Le 24 juin, j’étais présent dans la ville de Suruç accompagné d’une autre membre de l’ONG française Solidarité et Liberté et d’une représentante du syndicat CGT des Bouches-du-Rhône. Le constat est sans appel, les élections se sont déroulées dans un climat de violence et de fraudes généralisées et organisées. Une ville dans laquelle la police et l’armée disposant de blindés avaient instauré un climat de peur.

Nous avons constaté la présence de policiers dans les écoles et les bureaux de vote et pour certains d’entre eux des blindés de l’armée stationnés devant.

Les policiers en civils ou uniformes nous ont empêché d’accéder aux bureaux de vote, nos passeports ont été systématiquement photographiés. Nous avons recueillis de nombreux témoignages de représentants du HDP ou CHP dénonçant les fraudes massives suivant un procédé identique pour les 7 écoles où nous nous sommes rendus.

Des groupes d’individus accompagnés par le candidat de l’AKP Ibrahim Halil YILDIZ, ou son frère investissaient les bureaux de vote avec la complicité des officiers de police, frappaient ou menaçaient de mort les délégués du HDP ou d’autres partis qui tentaient de s’y opposer. Ils ouvraient les urnes, les vidaient de leur  contenu et le remplaçaient par des paquets d’enveloppes contenant des bulletins de l’AKP.

Dans le bureau de vote de l’école KIZI IMAN HATIP LISESI située dans le centre de Suruç où nous nous sommes rendus, nous avons constaté la présence de 2 ambulances et une rue barrée par un cordon de policiers en tenues anti-émeute ainsi que la présence de deux blindés qui interdisaient l’accès à l’école. Une salve de gaz lacrymogène venait d’être tirée sur les habitants qui protestaient.

Les témoignages recueillis sur place ont fait état de la présence de ces mêmes individus qui ont tenté une nouvelle fois de frauder, face à la résistance des représentants du HDP et des électeurs présents, le frère du candidat AKP a crié « tuez les ». Ses hommes ont ouvert le feu avec des armes de point, deux personnes ont été touchées par balles, une autre blessée par couteau. 

Une journaliste kurde présente sur les lieux a été menacée de mort et a échappé aux brutalités grâce à des jeunes qui l’ont protégée.

Présent à l’extérieur, j’ai été témoin de la complicité des forces de l’ordre qui ont laissé partir un véhicule transportant des membres de ce commando. La plaque d’immatriculation de ce véhicule a été relevée par les membres de la délégation.

Après avoir été dans un village à proximité immédiate de la frontière ou l’armée était présente dans l’école, nous avons ont été arrêtés dans l’école Namik KEMAL. Les officiers de police nous ont pris les passeports et indiqué à l’avocat qui nous accompagnait, notre mise en garde à vue et notre prochaine comparution devant le procureur.

Grâce à l’alerte lancée immédiatement en France, la présence de l’avocat et la mobilisation du HDP et de deux de ses députés dont Feleknas UCA qui sont venus immédiatement à Suruç, nous avons été libéré avec consigne de quitter la ville.

Au regard de cette situation nous pouvons sans conteste, considérer que les élections se sont déroulées dans un climat de violence, de fraudes massives qui ont dénaturé le choix des électeurs. 

Ces pratiques sont condamnables, elles ne correspondent pas aux normes démocratiques. L’AKP et M. Erdogan ont bafoué les droits les plus élémentaires, ceux d’un peuple à la libre expression.

Dans ces conditions il est honteux qu’aucune voix de gouvernements de pays européens ne se soit faite entendre pour dénoncer ces pratiques. C’est un encouragement lancé à Erdogan pour qu’il poursuive sa répression, en particulier contre les kurdes, le HDP et tous les démocrates ou opposants.

Par Joël Dutto

Coordinateur de la Coordination Nationale Solidarité Kurdistan (CNSK)

ONG Solidarité & Liberté

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