Turquie
Mustafa Karasu, membre du Conseil exécutif de l'Union des Communautés du Kurdistan (KCK)
Les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont lancé des frappes aériennes contre de nombreuses bases et installations militaires syriennes. Les deux événements qui ont ouvert la voie à de tels raids aériens ont été les négociations entre la Russie et la Turquie, sur la Ghouta orientale et sur Afrin.

En échange de l’autorisation donnée à la Turquie d’occuper Afrin, la Russie a frappé les bandes islamistes dans la Ghouta orientale et à Douma. Alors que les gangs de la Ghouta orientale étaient écrasés, la Turquie ne protestait pas et envahissait Afrin. Ce n’est pas une coïncidence si l’attaque contre la Ghouta orientale et l’invasion d’Afrin ont été menées parallèlement.

La question de l’utilisation d’armes chimiques est apparue dans ce contexte. L’attaque des États-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne contre la Syrie a été lancée dans le contexte politique résultant du marchandage répugnant sur l’occupation d’Afrin. S’il y a eu réellement usage d’armes chimiques, la Turquie en est complice. Parce que l’opération contre la Goutha orientale et Douma a été menée en contrepartie de l’invasion d’Afrin.

Cet événement montre une fois de plus comment la Turquie propage sa guerre anti-kurde. Si la Turquie n’était pas hostile aux Kurdes, tous les gangs présents en Syrie auraient été vaincus en peu de temps. Si les résidus de Daesh et d’Al Nosra, et des groupes similaires continuent d’exister en Syrie, c’est à cause des politiques de la Turquie. Sans comprendre cette réalité, personne, aucune partie en Syrie ne pourra développer une politique correcte. La seule façon de stabiliser la Syrie réside dans la création d’une Syrie démocratique s’appuyant sur les forces démocratiques du Rojava et du Nord de la Syrie.

Ce sont ces forces dont l’objectif est de créer une Syrie démocratique qui amèneront les deux fronts opposés que sont les États-Unis et la Russie à une conciliation. Mais la politique d’hostilité de la Turquie, à la fois contre les Kurdes et la démocratie, empêche une telle conciliation et favorise la continuation du conflit.

Le discours de la Turquie sur la nécessité d’une solution politique n’est qu’une rhétorique visant à cacher son vrai visage. La solution que préconise la Turquie pour la Syrie repose en réalité sur le déni des Kurdes et la volonté d’entraver leur projet de fonder une société libre et démocratique. Cela signifie la guerre. C’est ainsi que la guerre contre Afrin et la Goutha a vu le jour. Les frappes aériennes des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France sont également le résultat de cette politique. Il est primordial de déjouer et entraver les plans de l’Etat turc concernant la Syrie.

L’enjeu kurde révèle les caractères de chaque force politique présente sur le terrain. Dans le monde d’aujourd’hui, il n’y a pas un phénomène qui dévoile les réalités autant que la lutte des Kurdes. De par leur cause juste et leur politique adaptée, les Kurdes exposent aux yeux de l’humanité les vrais visages de tout le monde. L’occupation d’Afrin a révélé les caractères de la Russie et de ses alliés. Aujourd’hui, c’est les caractères des forces américaines et de la coalition qui émergent. Les États-Unis et leurs partenaires, qui n’ont rien dit lorsque l’État turc a tué des centaines de civils à Afrin, ont lancé des frappes aériennes contre la Syrie après l’attaque chimique présumée de Douma.

Alors que l’utilisation d’armes chimiques est alléguée, l’attaque contre Afrin menée par la Turquie est une réalité indiscutable. Si on attaque Douma, on devrait également attaquer l’état turc. A Afrin, comme à Douma, des civils ont été tués. Il y a même eu plus de victimes civiles à Afrin. De ce point de vue, comment croire que les forces qui n’ont pas élevé la voix pour Afrin interviennent pour l’humanité à Douma?

Une fois de plus, les Kurdes ont été sacrifiés sur l’autel des intérêts politiques. Comme si le massacre d’enfants, de femmes et de civils kurdes n’était pas si important; comme si c’était normal que les Kurdes soient tués! Des centaines de civils ont été tués dans la résistance autogestionnaire de 2015-2016, tandis que les villes ont été incendiées et réduites au silence. Cela démontre à quel point l’approche envers les Kurdes est à la fois hypocrite et laide. En ce moment, le problème le plus fondamental du monde est la question de la moralité politique; le problème des doubles standards. Cette situation gangrène le monde. La Russie soutient le génocide kurde, les États-Unis et la coalition restent silencieux quand il s’agit du génocide kurde; mais quand des civils meurent à Douma, ils lancent des frappes aériennes avec leurs alliés, au risque d’affronter la Russie!

Ces derniers jours, le président américain Donald Trump a déclaré: « Nous avons vaincu DAESH, où sont les remerciements ? » Cependant, au lieu de remercier les Kurdes qui ont perdu des milliers de jeunes vies dans le combat contre Daesh, Trump a fermé les yeux sur l’agression menée contre les Kurdes par la Turquie qui soutient Daesh. Les États-Unis ont même encouragé cette agression par leur attitude. C’est inouï ce paradoxe et cette immoralité ! Si les Kurdes n’avaient pas donné des milliers de martyrs, il n’y aurait plus de régime, et la Russie et les Etats-Unis ne seraient plus là non plus. Avec son allié Daesh, la Turquie serait devenue le « Coq » du Moyen-Orient. La Turquie a monté les enchères pour marchander Daesh encore plus cher. La Russie et les États-Unis ont vu les sacrifices fait par les Kurdes en Syrie, mais n’ont pas agi en conséquence.

Alors que les États-Unis ne réagissent pas au massacre kurde à Afrin, ils réagissent immédiatement aux armes chimiques qui auraient été utilisées à Douma. Cette attitude est compréhensible si des armes chimiques sont utilisées. Les problèmes en Syrie pourraient sans aucun doute être résolus avec une politique correcte. Pourquoi n’y a-t-il pas la même attitude vis-à-vis des Kurdes qui ont payé un lourd tribut dans la lutte contre Daesh et al-Nusra?

La Turquie essaie de tirer profit de cette attaque. Après l’ignoble marchandage avec la Russie sur la Goutha orientale et Douma, elle soutient aujourd’hui les attaques des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France. De cette façon, elle essaye de masquer sa complicité dans le massacre commis dans la Ghouta orientale.

La Turquie joue la « politique du Chacal ». Elle se range au côté de celui qui est susceptible de gagner. Elle joue la politique la moins fiable du monde. Parce que, à travers ses relations, l’AKP  vise uniquement le génocide kurde. Il a exploité ses relations avec la Russie pour envahir Afrin. Et, aujourd’hui, à l’est de l’Euphrate, il essaie d’avoir les faveurs des États-Unis, de la France et de la Russie. Il pense qu’il ne pourra atteindre ses objectifs contre les Kurdes du Rojava que s’il dispose du soutien d’une superpuissance.

La Turquie a développé ses relations avec la Russie, dans un contexte où il n’y avait pas de possibilité d’affrontements violents entre les Etats-Unis et la Russie. Si le conflit s’aggrave, la Turquie devra faire un choix et elle choisira les États-Unis et l’Occident. La Russie et l’Iran en sont conscients. Par conséquent, désormais, la relation entre la Russie et la Turquie consistera en une phase où chaque partie essaiera de poignarder l’autre dans le dos.

Il faut aussi dire que la conduite de la Russie est déterminée par les approches et les réflexes hérités de la période de la guerre froide. Quand bien même il y a eu des changements dans les caractères du capitalisme et de la lutte entre les forces capitalistes. Cela conduira à un processus qui aboutira à l’échec de la Russie. À cet égard, il y a fort à parier que ses efforts pour supplanter les Etats-Unis, avec la Turquie à ses côtés, se concluront par la déception.

D’un autre côté, la Turquie va se rendre compte, dans un avenir proche, que le contexte politique actuel ne permet pas la réalisation de sa politique de génocide à l’encontre des Kurdes. De ce point de vue, il est très probable que le gouvernement de l’AKP-MHP qui mène une politique de génocide contre les Kurdes en s’appuyant sur une superpuissance, y perde toutes ses plumes. Si les Kurdes et les cercles démocratiques luttent ensemble contre le fascisme de l’AKP-MHP, ce sera la fin inévitable du fascisme de l’AKP-MHP.

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