Après avoir envahi Afrin, la Turquie cherche par tous les moyens à détruire le mouvement de libération kurde. Le plan de la Turquie d’étendre son invasion au nord de la Syrie a échoué du fait de l’intervention des États-Unis et de la France qui ont établi des bases militaires à Manbij et déployé des patrouilles communes pour parer à une éventuelle attaque des troupes turco-djihadistes. Endigué en Syrie, le président turc Recep Tayyip Erdogan a tourné son attention vers le territoire irakien.

Les velléités d’invasion turques en Irak ont connu plusieurs rebondissements depuis l’invasion d’Afrin. La Turquie a d’abord lorgné sur la région de Shengal peuplée majoritairement de Kurdes Yézidis. En août 2014, cette région avait été envahie par Daesh qui s’était livré à des massacres sans nombre et réduit en esclavage des milliers de femmes et d’enfants. L’intervention de la guérilla du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) et des forces du Rojava (YPG/YPJ) avait évité un massacre encore plus grand en permettant l’évacuation de plus de 70 000 civils. Pour combattre Daesh, les Yézidis ont par la suite organisé leurs propres bataillons, les YBS (Unités de Protection de Shengal) soutenues par le PKK et les YPG/YPJ. Pour assister les YBS et protéger la population civile, le PKK avait laissé des troupes sur place.

Erdogan n’a cessé de répéter qu’il prendrait Shengal, sous prétexte que le PKK y était présent. Afin de contrer une intervention imminente de la Turquie, les YBS ont dû passer un accord avec Bagdad : en échange de leur renonciation au rattachement au Gouvernement régional du Kurdistan (KRG) ils se sont vu reconnaître par Bagdad le statut de milice légale et ont obtenu le paiement de leurs salaires par le gouvernement central. Le PKK a pu alors procéder au retrait de ses troupes, annulant ainsi le Casus Belli turc. La Turquie était en effet bloquée car s’attaquer aux YBS revenait à présent à s’attaquer à l’État irakien.

Après ce second échec, La Turquie n’a eu d’autres recours que de concentrer ses attaques contre la région de Qandil, principale base du PKK au Kurdistan, avec l’aide de son alliée de longue date, la famille kurde des Barzani qui contrôle les deux tiers du KRG à travers ses milices appelées Peshmergas. La nouvelle manœuvre turque consiste à pénétrer sur le territoire irakien pour couper les voies de ravitaillement de la guérilla du PKK allant du mont Qandil aux chaînes de montagnes du Bakûr (partie du Kurdistan occupée par la Turquie). La famille Barzani a livré aux Turcs plusieurs dizaines de villages et positions stratégiques entre Qandil et la frontière Turque. Les troupes Turques ont ainsi pu avancer de plus de 20 km sur le territoire irakien, jusqu’aux portes de Qandil, et entamé leurs opérations militaires, piétinant les normes les plus fondamentales du droit international et faisant la sourde-oreille à l’opposition du gouvernement irakien. La Guérilla du PKK a répondu en intensifiant ses opérations visant à chasser les troupes d’occupation turques.

Ces attaques s’ajoutent à une série de campagnes militaires à l’extérieur du territoire turc qui semblent traduire une fuite en avant effrénée d’Erdogan. Dans le même temps, les Etats-Unis viennent d’annoncer leur intention de retirer à la Turquie leur soutien financier et d’utiliser cet argent au profit des territoires sous le contrôle des Forces Démocratiques syriennes (FDS, arabo-kurdes). Les interventions de la Turquie lui coûtent de plus en plus cher, tandis que son économie est en chute libre. Pourra-t-elle continuer ainsi sans risquer une aggravation de la crise ?

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