Donald Trump, le 22 août 2017 à Washington-AFP / Brendan Smialowski

La nouvelle stratégie de Donald Trump pour gagner en Afghanistan reprend de vieilles recettes militaires, mais le président américain a aussi pris un risque diplomatique à double tranchant en critiquant ouvertement le Pakistan, puissance nucléaire à l’équilibre fragile.

Le territoire pakistanais « est souvent un refuge pour les agents du chaos, de la violence et de la terreur », a-t-il dénoncé sans détours lundi. Le Pakistan a « beaucoup à perdre s’il continue à abriter des criminels et des terroristes », déstabilisant l’Afghanistan voisin, a-t-il martelé. « Cela va changer immédiatement ! »

Ce n’est pas la première fois que Washington met la pression sur Islamabad, jugé trop tendre vis-à-vis du réseau Haqqani, allié des talibans afghans et depuis longtemps considéré comme lié aux services secrets pakistanais.

Mais « de la part d’un président, c’était le discours le plus dur jamais entendu », souligne Sadanand Dhume, chercheur au cercle de réflexion conservateur American Enterprise Institute.

Le Pakistan, qui avait pris les devants en assurant dès lundi n’abriter plus « aucune structure organisée d’aucun groupe terroriste », a aussitôt fait valoir mardi son « désir de paix ».

La Chine a elle vigoureusement pris la défense de son allié stratégique, estimant que « la communauté internationale devrait entièrement soutenir les efforts du Pakistan », ce qui laisse entrevoir de nouvelles tensions régionales si les Etats-Unis devaient confirmer dans les actes ce durcissement.

« Il faudra voir sur quoi va déboucher cette nouvelle tentative pour faire pression sur le Pakistan au cours des prochaines années », disent les analystes du Soufan Groupe, une agence de consultants en sécurité et renseignement, rappelant que les précédentes administrations américaines ont déjà essayé.

Surtout, les experts attendent de comprendre comment Washington entend mettre en musique cette stratégie, et quelles mesures seront prises si Islamabad rechigne à s’y plier.

Sadanand Dhume énumère une palette d’options, qui vont d’une réduction de l’aide militaire américaine à des sanctions visant des sociétés ou personnes liées à l’armée pakistanaise. Au-delà, les Etats-Unis pourraient « étendre les frappes de drones sur le territoire pakistanais » visant des jihadistes.

Carte indienne

Enfin, les Etats-Unis pourraient retirer au Pakistan leur statut d' »allié majeur non-membre de l’Otan », octroyé par George W. Bush en 2004 lorsque Washington pensait « pouvoir vraiment travailler avec Islamabad », voire le placer sur leur liste noire des Etats qui soutiennent le terrorisme, « mais je ne pense pas qu’ils iront jusque-là », ajoute ce chercheur.

Mais James Jeffrey, du Washington Institute of Near East Policy, redoute que la marge de manoeuvre des Etats-Unis soit en réalité très réduite, d’autant que l’armée américaine dépend du Pakistan côté logistique. « Il n’y a pas vraiment de moyens de faire pression sur le Pakistan », qui renoncera difficilement à soutenir le réseau Haqqani et les talibans, prévient cet ex-diplomate.

Donald Trump a certes sorti lundi la carte indienne, en louant les efforts de l’Inde et en l’appelant à intervenir encore davantage en Afghanistan « sans plus prendre trop de précautions pour ne pas froisser le Pakistan », relève Sadanand Dhume.

Cela peut servir de levier sur Islamabad, parce que « le Pakistan ne veut certainement pas que l’Afghanistan s’effondre mais il ne veut pas davantage d’un gouvernement afghan trop proche de New Delhi », selon un ancien haut responsable du Pentagone, Seth Jones, du groupe de réflexion RAND Corporation.

C’est aussi un jeu dangereux. Si les tensions régionales sont attisées, l’Inde et le Pakistan, déjà engagés dans un bras de fer permanent autour notamment du sort du Cachemire, pourraient basculer dans une guerre nucléaire, prévient James Jeffrey.

Cet analyste craint avant tout une déstabilisation du pouvoir pakistanais qui serait catastrophique, avec le risque « que des armes nucléaires tombent entre le mains d’une organisation terroriste » ou qu’un groupe assimilé aux talibans « prenne le contrôle de ce pays » musulman de près de 200 millions d’habitants.

Pour James Jeffrey, le problème de la stratégie de Donald Trump est son objectif affiché de « victoire » en Afghanistan, car « personne ne peut l’atteindre ». Selon lui, le statu quo est en revanche possible: les autorités pakistanaises vont continuer de contenir « l’impact stratégique » des groupes jihadistes car elles n’ont pas intérêt à voir les Etats-Unis se retirer totalement et les talibans prendre le pouvoir à Kaboul.

Source : AFP

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