent escompté ». Selon cette même source, des membres du Conseil national des Kurdes syriens (ENKS), proche d’Ankara, renseignent les milices armées sur les personnes ayant une bonne situation financière et matérielle ainsi que sur ceux ayant de la famille en Europe. Une méthode ciblée pour engranger un maximum de profits sur le dos de victimes innocentes. 

Le kidnapping à grande échelle n’est pas seulement un crime, c’est aussi une humiliation et un traumatisme. Le cas de Seydo Arif Belo est à ce titre édifiant. À 83 ans, il vivait encore récemment dans son village de Dîkê, à proximité de Rajo, malgré les pressions et les menaces des forces turques et de ses supplétifs extrémistes. Un jour et alors qu’il travaillait dans ses champs, l’octogénaire s’est retrouvé cerné par de nombreux soldats turcs et mercenaires. 

« Ils ont commencé à me frapper, sans explications. L’un des miliciens extrémistes, du nom de Mihemed, m’a plaqué au sol tout en me parlant en kurde. Il s’est mis à me vider les poches, dans lesquelles il y avait 50 000 livres syriennes et 800 lires turques, ainsi que mon téléphone. Il a tout pris, pour se les mettre dans ses poches à lui, » raconte Seydo. Après avoir été volé, il se retrouve avec un couteau sous la gorge, tenu par la même personne : « je pensais qu’il allait me décapiter mais il a changé d’avis et m’a mis dans un véhicule où ils m’ont bandé les yeux. Sur la route, ils ont emmené quatre hommes kidnappés, du village de Belîlko. Nous nous sommes arrêtés dans un lieu proche de Rajo, les yeux toujours bandés. Il y avait là huit autres détenus dont Ezedîn Mihemed, 95 ans, et sa fille, tous deux du village de Mosaka. Nous avons été retenus prisonniers pendant deux jours et nous n’avons jamais reçu à manger. Les mercenaires venaient quand ils le voulaient pour nous tabasser. » 

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Dengbêj Hesen Ebdo

Seydo est alors emmené dans un poste armé du groupe terroriste à Belîlko pour un interrogatoire, « mais je n’avais commis aucun crime. Ils m’ont alors transporté jusqu’à un check-point de Rajo où l’un de mes proches est venu me récupérer. » Après avoir appelé son fils, réfugié dans le district de Shehba, et lui avoir demandé un peu d’argent, le vieil homme a réussi à rejoindre les zones sécurisées de Shehba, loin de l’occupation turque et de ses exactions. Mais il a du laissé derrière lui une terre qu’il cultivait et à laquelle il était tant attaché. 

La multiplication des enlèvements, pillages, viols et meurtres trouvent sans doute une part d’explication dans le climat d’insécurité dans lequel évolue l’armée turque et ses milices terroristes à Afrin. Celles-ci sont harcelées par la résistance des YPG/YPJ, retranchés dans les montagnes desquelles elles n’arrivent pas à les déloger malgré les nombreuses actions contre- insurrectionnelles qu’elles conduisent. L’élimination ciblée de soldats turcs et de terroristes sème la peur parmi les occupants qui se vengent sur les populations civiles en faisait preuve d’une inhumanité et barbarie inouïe. 

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