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Leyla Güven, députée du Parti démocratique des Peuples (HDP) pour la province de Hakkari et Coprésidente du Congrès des Sociétés démocratiques DTK, est en grève de la faim depuis le 8 novembre, dans la prison de Diyarbakir pour attirer l'attention de l'opinion publique internationale sur le régime d'isolement imposé au Leader kurde Abdullah Öcalan.

Dans un entretien avec l’agence de presse Firat News, La fille de Leyla Güven, Sabiha Temizkan, journaliste de profession, parle de la situation de sa mère, de son engagement et de sa détermination à aller jusqu’au bout dans sa revendication : mettre fin à l’isolement du leader kurde Abdullah Öcalan sur l’île-prison d’Imrali.

“Ma mère a lancé cette résistance de son plein gré et entraîné un mouvement général de protestation. Les actions qui ont suivi la sienne lui donnent une force incroyable. À chaque occasion, elle remercie les gens pour leur soutien, elle remercie la solidarité des partis et des forces démocratiques”, confie Sabiha Temizkan.

Leyla Güven, députée du Parti démocratique des Peuples (HDP) pour la province de Hakkari et Coprésidente du Congrès des Sociétés démocratiques (DTK, structure regroupant des organisations politiques et de la société civile avec l’objectif de promouvoir la démocratie et résoudre la question kurde), est en grève de la faim depuis le 8 novembre, dans la prison de Diyarbakir. Incarcérée en janvier 2018, et maintenue en détention malgré son élection sur le liste du HDP aux élections législatives de juin dernier, elle cherche, à travers son action, à attirer l’attention de l’opinion publique internationale sur le régime d’isolement imposé au Leader kurde Abdullah Öcalan, régime qui est en passe de s’étendre à tous les prisonniers politiques en Turquie. 

L’action de Leyla Güven a suscité un mouvement de solidarité au Kurdistan et en Turquie, mais aussi en Europe et dans le reste du monde. Des grèves de la faim sont actuellement menées dans les prisons de Turquie et de nombreuses villes comme Urfa, Van, Mardin, Mersin, Adana,… La solidarité se répand également au Rojava et en Europe, alors que les prisonniers du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) et du Parti des Femmes libres du Kurdistan (PAJK) ont également entamé une grève de la faim le 27 novembre.

«J’ai vu ma mère à l’occasion d’un parloir, au 26ème jour de sa grève de la faim, poursuit la jeune femme. Elle était en bonne santé, même si elle a perdu beaucoup de kilos et se rapproche de la phase critique. Elle était de bonne humeur et a déclaré qu’elle était déterminée à continuer l’action. Elle a dit que le dirigeant du PKK, Abdullah Öcalan, avait un rôle important à jouer pour assurer la paix sociale en Turquie et a ajouté que le régime d’isolement qui lui est imposé est en réalité imposé à l’ensemble du peuple.”

Estimant que cette action devait être considérée comme faisant partie des efforts visant à assurer la paix, la jeune femme continue : « En annonçant sa décision de faire une grève de la faim, elle [Leyla Güven] a présenté ses excuses aux Mères de la Paix et à notre peuple pour ne pas avoir réussi dans son entreprise de ramener la paix. Elle a ajouté que la levée du régime d’isolement imposé à Öcalan permettrait de faire renaître les espoirs de paix.”

Evoquant les actions de solidarité lancées dans les prisons de Turquie et partout dans le monde, Temizkan dit : «L’exigence de mettre fin à l’isolement imposé au dirigeant du peuple kurde, Öcalan, ne vient pas seulement ma mère. En tant que membre du HDP et Coprésidente du DTK, ma mère a ouvert la voie à cette résistance. Les actions qui ont suivi lui donnent énormément de forces. Elle est convaincue que la propagation de ces actions peut faire aboutir leur revendication. Je demande à tous ceux qui veulent la paix d’élever la voix et de mettre ainsi fin aux actions de grève de la faim dans les prisons avant qu’elles n’atteignent un seuil critique.” 

Temizkan décrit sa mère comme « une femme très forte » qui ne se laisse jamais abattre, même dans les pires circonstances : “Ma mère m’a toujours donné de la force. Sa détermination ne connaît pas de limites. Son corps s’affaiblit, mais elle reste très sereine. C’est une motivation incroyable pour elle de savoir que les gens de l’extérieur la suivent et la soutiennent avec beaucoup d’espoir. »

Soulignant qu’en tant que journaliste kurde, elle a toujours été « attentive aux souffrances engendrées par le conflit depuis des années », elle conclut : « Avec le processus de négociations, nous avons tous espéré que les souffrances de la population allaient enfin cesser. Ma mère a consacré sa vie à la paix. Je peux comprendre ses préoccupations et l’action qu’elle a entreprise au péril de sa vie. La paix sociale est le besoin le plus urgent de tous ceux qui vivent sur cette terre. J’essaie de faire du journalisme en ces temps où la liberté de la presse et la liberté d’expression sont dans les pires conditions. Je pense qu’il n’y a pas d’autres moyens de dire plus fort la “paix” à un moment où tous ceux qui expriment la demande de paix, des universitaires aux médecins, sont bannis. “ 

Née en 1964, dans la région de Konya, Leyla Güven débute sa carrière politique en 1994, en militant dans les partis pro-kurdes successifs (HADEP, DEHAP, DTP, BDP…). Elue Maire de Viransehir, dans la province d’Urfa, en 2009, elle intègre à ce titre le Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe. Mais elle sera arrêtée peu de temps après, en décembre 2009, dans le cadre d’une grande vague d’arrestations ciblant les dirigeants et élus du DTP, et emprisonnée pendant 5 ans. Le 22 janvier 2018, Leyla Güven, alors Coprésidente du DTK, est à nouveau arrêtée et envoyée en prison du fait de ses déclarations critiquant l’opération de l’armée turque contre Afrin. Malgré l’immunité parlementaire conférée par son élection en tant que députée du HDP en juin 2018, les autorités turques font en sorte de la maintenir en détention en engageant de nouvelles poursuites contre elle.

Arrêté au Kenya en 1999 dans le cadre d’une opération conjointe des services de renseignement de plusieurs Etats, dont les Etats-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Russie, le leader du mouvement de libération kurde Abdullah Öcalan purge depuis une peine de prison à vie sur l’île-prison d’Imrali dont il a été pendant plusieurs années le seul détenu. Depuis 2011, les demandes de visite déposées chaque mercredi par ses avocats sont systématiquement rejetées par les autorités turques. A partir d’avril 2015, période où l’Etat turc a mis fin unilatéralement au processus de paix entamé deux ans plus tôt, le leader kurde est détenu à l’isolement total, avec interdiction de communiquer de quelque manière que ce soit avec l’extérieur. En septembre 2016, il est autorisé exceptionnellement à recevoir la visite de son frère. Depuis, il n’a plus aucun contact avec l’extérieur.

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